La Commission européenne mène la France devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour non respect de la directive Oiseaux. Derrière cette décision, se cache une bataille bien plus large entre défenseurs de l’environnement et partisans de la chasse traditionnelle.
Directive Oiseaux : la France va passer devant la justice européenne
Le 12 février 2025, la Commission Européenne a annoncé qu’elle saisissait la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) contre la France. Elle met en cause l’usage controversé de filets pour capturer des oiseaux dans cinq départements du Sud-Ouest. L’Union Européenne estime que cette pratique enfreint la directive Oiseaux, un texte fondamental pour la protection des espèces sauvages en Europe. Si la France persiste, elle risque de lourdes sanctions.
Directive Oiseaux : un cadre juridique strict pour protéger les espèces
Adoptée en 1979 et renforcée en 2009, la directive Oiseaux vise à protéger toutes les espèces d'oiseaux sauvages présentes sur le territoire de l’Union Européenne. Elle interdit spécifiquement les pratiques de chasse non sélectives et à grande échelle. L’objectif est d’assurer la préservation des populations d’oiseaux et d’éviter des extinctions massives causées par des méthodes destructrices.
La Commission Européenne reproche à la France d’autoriser l’usage de filets pour capturer des espèces de la famille des columbidés, notamment le pigeon ramier et la palombe, dans les départements du Gers, du Lot-et-Garonne, de la Gironde, des Pyrénées-Atlantiques et des Landes. Selon Bruxelles, ces filets ne garantissent pas une sélectivité suffisante et des espèces non ciblées peuvent être capturées accidentellement. De plus, la France n’a pas démontré qu’aucune autre méthode alternative, notamment la chasse au fusil, ne pouvait être utilisée.
La CJUE s’est déjà prononcée contre d’autres formes de chasse jugées non conformes à la directive. En 2021, elle avait interdit la chasse à la glu et les tenderies, techniques défendues par des chasseurs du Sud-Ouest. Le Conseil d’État français avait d’ailleurs suivi cette jurisprudence en annulant plusieurs arrêtés autorisant ces pratiques.
Une levée de boucliers chez les chasseurs et les élus locaux
Du côté des chasseurs, la colère gronde. Pour Willy Schraen, président de la Fédération Nationale des Chasseurs, "la Commission Européenne s’acharne idéologiquement contre la chasse française", alors même que les populations de palombes sont en pleine expansion. Il juge absurde d’insinuer que cette chasse traditionnelle mettrait en péril l’espèce et estime que "certains fonctionnaires européens devraient se rendre sur le terrain avant de prendre de telles décisions".
Les fédérations de chasse soutiennent que l’usage des filets est une méthode maîtrisée permettant de capturer uniquement les espèces visées. Elles considèrent que cette technique est plus écologique que la chasse au fusil puisqu’elle évite la dispersion de plomb dans la nature et ne provoque pas de nuisances sonores.
Dans le Sud-Ouest, plusieurs élus locaux, y compris des députés et des sénateurs, ont exprimé leur soutien aux chasseurs. Ils dénoncent une ingérence de Bruxelles dans les traditions locales et rappellent que ces pratiques existent depuis des siècles sans menacer les populations d’oiseaux. Certains parlementaires s’interrogent sur les véritables priorités de l’Europe et considèrent que cette décision va à l’encontre de l’identité rurale de certaines régions françaises.
Le gouvernement français entre en défense
Face à cette offensive européenne, le gouvernement français ne compte pas rester inactif. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a déclaré que la France défendrait cette pratique devant la CJUE. Elle insiste sur le fait que les espèces concernées ne sont pas menacées, notamment la palombe, dont les effectifs sont en hausse. Elle souligne également que la chasse aux filets est plus écologique que la chasse au fusil et qu’elle permet de relâcher les oiseaux capturés accidentellement.
Le ministère de l'Écologie rappelle que d’autres pays européens bénéficient de dérogations similaires et que Bruxelles ne semble pas appliquer les mêmes règles partout. Cette inégalité de traitement pourrait constituer un point de défense clé pour la France dans cette affaire.
Un débat révélateur des priorités européennes
Au-delà de la seule question de la chasse, cette affaire soulève un débat plus large sur les priorités de la Commission Européenne. Alors que l’UE est confrontée à des crises économiques, sociales et environnementales majeures, certains estiment que faire de la chasse aux filets une priorité judiciaire est disproportionné.
Certains élus dénoncent une bureaucratie bruxelloise déconnectée des préoccupations essentielles des citoyens, tandis que d’autres rappellent que la directive Oiseaux est une loi européenne clé qui doit être appliquée sans exception, quelle que soit l’urgence d’autres dossiers.