L’année 2024 restera gravée dans l’histoire comme celle de l’apothéose des dividendes versés par les entreprises du CAC 40. Tandis que les discours politiques clament la rigueur budgétaire et les sacrifices nécessaires pour affronter les crises économiques, une autre réalité se dessine dans les salons feutrés des conseils d’administration.
Dividendes : les superprofits des actionnaires du CAC 40 continuent en 2024
Près de 100 milliards d’euros ont été reversés aux actionnaires des fleurons de la Bourse de Paris en 2024 selon les informations de la Lettre Venrimen, un chiffre proprement indécent dans un contexte où les inégalités économiques explosent et où le mot « superprofits » s’impose dans le lexique de la colère sociale.
Forte hausse des dividendes versés aux actionnaires du CAC 40
72,8 milliards d’euros en dividendes. Voilà le montant astronomique dont ont profité les détenteurs de capital. Une augmentation de 8,5 % par rapport à 2023, une année pourtant déjà qualifiée de record. Et à ces 72,8 milliards s'ajoutent pas moins de 25,5 milliards d'euros de rachats d'actions, portant le total à 98,3 milliards d'euros la somme redistribuée aux actionnaires.
Et que dire des 14,5 milliards redistribués par TotalEnergies, un géant pétrolier qui n’a de cesse de provoquer la polémique avec ses profits gargantuesques tirés d’un secteur pourtant en pleine transition climatique. LVMH, symbole du luxe ostentatoire, a pour sa part distribué 6,8 milliards d’euros, et Stellantis n’est pas en reste avec 6,7 milliards.
Une logique de redistribution inversée
Les entreprises défendent ces pratiques en les présentant comme des mécanismes de « réallocation des capitaux », un vocabulaire aseptisé qui masque une vérité cruelle : cette manne ne profite qu’à une minorité. Selon les auteurs de la lettre Vernimmen, il s’agirait d’allouer des ressources excédentaires à des entreprises en pleine croissance.
Mais où sont ces investissements miraculeux censés irriguer l’économie réelle ? Certes, les investissements ont bondi de 22 % pour atteindre 116,6 milliards d’euros en 2024. Pourtant, la majorité des profits continue de se concentrer dans les poches des actionnaires plutôt que dans des projets capables de répondre aux défis sociaux et climatiques.
Ce système révèle un paradoxe cruel : les entreprises du CAC 40 prospèrent comme jamais, portées par la reprise post-pandémie et les politiques monétaires accommodantes, tandis que la Bourse de Paris recule légèrement (-2,15 % en 2024). On assiste à une financiarisation effrénée, où la valeur actionnariale prime sur tout le reste, reléguant les travailleurs, les citoyens, et même les consommateurs au second plan.
En Europe aussi les actionnaires font la fête
Et l’Europe dans tout cela ? Les dividendes européens atteignent 440 milliards d’euros en 2024, et les prévisions pour 2025 anticipent un montant record de 459 milliards, selon l'étude Allianz Global Investors Dividend Study 2025.
Ce niveau de redistribution montre bien qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé mais d’une tendance continentale. Pourtant, aucune régulation significative n’est mise en place pour encadrer ces excès. La taxe sur les superprofits, évoquée puis enterrée, n’a jamais vu le jour.
Dans un monde confronté à des crises sans précédent – qu’il s’agisse du climat, des inégalités, ou des migrations – cette orgie de dividendes apparaît comme une provocation. Les entreprises qui affichent des bénéfices records ont une responsabilité sociale qu’elles s’acharnent à ignorer.
Tableau récapitulatif des dividendes et investissements du CAC 40 en 2024
Indicateur | Montant (milliards d’euros) | Évolution par rapport à 2023 |
---|---|---|
Dividendes versés | 72,8 | +8,5 % |
Rachats d’actions | 25,5 | -15 % |
Total redistribué | 98,2 | +1 % |
Investissements | 116,6 | +22 % |
Dividendes européens | 440 | |
Prévisions dividendes Europe 2025 | 459 |
L’année 2024 confirme, s’il en était besoin, que le capitalisme actionnarial est plus vivant que jamais. Mais à quel prix ? Le monde change, la colère gronde, et les entreprises du CAC 40 feraient bien de ne pas ignorer les signaux. La redistribution, si elle continue de fonctionner à sens unique, pourrait bien alimenter des vents contraires.