Après la victoire éclatante de Donald Trump le 5 novembre, le futur président américain ne détient pas tous les pouvoirs, contrairement à ce qui est souvent dit. Car les États-Unis est une fédération d’États. Et le peuple retourne aux urnes tous les deux ans. La Suisse fait encore mieux… La France fait sur ce plan beaucoup moins bien…
Sommes-nous dans une démocratie directe ou une démocratie accaparée ?
Les États-Unis sont une fédération, dont les États, depuis l’origine, sont la composante principale du système politique. C’est inscrit dans la plus ancienne constitution du monde (1787), par un dixième amendement de 1791 : “Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni refusés par elle aux États, sont conservés par les États respectivement, ou par le peuple”
Il est clair en effet que les électeurs de Donald Trump n’ont désapprouvé aucun de ce qui a pu paraitre à certains des excès de langage : “Il a pu dans sa campagne - a fait remarquer Dominique Moïsi - parler de bombarder le Mexique, promettre de déporter des millions d'immigrants illégaux, décrire les dirigeants de l'opposition, comme “l’ennemi intérieur“, infiniment plus dangereux que la Chine ou la Russie… Les Américains, dans leur majorité, ne s'en sont pas offusqués“. Du coup, toutes les propositions de Kamala Harris paraissaient fades aux électeurs démocrates, qui se sont moins mobilisés…
Avant même sa prise de fonction le 20 janvier 2020, ses premières nominations indiquent clairement qu’il compte appliquer toutes ses promesses. Son extrême liberté d’esprit est confirmée par la nomination vendredi de Karoline Leavitt, 27 ans, comme future porte-parole de la Maison Blanche.
Les adversaires de Trump s’offusquent d’une telle liberté non conformiste. Davantage en Europe qu’aux États-Unis, semble-t-il… Sans doute parce que les observateurs américains savent mieux que nous que le pouvoir central, au-delà de Washington D.C., au plan intérieur, n’a que peu de pouvoirs propres, mais aussi parce que les Américains vont aux urnes tous les deux ans, pour renouveler toute la Chambre des représentants et un tiers du Sénat. En outre, tous les deux ans, et selon la constitution de chaque État, on peut renouveler les gouverneurs, les assemblées des États, et participer à des référendum (150 en moyenne tous les deux ans, pour l’ensemble de la Fédération).
De plus, ce qu’un président a fait, un autre peut le défaire, comme on l’a vu souvent, à chaque changement de majorité. Au-delà de l’alternance, le peuple n’a jamais plus de deux ans à attendre pour dire s’il approuve ou non l’action de son gouvernement.
D’accord ou non avec Donald Trump, ne serait-il pas judicieux, et opportun, de renforcer en France la participation et le contrôle populaire ?
Dans le même temps, en France, nous souffrons d’avoir un exécutif faible, sans majorité parlementaire, un gouvernement qui dit vouloir redresser les comptes publics, mais qui en est empêché à l’Assemblée nationale…
Pourtant, dans une telle situation de quasi-paralysie, il nous faudrait, en principe, attendre avril ou mai 2027 pour espérer avoir un gouvernement capable de gouverner…
Les observateurs politiques, constitutionnalistes ou pas, se sont souvent interrogés sur les avantages et les inconvénients du régime parlementaire, opposé au régime présidentiel. En vérité, les deux peuvent évidemment fonctionner efficacement, sans que l’un ou l’autre puisse être considéré comme étant intrinsèquement plus démocratique.
Ce qui compte davantage en définitive, pour apprécier le caractère démocratique d’un pouvoir politique, c’est d’une part le degré de décentralisation de son organisation territoriale et d’autres part la participation effective des citoyens au contrôle de leurs élus et de leurs décisions.
Sur ces deux critères, les institutions politiques de la France sont plutôt médiocres :
- la décentralisation, sans ressources financières suffisantes propres, n’est qu’une illusion. En Suisse, 47% du total des ressources fiscales vont à la confédération, 33% aux cantons et 20% aux communes) ;
- le contrôle exercé par les citoyens sur leurs élus et leurs décisions est très insuffisant.
En Suisse, par exemple - modèle de vie démocratique, très décentralisé et avec participation active des citoyens - les mandats électifs sont de quatre ans. Mais, sur l’année en cours, les électeurs se sont déjà prononcés par douze votations fédérales, auxquelles s’ajoutent les votations cantonales et communales, organisées tous les trois mois, avec droit d’initiative populaire…
Au moment où le gouvernement doit faire face à une sorte de coalition des mécontentements - agriculteurs, fonctionnaires, cheminots, élus locaux… - ne serait-il pas opportun et judicieux de mettre en oeuvre le grand chantier de la décentralisation responsable, et de la démocratie directe, en commençant pour une fois par le bas, plutôt que par le haut ? Qui sait s’il n’y a pas, pour ce faire, une majorité parlementaire…