Donner des milliards aux millions : une distribution socialement juste des revenus de l’ETS-2

Dans moins d’un an, des milliards d’euros provenant du Fonds social pour le climat (SCF) atterriront dans les poches des gouvernements de l’UE, mais certains pays appellent déjà à un report de la tarification du carbone sur le chauffage et le transport (ETS-2), dont le lancement est prévu en 2027.

Banner 492x280
By EUSEW Published on 12 mars 2025 5h30
petrole, opep, production, brut, cours, bourse, énergie
petrole, opep, production, brut, cours, bourse, énergie - © Economie Matin
55%L'Europe veut réduire de 55% ses émissions carbone.

Il est crucial que les décideurs politiques tiennent bon sur l’un des éléments les plus fondamentaux du Pacte vert pour l’Europe. Pour que l’ETS-2 fonctionne, deux éléments sont essentiels : premièrement, les revenus doivent être distribués équitablement, et deuxièmement, d’autres politiques visant à réduire la demande en combustibles fossiles doivent compléter le prix du carbone de l’UE.

Pourquoi les revenus doivent être redistribués aux citoyens

L’ETS-2 applique le principe du « pollueur-payeur », selon lequel les plus gros pollueurs paient le plus. Mais pour de nombreux ménages européens à faibles revenus, ce coût pourrait être un fardeau important. C’est pourquoi le SCF a été créé pour financer des stratégies visant à aider les ménages touchés de manière disproportionnée. Financé principalement par les revenus de l’ETS-2, le SCF peut être utilisé de diverses manières, allant de l’extension des services de transport existants à un soutien direct aux revenus pour tous les ménages. C’est l’un des avantages d’un prix du carbone : les revenus générés peuvent être utilisés pour atténuer certains des coûts liés à l’abandon des combustibles fossiles.

De nombreux ménages confrontés à la précarité énergétique ou aux difficultés de transport seront touchés de manière disproportionnée par l’ETS-2. Comme ils n’ont probablement pas les moyens de se passer seuls des combustibles fossiles, des programmes de soutien ciblés seront essentiels pour les aider. Des guichets uniques fournissant une assistance locale et un accès à l’information, des subventions pour remplacer les chaudières fonctionnant aux énergies fossiles par des pompes à chaleur, ou encore des réductions sur les transports publics, peuvent tous contribuer à alléger le fardeau financier de la décarbonisation pour les ménages à faibles revenus.

Plusieurs pays qui ont déjà mis en place un système de tarification du carbone pour les émissions des bâtiments et des transports ont opté pour des dispositifs de dividende climatique. Un paiement direct annuel à tous les citoyens permet d’atténuer l’impact en cas de prix du carbone élevés, d’apporter des ressources financières aux ménages pour qu’ils abandonnent les énergies fossiles et d’accroître la confiance du public dans le système de tarification du carbone.

Ce modèle fonctionne avec succès en Autriche, par exemple, où les revenus de la tarification du carbone sont reversés sous forme de paiements directs annuels. Les dispositifs peuvent différencier les paiements en fonction des revenus – comme c’est le cas en Autriche, où les paiements sont imposables – et en fonction de la qualité des transports publics, ce qui entraîne des paiements plus élevés pour les personnes vivant en milieu rural. Ce sont les citoyens qui paieront au final le prix du carbone, donc leur redistribuer les revenus, plutôt que de les donner aux grandes entreprises, est la répartition la plus socialement juste.

L’ETS-2 n’est pas une solution miracle

Les prix de l’ETS-2 seront élevés si la demande en combustibles fossiles reste forte. Des politiques visant à réduire la demande en combustibles fossiles par d’autres moyens que l’ETS-2 auront donc pour effet d’atténuer les prix. Par exemple, un investissement substantiel dans les infrastructures cyclables en milieu urbain permettrait de réduire la demande en carburants pour le transport et ainsi de diminuer les coûts pour les citoyens des zones rurales qui dépendent encore de la voiture mais n’ont pas encore les ressources nécessaires pour acheter un véhicule électrique. Toute politique réglementaire réduisant les émissions des bâtiments et des transports entraînera une baisse des prix de l’ETS-2, en particulier si elle est mise en œuvre dans les pays fortement émetteurs – l’Allemagne, la France et l’Italie représentant à eux seuls plus de la moitié des émissions couvertes par l’ETS-2 dans l’UE.

D’autres politiques nationales peuvent également contribuer à réduire la demande. Un prix plancher du carbone pourrait fixer un prix minimal du carbone pour les secteurs du transport et du chauffage, de sorte que si le prix de l’ETS-2 tombe en dessous de ce seuil, le prix national du carbone prendrait le relais. Ce système, dont le Royaume-Uni a été le pionnier pour l’ETS-1 lorsqu’il était encore membre de l’UE, permettrait d’accroître la prévisibilité du prix de l’ETS-2, de soutenir les investissements dans la décarbonisation et de réduire le niveau et la volatilité des prix du carbone à long terme.

L’élaboration des Plans sociaux nationaux pour le climat, qui détermineront l’utilisation des revenus de l’ETS-2 via le Fonds social pour le climat, constitue une bonne occasion d’examiner comment faire fonctionner l’ETS-2, à la fois par une distribution intelligente des revenus et par des politiques complémentaires qui permettent de contenir les prix dès le départ.

L’extension de la tarification du carbone aux combustibles de chauffage et de transport sera un test décisif pour la politique climatique de l’UE, car les prix de l’énergie pourraient flamber si des mesures d’accompagnement appropriées ne sont pas mises en place. La majorité des émissions des bâtiments et des transports proviennent d’Allemagne, d’Italie et de France, si bien que ce seront les mesures complémentaires prises dans ces pays qui détermineront le prix des émissions pour l’ensemble de l’UE. Dans les pays où la précarité énergétique et les difficultés de transport sont plus élevées, comme la Bulgarie, la Hongrie ou la Slovaquie, l’accompagnement des ménages pour abandonner définitivement les énergies fossiles devrait être une priorité.

Par Luke Haywood, responsable des politiques Climat et Énergie, et Hannah O’Sullivan, chargée de communication associée Climat et Énergie : Bureau européen de l’environnement (EEB), l’une des organisations partenaires de l’EUSEW.

Cet article d’opinion est produit en collaboration avec la Semaine européenne de l’énergie durable 2025.

Banner 492x280

La Semaine européenne de l'énergie durable (EUSEW) est composée d'une série d'activités à travers l'Europe visant à promouvoir une énergie sûre, propre et efficace. Elle réunit des décideurs politiques, des parties prenantes et des citoyens pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de l'Union de l'énergie. EUSEW revient du 10 au 12 juin 2025 dans un format hybride, à Bruxelles et en ligne. Il comprend une conférence politique de haut niveau, les prix EUSEW et la cinquième Journée européenne de l'énergie pour la jeunesse, ainsi que des opportunités de tisser des liens avec la communauté EUSEW lors de la foire de l'énergie.

No comment on «Donner des milliards aux millions : une distribution socialement juste des revenus de l’ETS-2»

Leave a comment

* Required fields