Les murs se dressent, les ponts s’effondrent. À coups de décrets et de pourcentages explosifs, Donald Trump vient de relancer une guerre commerciale d’un autre âge. En ligne de mire : les alliés d’hier, les « profiteurs » d’aujourd’hui. Le feu est ouvert.
Droits de douane : quand Donald Trump dynamite le commerce mondial
Le 2 avril 2025 restera comme une date charnière dans l’histoire du commerce mondial. Ce jour-là, Donald Trump – qui n’a jamais vraiment raccroché les gants – a signé un décret présidentiel déclenchant une offensive tarifaire d’une brutalité assumée. Dans le viseur : la Chine, l’Union européenne, et une bonne partie de l’Asie. Sous prétexte de défendre les intérêts américains, il redéfinit les règles, unilatéralement. Et tant pis pour l’équilibre global.
Droits de douanes réciproques : Donald Trump déclenche la guerre commerciale
« L’Amérique a été pillée pendant des décennies », tonne Donald Trump depuis le Bureau ovale, en dénonçant un « système commercial mondial truqué ». C’est cette vision apocalyptique du commerce international qu’il entend corriger avec son nouveau plan tarifaire.
Officiellement baptisé "Reciprocal Tariff Action", le décret signé le 2 avril 2025 annonce l’imposition immédiate d’un droit de douane uniforme de 10 % sur toutes les importations, applicable dès le 5 avril. Mais ce n’est qu’un hors-d’œuvre.
À partir du 9 avril, une vague ciblée de surtaxes – jusqu’à près de 50 % pour certains pays – frappera ceux qui, selon Trump, exploitent la naïveté commerciale des États-Unis. Il appelle ça de la « réciprocité équitable ». Les économistes appellent ça une déclaration de guerre tarifaire.
Droits de douane américains : une liste de pays à abattre ?
Contrairement à son premier mandat où la stratégie semblait improvisée, cette fois Donald Trump avance avec une liste calibrée pour ses droits de douane. Son administration a compilé les excédents commerciaux bilatéraux de chaque pays pour les transformer en sanctions douanières.
Ainsi, la Chine se voit infliger 34 % de surtaxes sur ses exportations vers les États-Unis. Rien d’étonnant quand on sait que Pékin a enregistré un excédent de 295,4 milliards de dollars en 2024. Le président américain accuse même les autorités chinoises de manipuler leur monnaie pour maintenir leur compétitivité artificiellement basse. Et ce n’est qu’un début : « On va continuer tant que la Chine ne pliera pas », aurait confié un haut conseiller à la Maison-Blanche.
Derrière, l’Union européenne encaisse une punition collective : 20 % sur tous les produits exportés vers les États-Unis. La Commission européenne, médusée, observe que certains États membres, comme l’Allemagne (84,8 Mds d’excédent) ou l’Irlande (86,7 Mds), pourraient voir leur compétitivité laminée. La France, visée pour ses vins, son luxe et ses spiritueux, subira elle aussi cette taxe uniforme de 20 %.
Le Vietnam, souvent vu comme le grand gagnant du détournement d’usines hors de Chine, est surtaxé à 46 %. Une punition à la hauteur de son essor : il affichait 123,5 milliards de dollars d’excédent en 2024, et les marques américaines y sous-traitent massivement leur production textile et électronique.
D’autres pays asiatiques sont également visés :
- Taïwan (32 %) pour ses semi-conducteurs,
- Japon (24 %),
- Corée du Sud (25 %),
- Inde (26 %),
- Thaïlande (36 %).
Côté Europe élargie, la Suisse est frappée à 31 %, le Royaume-Uni à 10 %, en dépit du Brexit. Et ce n’est pas fini. Même des économies modestes comme le Bangladesh (37 %), le Cambodge (49 %), ou Madagascar (47 %) sont prises dans le viseur. Les nouvelles règles ne font pas de détail.
Curieusement, le Mexique, pourtant deuxième contributeur aux déficits commerciaux américains, est exempté pour l’instant. Sans doute à cause des clauses protectrices de l’accord USMCA. Mais cette mansuétude pourrait être éphémère.
Les « Dirty 15 » : qui sont les pays à abattre selon les Etats-Unis ?
Dans ce feuilleton explosif, la Maison-Blanche a popularisé un nouveau sigle : les « Dirty 15 ». Il s’agit des quinze nations jugées responsables des plus lourds déséquilibres commerciaux avec les États-Unis. Elles sont accusées de profiter du système mondial sans jamais rien concéder : douanes invisibles, distorsions réglementaires, dumping social ou monétaire…
Dans cette liste noire :
- Chine, en tête, 34 %,
- Vietnam, 46 %,
- Allemagne, 20 %,
- Irlande, 20 %,
- France, 20 %,
- Italie, 20 %,
- Taïwan, 32 %,
- Thaïlande, 36 %,
- Inde, 26 %,
- Bangladesh, 37 %,
- Cambodge, 49 %,
- Suisse, 31 %,
- Corée du Sud, 25 %,
- Madagascar, 47 %,
- Birmanie, 44 %.
Les cibles sont variées, mais l’accusation est la même : excès de profits, absence de réciprocité, trahison économique. Pour Trump, ce n’est pas de la diplomatie, c’est un redressement.
Pays visés par les surtaxes américaines et taux appliqués
Pays | Taux de surtaxe imposé par les États-Unis | Motif cité (source officielle ou média) |
---|---|---|
Chine | 34 % (jusqu’à 54 % sur certains secteurs) | Excédent record, manipulation monétaire, dumping industriel |
Union européenne | 20 % | Droits jugés disproportionnés sur les biens US, excédent structurel |
Vietnam | 46 % | Plateforme d’exportation indirecte, forte hausse des ventes aux USA |
Taïwan | 32 % | Excédent technologique, domination sur les semi-conducteurs |
Japon | 24 % | Barrières sur le riz, déséquilibres persistants |
Corée du Sud | 25 % | Excédent industriel, protection sectorielle |
Inde | 26 % | Obstacles non tarifaires, fiscalité discriminatoire |
Thaïlande | 36 % | Excédent croissant, relais de production bon marché |
Bangladesh | 37 % | Textile, sous-évaluation monétaire présumée |
Cambodge | 49 % | Dumping social, production externalisée |
Madagascar | 47 % | Textile low-cost, accès privilégié contesté |
Birmanie | 44 % | Système opaque, relations économiques déséquilibrées |
Laos | 48 % | Marché détourné, sous-évaluations multiples |
Serbie | 37 % | Traitement douanier jugé inégalitaire |
Suisse | 31 % | Excédent élevé malgré petite taille de marché |
Royaume-Uni | 10 % | Application modérée suite au Brexit |
France | 20 % | Excédent dans le luxe, spiritueux, secteur agricole |
Allemagne | 20 % | Excédent automobile, industrie excédentaire dominante |
Italie | 20 % | Produits alimentaires, design, textile haut de gamme |
Irlande | 20 % | Évasion fiscale via entreprises tech, excédent technologique massif |
L’Union européenne, sonnée, prépare sa riposte aux droits de douane
Face à cette vague, Bruxelles tente d’organiser la riposte. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’a affirmé : « Nous ne voulons pas nécessairement exercer des représailles. Mais si cela s’avère nécessaire, nous disposons d’un plan solide et nous l’utiliserons », souligne Le Parisien.
Deux volets sont déjà sur la table :
- Mi-avril, une réponse ciblée sur les métaux stratégiques (aluminium, acier).
- Fin avril, des sanctions plus larges qui pourraient toucher les produits agricoles, pharmaceutiques et technologiques.
Mais l’unité est fragile. Si la Belgique et les Pays-Bas plaident pour une contre-attaque ferme, la France et l’Italie préfèrent temporiser, redoutant une escalade. Dans ce contexte, l’UE risque de réagir en ordre dispersé, exactement ce que Trump espère.
Excédents commerciaux avec les États-Unis en 2024 (principaux pays concernés)
Pays | Excédent commercial (USD) |
---|---|
Chine | 295,4 milliards |
Mexique | 171,8 milliards |
Irlande | 86,7 milliards |
Allemagne | 84,8 milliards |
Vietnam | 123,5 milliards |
Taïwan | 73,9 milliards |
Japon | 68,5 milliards |
Corée du Sud | 66,0 milliards |
Inde | 45,7 milliards |
Thaïlande | 45,6 milliards |
Italie | 44,0 milliards |
France | 16,4 milliards |
La Bourse s’écroule sur fond de craintes pour l’économie américaine
Les conséquences des droits de douane américains ne se sont pas fait attendre sur les marchés. Dès l’annonce des surtaxes :
- Le Nasdaq a dévissé de 3,3 %,
- Les Magnificent Seven, ces géants de la tech, ont perdu 760 milliards de dollars en capitalisation.
- Apple, ultra dépendante de la Chine, a cédé 7 % en séance.
Les investisseurs, pris de panique, se sont rués vers les valeurs refuges :
- L’or a franchi la barre des 3 160 dollars l’once, un record historique.
- Le yen s’est envolé.
- Le rendement des bons du Trésor à 10 ans a chuté à 4,04 %, en signe de fuite vers la sécurité.
Les analystes financiers craignent désormais un double choc : une reflation par les prix à la consommation et un ralentissement de la croissance mondiale. Le cocktail idéal pour une récession.
Qui va payer les droits de douane ? Les consommateurs !
Si Trump affirme que ces taxes feront « payer les autres », la réalité est plus crue :
- Les consommateurs américains verront les prix grimper dans les rayons.
- Les PME importatrices devront choisir entre rogner leurs marges ou augmenter leurs tarifs.
- Les chaînes d’approvisionnement mondiales, déjà fragilisées, seront à nouveau sous tension.
Le fantasme d’un retour des usines au bercail masque mal la réalité : l’Amérique importe parce qu’elle ne produit plus certains biens. Réindustrialiser, c’est une politique de long terme, pas un décret.
Donald Trump : vers le chaos organisé ?
Donald Trump n’a jamais caché son mépris pour les accords multilatéraux. Avec ce nouveau plan tarifaire, il déconstruit l’ordre économique international à coups de marteau fiscal. Le problème ? La maison pourrait lui tomber dessus. Ou sur nous tous.
À ce jour, aucun signe de retrait, aucun compromis. Les dés sont jetés, la guerre commerciale est déclarée, et les prochains mois diront si ce choix brutal réécrit les règles… ou précipite un nouvel effondrement économique global.