Le 11 octobre 2024, la nouvelle est tombée : le géant pharmaceutique français Sanofi a choisi d’entamer des discussions exclusives avec le fonds d’investissement américain Clayton, Dubilier & Rice (CD&R) pour la vente de 50% ou plus de sa division santé grand public, Opella.
Doliprane vendu aux Américains : faut-il craindre des pénuries ?
Parmi les produits phares de cette branche figure le Doliprane, un médicament emblématique des foyers français. Entre préoccupations gouvernementales et attentes des consommateurs, retour sur une vente qui pourrait redessiner le paysage pharmaceutique français.
Doliprane : une transaction de plus de 15 milliards d'euros qui fait débat
Le Doliprane, produit phare de la division santé grand public de Sanofi, pourrait bientôt passer sous pavillon américain. Selon les informations du journal Les Echos, le fonds CD&R, déjà bien implanté dans l’industrie pharmaceutique, a proposé une offre de 15,5 milliards d'euros pour racheter 50% ou plus de la division Opella. Cette dernière regroupe plus d'une centaine de marques, dont les célèbres Dulcolax, Lysopaïne, et bien sûr, le Doliprane. Présente dans 150 pays, Opella a généré un chiffre d'affaires de 5,2 milliards d'euros en 2023.
Pour Sanofi, cette vente permettrait de recentrer ses activités sur d'autres segments stratégiques et de renforcer sa position financière. Une partie de cette somme pourrait être redistribuée aux actionnaires du groupe. Mais ce choix suscite aussi des interrogations sur le devenir de la production de médicaments en France, particulièrement celle du Doliprane, un produit central dans les pharmacies françaises.
La réaction prudente du gouvernement face à la vente du Doliprane
Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'Industrie, a rapidement réagi à cette annonce, déclarant « prendre acte de la décision » de Sanofi. Il a cependant rappelé les points de vigilance du gouvernement. Pour Bercy, le maintien de la production sur le territoire français et la sécurité de l'approvisionnement en médicaments essentiels, dont le Doliprane, sont des priorités.
« Ce projet de cession ne remet en question ni la production en France du Doliprane ou des autres médicaments essentiels produits par Opella sur notre territoire, ni l’approvisionnement du marché en ces médicaments », a affirmé Marc Ferracci. Toutefois, il a insisté sur la nécessité de garantir le maintien des centres de décision en France et de préserver l’empreinte industrielle française de Sanofi.
Doliprane : un médicament emblématique des foyers français
Le Doliprane n’est pas un médicament comme les autres. Antalgique et antipyrétique à base de paracétamol, il est ancré dans la vie quotidienne des Français, que ce soit pour soulager une fièvre passagère ou pour apaiser une douleur légère. En 2023, alors que les épisodes de grippe et de COVID-19 se succédaient, la demande pour ce produit avait explosé, mettant en lumière la dépendance des Français à cette « petite boîte jaune ».
Le Doliprane est également un symbole de l'industrie pharmaceutique française. Fabriqué depuis des décennies sur le territoire, il incarne le savoir-faire hexagonal dans le domaine des médicaments en vente libre. La perspective de voir ce produit passer sous contrôle étranger, même partiellement, inquiète sur l’autonomie sanitaire de la France, alors que la réindustrialisation était le mot-clé du gouvernement.
Les enjeux économiques et stratégiques pour Sanofi
Derrière cette vente se cachent des enjeux économiques majeurs pour Sanofi. En s'associant avec CD&R, le laboratoire espère relancer la croissance d'Opella, particulièrement aux États-Unis, son premier marché. L’an dernier, les ventes de la division y ont reculé de 0,9% pour s’établir à 1,247 milliard d’euros, en raison de la baisse des catégories hygiène personnelle, douleur et allergie. Le partenariat avec CD&R pourrait permettre à Sanofi de simplifier son portefeuille de marques et de dynamiser ses ventes outre-Atlantique.
De plus, Sanofi entend rester impliqué dans la gestion d'Opella, conservant une part significative dans le capital de la division. « Il pourrait rester investi à environ la moitié de sa division », selon le quotidien économique Les Échos. Ce choix stratégique permettrait à Sanofi de profiter de la croissance future d'Opella tout en se délestant partiellement du poids financier de cette activité. L’objectif serait aussi de permettre au groupe de se désengager progressivement tout en soutenant le développement de la marque sur le long terme.
Un avenir incertain pour la production de Doliprane en France
Malgré les garanties apportées par Sanofi et CD&R, l'inquiétude demeure parmi les syndicats et certains élus, notamment sur le maintien de la production en France. Opella, qui emploie 11 000 salariés à travers le monde, possède plusieurs sites de production sur le territoire français, dont certains sont essentiels à la fabrication de médicaments comme le Doliprane.
Le ministre Ferracci a rappelé qu’un certain nombre d’engagements économiques seraient exigés de la part de Sanofi et du futur repreneur, notamment la garantie de « l’empreinte industrielle française d’Opella ». Mais des doutes subsistent quant à la capacité de la France à préserver sur le long terme la production de médicaments stratégiques face à des acteurs internationaux aux moyens financiers colossaux.
Quelle disponibilité du Doliprane à l'avenir ?
Au-delà des enjeux économiques, la question de la disponibilité du Doliprane reste cruciale pour les consommateurs. Alors que la France a connu des pénuries de certains médicaments en 2022 et 2023, les inquiétudes sur l'approvisionnement persistent. Marc Ferracci s’est voulu rassurant sur ce point, assurant que « la sécurité sanitaire des Français reste la priorité du gouvernement ».