Après deux ans d’enquête, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) vient d’infliger une amende record au fournisseur d’électricité et de gaz Ohm Énergie. Fondé en 2018 par François Joubert, Ohm a été sanctionné pour avoir abusé du système d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).
Factures gonflées : Ohm Énergie écope d’une amende record pour ses abus
Ohm Énergie condamné à une amende de 6 millions d'euros par le gendarme de l'énergie
6 millions d'euros. Le gendarme de l'énergie, la Commission de régulation de l'électricité (CRE), dans une décision de ce lundi 15 juillet 2024, vient de sanctionner le fournisseur d'électricité et de gaz Ohm Énergie d'une amende de 6 millions d'euros. « Je me félicite de cette sanction, l'aboutissement d'une enquête approfondie de la CRE que j'ai souhaitée lancer dès mon arrivée. C'est une première en matière d'abus d'ARENH qui met en lumière les pratiques abusives d'un fournisseur d'électricité », s'est ainsi félicitée la présidente de la CRE. Qu'est-ce que l'ARENH ? Il s'agit d'un système qui permet aux fournisseurs autres qu'EDF d'acheter de l'électricité nucléaire, produite par les centrales d'EDF, à un prix fixe : 42 euros par mégawattheure (MWh), le but étant de favoriser la concurrence entre les fournisseurs alternatifs sur le marché de l'électricité. La CRE accuse Ohm Énergie d'avoir volontairement gonflé son nombre de clients en leur proposant des tarifs attractifs pour maximiser ses quotas d'électricité acheté bon marché à EDF. Jusqu'ici rien de condamnable. Sauf que Ohm Énergie, après avoir augmenté ses quotas d'énergie, a fait grimper les prix de son électricité. Pour les clients qui lui sont restés fidèles, le fournisseur a essayé de leur faire passer la pilule avec la crise énergétique, mais son objectif final était en réalité de revendre son électricité plus chère sur le marché de gros. Et l'on peut dire qu'Ohm Énergie n'y est pas allée de main morte : ses clients ont vu le prix de l'électricité de leur fournisseur augmenter de 105 % au 1ᵉʳ septembre 2022.
Bien qu'ayant été pris la main dans le sac par le gendarme de l'énergie, il est fort probable qu'Ohm Énergie fasse appel. Ohm Energie conteste d'ailleurs vigoureusement cette décision en remettant en question la réalité des faits et le fondement juridique, et va saisir en conséquence le Conseil d’Etat. L’entreprise précise qu’elle « n’a jamais procédé à la moindre résiliation de contrat de fourniture, elle a seulement prévenu ses clients lors de la crise énergétique, à deux reprises, qu’elle était contrainte, comme la très grande majorité des fournisseurs alternatifs, d’augmenter ses prix, ce que ses conditions contractuelles l’autorisaient à faire. Et n’a pas non plus revendu, sur les marchés de gros, l’énergie issue de l’ARENH mais seulement les compléments d’électricité qui excédaient l’allocation ARENH et qui avaient été antérieurement acquis sur ces mêmes marchés de gros ».
Une sanction pour servir d'exemple
Le stratagème de Ohm Énergie a été plus que payant. Le fournisseur d'électricité a fait passer ses bénéfices de 48 000 euros en 2021 à 57 millions en 2022, pour une marge brute de 44,3 millions d'euros ! Des bénéfices anormalement records et qui ont de facto attiré l'attention du gendarme de l'énergie, mais aussi celle de l'association des consommateurs CLCV. Cette dernière, après avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République avait lancé un appel à témoignages en juin 2024. D'après CLCV, 160 000 clients auraient ainsi été victimes des pratiques abusives de Ohm Énergie.
En condamnant Ohm Énergie, la CRE vise à lancer un avertissement à l'ensemble des fournisseurs alternatifs qui seraient tentés de profiter du système ARENH pour acheter de l'électricité bon marché auprès d'EDF, et maximiser leurs bénéfices via des pratiques douteuses. Le gendarme de l'énergie a ainsi publié, lundi 11 juillet 2024, les nouvelles règles qui s'appliqueront aux fournisseurs alternatifs d’électricité. Ces derniers auront désormais l'obligation de proposer des estimations de factures claires à leurs clients avant toute souscription à un contrat. Ils devront également préciser l'impact financier que pourrait avoir un changement de leur prix de revente de l'électricité pendant le contrat. Ils ont jusqu'au 30 septembre 2024 pour faire respecter ces nouvelles directives. Et pour informer les consommateurs, la CRE publiera les noms des fournisseurs qui refuseraient de s'y conformer.