Elections américaines : mieux vaut donner sa langue au chat

La polémique créée par Donald Trump reprenant une rumeur selon laquelle des migrants haïtiens qui auraient mangé les animaux de compagnie de leurs voisins dans une petite ville de l’Ohio n’est sans doute pas si innocente que cela.

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Par Gilles Sengès Publié le 20 septembre 2024 à 11h30
Donald Trump Delocalisations 2
@shutter - © Economie Matin
66%66% des Américians ont un animal de compagnie.

En attendant la prochaine polémique, la campagne présidentielle américaine se concentre, ces derniers jours, sur nos amis les bêtes. Tout est parti d’une rumeur reprise par JD Vance, le colistier de Donald Trump sur le ticket républicain dans la course à la Maison Blanche, selon laquelle des migrants haïtiens “qui ne devraient pas se retrouver dans le pays” créeraient un véritable “chaos” à Springfield, une petite ville de l’Ohio, en “capturant et en mangeant les animaux de compagnie de leurs voisins”. Homme d’affaires et écrivain, le même JD Vance, élu au Sénat des Etats-Unis en 2022, avait déjà dû s’expliquer, en juillet, sur des propos tenus antérieurement dans lesquels il déplorait le fait que son pays soit géré par des oligarques et “un tas de femmes à chat” sans enfants. Avec clairement en ligne de mire, Kamala Harris, la candidate démocrate à la Maison Blanche qui, mariée sur le tard, n’a pas de descendance.

En dépit des démentis répétés des autorités locales de Springfield qui n’ont pas manqué de préciser que les migrants haïtiens se trouvaient en situation régulière, la surprise est venue du fait que Donald Trump a repris la rumeur visant les migrants haïtiens. “Ils mangent les chiens, ils mangent les chats, ils mangent les animaux de compagnie des gens qui vivent sur place et c’est ce qui arrive dans l’ensemble du pays, c’est une honte!” a-t-il, ainsi, lancé lors du débat télévisé l’opposant à sa rivale démocrate, le 10 septembre dernier. L’épisode n’a pas manqué de provoquer des remous dans l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux où ont fleuri les posts ridiculisant les propos du candidat républicain. Un chat dans les bras, la chanteuse Taylor Swift a ouvert le feu sur Instagram où elle compte 284 millions de followers en annonçant officiellement son choix de voter pour Kamala Harris. Même Ted Cruz, le sénateur texan qui appuie pourtant la candidature de l’ancien président américain, y est allé de son tweet en relayant une image de deux chats enlacés appelant à “voter pour Trump afin que des migrants haïtiens ne nous mangent pas”. Pas de quoi faire fléchir l’intéressé qui, trois jours après, a assuré, lors d’une conférence de presse, qu’une fois élu il procéderait à des expulsions massives d’immigrés “en commençant par ceux de Springfield”. Mieux, il a annoncé par la suite qu’il se rendrait sur place d’ici dans cette même localité d’ici à deux semaines.

Le feuilleton n’est donc pas terminé. Il rentre dans le cadre de ces “vérités alternatives” que cultivent Donald Trump et son colistier. JD Vance a expliqué qu’il avait amplifié les allégations pour attirer l’attention de ses concitoyens sur la politique migratoire de l’administration Biden dont Kamala Harris est l’héritière. C’est un sujet dont le ticket républicain a fait son cheval de bataille pour l’élection présidentielle. Non sans succès. Selon un récent sondage Gallup, 47% des Américains sont actuellement favorables, voire très favorables, au renvoi dans leurs pays des quelque 11 millions de migrants illégaux (selon des estimations en 2022) vivant sur leur sol. Ils n’étaient que 37% en 2019. Quant aux “amis des bêtes”, ils représentent une cible non négligeable. Près de 87 millions de foyers américains (66% du total contre 56% en 1988) possèdent, aujourd'hui, un animal de compagnie, selon de récents chiffres de l’American Pet Products Association. Ils sont particulièrement présents (33%) dans les foyers de Millenials (nés entre 1981 et 1996) contre 25% chez les représentants de la Génération X (1965-1980) au coude à coude (24%) avec les Boomers (1946-1964).

Si les derniers sondages penchent désormais en faveur de Kamala Harris, au niveau national, avec un écart de 4 à 4 points, la bataille va se jouer dans une demie douzaine d’Etats (Caroline du Nord, Nevada, Georgie, Arizona, Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin…) où aucun des deux candidats ne fait vraiment la différence. Il reste encore du temps avant le 5 novembre pour que le vent tourne dans un sens ou dans un autre, au gré de nouvelles polémiques ou d’autres événements comme la dernière tentative d’assassinat de Donald Trump. En l’état, mieux vaut donc donner, aujourd’hui, sa langue au chat que de se lancer dans un pronostic.

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Ancien rédacteur en chef des Échos, Gilles Sengès a été correspondant en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Espagne.

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