Oxfam accuse Macron : l’égalité femmes-hommes, une promesse trahie ?

Le gouvernement revendique des avancées en faveur de l’égalité femmes-hommes. Pourtant, à quelques jours du 8 mars, journée internationale des Droits des Femmes, Oxfam France dresse un bilan accablant. Derrière les déclarations officielles, la réalité serait bien plus sombre : budgets dérisoires, mesures retardées, absence de loi cadre contre les violences sexuelles. L’égalité ne serait qu’un affichage politique, vidé de toute substance.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 4 mars 2025 à 6h32
Égalité hommes-femmes : qui est le champion d’Europe ?
Égalité hommes-femmes : qui est le champion d’Europe ? - © Economie Matin
25%Une femme touche toujours un salaire près de 25% inférieur aux hommes.

Le 3 mars 2025, Oxfam France publie un communiqué incendiaire qui accuse le gouvernement d’Emmanuel Macron d’avoir purement et simplement enterré l’égalité entre les femmes et les hommes. À quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes, l’ONG dénonce une absence de volonté politique et pointe l’inefficacité des mesures annoncées depuis des années. Derrière les chiffres brandis par l’exécutif, la situation réelle des femmes en France ne s’améliore pas. Pire encore, l’écart salarial stagne, les violences sexistes persistent et les initiatives promises restent lettre morte. Et si le gouvernement se défend et tente de masquer son inaction en vantant des progrès discutables, la réalité est sans appel. L’égalité femmes-hommes n’était-elle qu’un slogan électoral ?

Droits des femmes : Macron n'a-t-il fait que de la communication ?

Depuis 2017, Emmanuel Macron s’est présenté comme un fervent défenseur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il avait proclamé que cette cause serait la grande priorité de son quinquennat. Pourtant, les chiffres sont implacables. En 2024, la France a chuté à la 48ᵉ place mondiale en matière d’égalité économique entre les sexes, selon le Forum économique mondial.

L’ONG Oxfam dénonce une stratégie politique qui se résume à des effets d’annonce. Les promesses se multiplient, mais elles restent largement inappliquées. La réforme de l’index de l’égalité professionnelle a été maintes fois évoquée sans jamais être véritablement mise en œuvre. Le service public de la petite enfance, pourtant essentiel pour réduire les inégalités entre les sexes, demeure une chimère. De nombreuses femmes continuent de sacrifier leur carrière à l’arrivée d’un enfant, faute de solutions concrètes pour garantir une répartition équitable des responsabilités parentales.

Sandra Lhote Fernandes, responsable de la campagne justice de genre à Oxfam, rappelle que le gouvernement semble s’accommoder de cette situation et refuse d’engager les réformes structurelles nécessaires. Elle affirme que l’absence de mesures réellement contraignantes permet à certains secteurs professionnels de maintenir des écarts de salaires injustifiés, tout en se conformant à des obligations légales symboliques et inefficaces.

Un budget pour les femmes qui masque une absence de volonté politique

Le gouvernement se défend en insistant sur l’augmentation des crédits alloués à l’égalité femmes-hommes. En 2025, le budget du ministère des Droits des femmes s’élève à 94 millions d’euros, contre 77 millions l’année précédente. « Le ministère de la grande cause dispose de l’un des plus petits budgets : moins de 100 millions d’euros en 2025, soit 0,02% du budget général de l’Etat », souligne Oxfam. La hausse de 20 % entre 2024 et 2025 serait censée illustrer l’engagement de l’État. Pourtant, cette enveloppe budgétaire est largement insuffisante. Pour Oxfam, cette augmentation est en réalité un trompe-l’œil, qui ne corrige en rien l’ampleur des inégalités persistantes.

À titre de comparaison, le coût des élections législatives anticipées de juin 2024 a été presque deux fois supérieur au budget annuel consacré aux droits des femmes. Un chiffre révélateur du peu d’importance accordée à cette cause par les décideurs politiques. Alors que des financements bien plus conséquents sont mobilisés pour d’autres priorités, l’égalité femmes-hommes reste reléguée à un rôle secondaire. « Le budget global de l’action de la France explicitement en faveur de l’égalité femmes-hommes, additionnant les crédits de l’ensemble des ministères concernés, représentait moins 6 milliards d’euros en 2025, soit 1,28% du budget général de l’Etat. Ce qui signifie également que près de 99% du budget de la France est aveugle aux inégalités de genre. »

La Cour des comptes elle-même a récemment dénoncé le manque de moyens alloués à cette politique publique. Dans un rapport détaillé, elle souligne que l’absence de coordination interministérielle freine toute progression. Sans actions transversales et un véritable suivi des objectifs, les dispositifs mis en place ne peuvent produire d’effets durables.

Droits des femmes : des mesures d’urgence toujours ignorées par le gouvernement

Face à ce constat, Oxfam propose un plan d’urgence composé de plusieurs mesures concrètes, qui permettraient d’accélérer la réduction des inégalités. Parmi elles, l’introduction d’une éga-conditionnalité dans la commande publique obligerait les entreprises bénéficiant de contrats avec l’État à respecter des critères stricts en matière d’égalité salariale. La revalorisation des métiers féminisés, dont les rémunérations sont systématiquement inférieures à celles des professions majoritairement masculines, serait une priorité.

L’ONG insiste également sur la nécessité d’un congé parental véritablement équitable, partagé à parts égales entre les deux parents et d’une durée suffisamment longue pour permettre une meilleure répartition des responsabilités. À ce jour, le congé de naissance reste largement assumé par les femmes, ce qui renforce les inégalités professionnelles et ralentit la progression des carrières féminines.

Une autre revendication majeure concerne la mise en place d’une loi cadre contre les violences sexuelles. Depuis plusieurs années, les associations féministes réclament une réforme globale du droit français en la matière, afin d’uniformiser les dispositifs de protection des victimes et de renforcer les sanctions. En novembre 2024, une coalition d’associations a présenté un projet détaillé au gouvernement. Celui-ci a été rejeté, sous prétexte que la législation actuelle serait suffisante. Une justification balayée d’un revers de main par les militantes, qui soulignent les lacunes persistantes du système judiciaire et l’impunité dont bénéficient encore de nombreux agresseurs. «  Les violences sexuelles restent largement impunies avec 94% des plaintes pour viol toujours classées sans suite », rappelle l’ONG.

Un écart salarial qui refuse de se réduire

Malgré les discours rassurants du gouvernement, les femmes continuent de percevoir des salaires bien inférieurs à ceux des hommes. Dans le secteur privé, l’écart reste bloqué à 23,5 %, un niveau inacceptable pour un pays qui prétend lutter contre les inégalités. Même dans les postes de cadres, les écarts demeurent élevés, notamment dans des secteurs historiquement dominés par les hommes comme la finance, l’industrie ou les nouvelles technologies.

L’inaction du gouvernement dans ce domaine est d’autant plus flagrante que plusieurs pays européens ont déjà adopté des mesures bien plus contraignantes pour imposer l’égalité salariale. Certains États conditionnent désormais l’accès aux marchés publics au respect strict de l’égalité de rémunération. En France, aucune initiative comparable n’a vu le jour, preuve que l’égalité femmes-hommes n’est pas une priorité réelle pour l’exécutif.

Macron, champion de l’égalité ou maître de l’illusion ?

Emmanuel Macron s’est souvent présenté comme un président progressiste, engagé pour les droits des femmes. Pourtant, face aux critiques d’Oxfam et d’autres associations féministes, sa posture semble de plus en plus difficile à défendre. Les chiffres, les rapports et les analyses convergent tous vers la même conclusion : les annonces officielles ne se traduisent pas par des actions tangibles.

L’exécutif met en avant certaines initiatives, comme le financement du numéro d’écoute 3919 pour les femmes victimes de violences ou l’attribution de bracelets anti-rapprochement pour prévenir les féminicides. Mais ces mesures ponctuelles ne suffisent pas à masquer l’absence d’une politique d’envergure. « L’égalité femmes-hommes ne doit pas être la variable d’ajustement des politiques austéritaires injustes. Le Gouvernement, qui planche dès maintenant sur le budget 2026, doit prendre des mesures urgentes pour rattraper son retard et tenir enfin ses promesses. Les femmes ne doivent pas être condamnées à l’immobilisme, elles ont déjà trop attendu ! », déclare Sandra Lhote Fernandes

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Aucun commentaire à «Oxfam accuse Macron : l’égalité femmes-hommes, une promesse trahie ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis