Le creusement du déficit ne prend pas fin, comme en atteste le graphique ci-dessous des déficits jusqu’en 2023 (en pourcentage du PIB).
EDF : gâchis des avantages du nucléaire
Les dirigeants prévoient des déficits d’environ 4 % en 2024 et 2025, et de plus de 3 % en 2026.
François Ecalle, fondateur du site Fipeco, cité par Les Echos, a des doutes sur les annonces d’économies :
« Il faudra voir si ces 10 milliards sont des économies brutes ou nettes. Depuis quelques semaines, de nouvelles dépenses ont été annoncées - pour les agriculteurs, pour l'Ukraine, etc. - et si on arrive à 4 ou 5 milliards d'économies nettes pour en tenir compte, ce sera déjà bien ».
En effet, le gouvernement a de plus en plus de projets et programmes.
L’usage d’EDF par les dirigeants, pour le contrôle des prix de l’électricité, et la distribution de soutiens aux renouvelables, montre la tendance.
Lors de la crise de l’énergie en 2022, les décisions des dirigeants imposent à EDF des achats de courant au prix de marché, puis des ventes à perte aux particuliers.
Les pertes d’EDF sur l’année arrivent à 18 milliards d’euros. Avec la chute du titre dans la Bourse, le gouvernement annonce alors une nationalisation de la société, via un rachat des parts sur le marché. Vous voyez ci-dessous l’évolution du titre, avec une baisse jusqu’à l’annonce d’un rachat en juillet 2022.
Rebond du bénéfice chez EDF
À présent entre les mains du gouvernement, les journaux rapportent un retournement des fortunes pour la société.
Grâce à une hausse de la production de courant - avec la remise en marche des centrales -, les coûts de production de l'électricité pour ses clients (via les centrales ou achats sur le marché du gros) baissent d’environ 40 milliards par rapport à 2022.
En résultats, EDF génère 10 milliards de bénéfice pour l’année. La société utilise l’excédent pour le remboursement de la dette.
Pourtant, la manne change peu de choses sur la durée. Les dirigeants voient dans EDF un outil pour la subventions des prix de l’électricité, et la distribution d’aides à l’industrie des renouvelables.
En conséquence, EDF ne tire pas parti de l’efficacité du nucléaire pour la production d’électricité.
La construction de nouvelles centrales prend des années, et les coûts grimpent sans cesse, en raison de la participation des gouvernements dans les projets.
Explique une tribune chez Les Echos :
“Il ne faut pas mettre plus de 10 ans à construire un EPR mais au contraire être un jour capable d'en livrer un, voire deux, par an. Les retards et surcoûts sont devenus si habituels, qu'ils ne constituent même plus une surprise. Avec le démarrage de l'EPR de Flamanville, 2024 doit être l'année de la crédibilité. Pas des fausses excuses.
“…le groupe redevenu 100 % public ne doit surtout pas se prendre pour une administration mais bien pour une entreprise à la recherche d'efficacité et de gains de productivité. Ses salariés comme l'équipe de direction doivent eux aussi être mis sous tension.”
Une société privée court le risque de faillite, et a besoin de bénéfices pour les investissements, et la faveur des actionnaires.
Sous contrôle du gouvernement, les gérants perdent l’incitation à l’efficacité. De plus, les dirigeants ont des objectifs sans rapport avec la génération d’électricité. Ils veulent des aides pour l'industrie de renouvelables. Le gouvernement veut autant de hausse de production des renouvelables, en 2030 par rapport à 2022, que sur plus de 15 ans précédents. Le graphique ci-dessous (du ministère de l’Écologie) montre l’évolution de la part de renouvelables, et l’objectif des dirigeants, de 33 % de renouvelables en 2030.
Dans une note en juin dernier, la Cour des comptes estime à 1.000 milliards d’euros par an le coût des objectifs de 2030, au niveau de l’UE. Le gouvernement voit dans EDF une source de financements pour les objectifs, sans la nécessité de déficits. À la place, il crée des régulations des prix et obligations de rachat au profit des renouvelables.
Baisse des prix de marché
Comme le montrent les chiffres de l’Epex, les prix de l’électricité passent de 135 à 61 euros le Mwh en un an, à date du 21 février 2024.
En effet, la consommation d’électricité baisse un peu d’année en année. Avec la même quantité de production, le prix de MWh part en général vers la baisse.
Rapporte Ember-climate :
“La demande d’électricité [en Europe] a baissé de 3,4 % en 2023. Ainsi la demande a baissé de 6,4 % en 2023 par rapport au début de la crise des énergies, en 2021.”
D’autre part, la hausse de la production via les renouvelables, en raison d’incitations et garanties de rachat de courant, crée des périodes de surproduction d'électricité.
Par exemple, durant quelques jours en janvier de cette année, après un effondrement des prix en raison d’un pic de production des éoliennes, le MWh coûte environ 0 euros.
Par contre, les renouvelables bénéficient de protections contre la baisse des prix de l’électricité - avec les garanties de rachat. À l’inverse, le gouvernement impose des plafonds de prix sur la vente d’électricité de la part du nucléaire.
Gâchis de l’efficacité du nucléaire
EDF vend, de loi, environ le tiers de la production d’électricité à des distributeurs, à un prix en-dessous du prix du marché. La régulation, l’Arenh, fixe le prix de vente du courant à 42 euros le MWh, contre un prix de marché d’environ 100 euros en 2023.
Un “écrêtement” a lieu lorsque la demande de courant par les distributeurs dépasse l’obligation de fourniture d’électricité d’EDF. Le distributeur vend les montants en excès au prix de marché, et en tire bien plus de revenus. Les vente au prix de marché, en raison de l’écrêtement,” expliquent la hausse des bénéfices l’an dernier.
L’écrêtement de la demande arrive à 33 % des ventes en 2023. Par contre, il baisse à 23 % en 2024.
La perte des ventes au prix de marché - via “l’écrêtement” - revient à une baisse du prix de vente de l’électricité d’EDF. En raison de la baisse de l’écrêtement, les bénéfices d’EDF baissent à présent.
Ainsi, les bénéfices de 2023 reviennent à une aubaine de passage.
Sur la durée, EDF a besoin de plus de réacteurs, et des améliorations à l’efficacité des opérations.
Avec l’emprise du gouvernement sur la société, et les objectifs pour le financement des renouvelables - aux dépens de l’investissement dans le nucléaire -, EDF a peu de chances pour une amélioration de la situation à l’avenir.