Le bras de fer entre les éditeurs de presse français et X, ex-Twitter, s’intensifie. Plusieurs grands titres français, dont Le Monde, Les Échos, Le Parisien et Le Figaro, ainsi que l’Agence France-Presse (AFP), ont saisi la justice le 12 novembre 2024. Ces médias reprochent à X (ex-Twitter), le réseau social d’Elon Musk, de refuser toute négociation concernant les droits voisins, droits instaurés par une directive européenne en 2019. L’objet de cette directive ? Garantir une rémunération aux médias pour l’utilisation de leurs contenus en ligne.
Droits voisins : les médias français envoient la facture à Elon Musk
Droits voisins : la presse française vent debout contre les géants du numérique
Malgré une décision de justice en mai 2024, qui ordonne depuis à X de communiquer des données essentielles sur ses revenus publicitaires en France, la plateforme demeure inerte. Pierre Louette, PDG des Échos-Le Parisien, déplore cette situation : « L’utilisation des contenus produits par nos 700 journalistes doit être soumise à une rémunération au titre de la directive sur les droits voisins. Il en va de la sauvegarde de l’information de qualité, véritable socle de notre démocratie. » C'est sous ce même constat d'inaction et ce même grief que les éditeurs de la presse française réclament une révision de la loi pour que celle-ci intègre, comme cela est le cas en Australie, un mécanisme d’arbitrage, ou du moins une commission qui puisse imposer des solutions en cas de blocage des discussions entre les titres de presse et le réseau social d'Elon Musk.
Le conflit avec X illustre un problème systémique. Si Meta et Google ont signé des accords-cadres en 2021 et 2022 pour rémunérer les médias, leurs pratiques sont également critiquées. Depuis la renégociation des accords, ces plateformes ont réduit l’exposition des contenus journalistiques dans leurs algorithmes, pour diminuer leurs factures (imaginez le nombre de médias en Europe…), ce qui a de facto, eu des répercussions sur les revenus des éditeurs.
Le Figaro, Le Monde et d'autres journaux poursuivent X en justice, qu’ils accusent d'utiliser leurs contenus sans les payer et d'enfreindre ainsi le principe des "droits voisins" #AFP pic.twitter.com/F3aivJzZXl
— Agence France-Presse (@afpfr) November 12, 2024
À l'inverse, X semble s'amuser à jouer au vilain petit canard : la plateforme d'Elon Musk, en effet, n’a jamais engagé de négociations avec les titres de presse français, refusant ainsi catégoriquement de se plier à la directive européenne. En mai 2024, un juge avait pourtant ordonné à la plateforme de fournir, sous deux mois, des données sur le nombre de vues, les taux de clics et les revenus publicitaires associés aux publications des médias. Mais rien n'y fait, X (ex-Twitter) continue de faire la sourde oreille. Pendant ce temps, les droits voisins, bien qu'ils existent et qu'ils soient censés équilibrer les relations entre médias et plateformes, ne sont pas appliqués, et chaque jour passé réduise les arriérés réclamables. Marc Feuillée, directeur général du Figaro, avertit sur l’urgence de débloquer la situation : « Cette action en justice risque de prendre des années, durant lesquelles nos médias seront privés de ces revenus qui leur permettent d’investir. » Comme ce dernier le souligne, le retard accumulé depuis 2019 coûte cher aux médias qui sont à la peine, surtout depuis l’arrivée d’internet.
Une affaire de survie pour l’information
Au-delà des litiges financiers, cette bataille incarne deux défis pour la presse : sa propre survie, en raison de la montée en puissance des réseaux sociaux, et avec eux, des intelligences artificielles type ChatGPT, mais aussi l'information libre et indépendante, face aux algorithmes des plateformes numériques.
En outre, les éditeurs français dénoncent l’utilisation de leurs contenus sans rémunération équitable. Louis Dreyfus, président du directoire du Monde, estime pour sa part que : « Nous sommes au début de l’histoire de la révolution IA et la presse quotidienne a un rôle à jouer là-dedans. »
En parallèle, et comme le rappelle La Tribune, une cinquantaine d’éditeurs régionaux ont également assigné Microsoft, accusé de contourner la loi sur les droits voisins via LinkedIn et Bing. Ce contentieux pourrait bien devenir une référence pour d’autres pays européens, soulignant l’urgence d’une action concertée pour défendre les titres de presse, et plus généralement l'information face aux géants du numérique.