E-commerce : la crise touche même le luxe

La transition numérique du secteur du luxe, marquée par des ambitions élevées et des investissements conséquents, fait face à des défis majeurs. Le recul des sites e-commerce multimarques illustre cette transformation, entre faillites retentissantes et reprises en main stratégique par les grandes maisons de luxe.

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Par Léopold Aubin Publié le 5 mai 2024 à 12h00
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Échecs en série des e-commerces de luxe

Les sites e-commerce multimarques de luxe subissent une crise sans précédent. Le cas de la société Matches, autrefois fleuron de la vente en ligne de produits de luxe et rachetée pour 60 millions d'euros par le groupe Frasers, est emblématique. En seulement trois mois, Matches a dû déclarer faillite, entraînant le licenciement de la moitié de son personnel. Selon Frasers, la filiale « a systématiquement raté les objectifs de son plan d’affaires », ce qui a nécessité des changements majeurs et des investissements qui dépassaient les limites du viable pour le groupe.

Un autre acteur majeur, Farfetch, a également connu des déboires significatifs. Initialement prévu pour acquérir une part majoritaire de Ynap chez Richemont, le projet a capoté face aux difficultés financières insurmontables de Farfetch, illustrant la fragilité de ces géants du e-commerce de luxe.

Impact de la pandémie et normalisation du marché

La pandémie de Covid-19 a accéléré la transition numérique dans le secteur du luxe, poussant les consommateurs vers l'e-commerce en raison de la fermeture des boutiques. Cependant, avec la réouverture et la normalisation du marché, notamment en Chine, les consommateurs ont repris leurs habitudes d'achat en magasin, privilégiant l'expérience client offerte par les boutiques physiques.

« La vente en ligne est acceptée par les marques, mais l'actif boutique reste le plus important », souligne Vincent Barbat de Kearney. Il précise que malgré l’existence des e-concessions visant à valoriser les marques individuellement, il reste complexe de générer en ligne la désirabilité et l'exclusivité nécessaire à la vente de produits de luxe.

Stratégies de reprise en main par les grandes marques

La tendance majeure qui se dessine est la reprise en main de la distribution en ligne par les grandes maisons de luxe elles-mêmes. Kering, par exemple, envisage de retirer ses marques de mode prestigieuses comme Gucci et Yves Saint-Laurent de Farfetch. Cette stratégie réduit considérablement la portée des plateformes multimarques, qui perdent ainsi un canal vital d'approvisionnement en produits de luxe.

La fermeture de Ynap, après des résultats décevants malgré le mariage avec Yoox en 2015, montre que même les initiatives pionnières dans le e-commerce de luxe peinent à se maintenir face aux stratégies directes des grandes marques. Cette tendance marque un tournant pour l'industrie, où les plateformes indépendantes doivent innover ou risquer l'obsolescence.

L'avenir de ces entreprises dépendra de leur capacité à se réinventer et à offrir des services qui complètent plutôt que concurrencent les stratégies de vente directe des maisons de luxe.

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