Cette tribune explore la construction de l’identité d’un athlète en s’appuyant sur le cadre de la performativité de Judith Butler. En analysant le récit de vie de Stéphane Le Diraison, un skipper professionnel ayant terminé le Vendée Globe, nous examinons la nature itérative et dynamique de la formation de l’identité d’athlète professionniste.
Un parcours de développement personnel entre le monde du sport de haut niveau et la vie professionnelle
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Modifié le 24 mai 2024 à 7h30
La construction de l'identité d'un athlète est un voyage complexe et dynamique, comme le révèle l'histoire de Stéphane Le Diraison, skipper professionnel ayant réalisé le Vendée Globe. Son parcours reflète une exploration constante de soi et des négociations avec son environnement.
Depuis son enfance, Stéphane a nourri une passion pour la voile. Malgré les doutes quant à la viabilité de cette passion comme profession, il a finalement embrassé sa vocation de skipper, jonglant entre sa carrière professionnelle et son engagement sportif.
Son expérience illustre l'importance de reconnaître et de cultiver ses forces plutôt que de se concentrer uniquement sur la correction des faiblesses, une leçon précieuse apprise dans le monde du sport. En se connectant profondément avec la nature et en trouvant un équilibre entre l'effort et le repos, Stéphane a pu atteindre des performances remarquables.
Les marins comme Stéphane incarnent un état d'esprit unique, caractérisé par une humilité face aux défis de la mer et une profonde connexion avec leur environnement. Le récit de Stéphane met en lumière le processus itératif et dynamique de construction de l'identité d'un athlète de haut niveau, soulignant les défis et les apprentissages nécessaires pour atteindre l'excellence.
En effet, dès son plus jeune âge, Stéphane n'a jamais perdu de vue sa passion pour la voile. Pendant ses années universitaires, Stéphane n’était pas toujours le plus assidu, mais il canalisait son énergie dans des entreprises productives, en fuyant la rigidité d'un emploi du temps fixe. Initialement, malgré son implication continue et son amour pour la compétition, on lui avait inculqué l'idée prédominante que la voile n'était pas une profession viable. Surmonter cette notion a nécessité de l'introspection, ce qui l’a conduit finalement à réaliser que non seulement c'était une profession viable, mais c'était celle qu'il aspirait à poursuivre lui-même.
Parmi ses expériences professionnelles, Stéphane a travaillé pour la Fédération des Industries Nautiques et plus tard pour des architectes français, réalisant une étude d'impact sur de nouvelles réglementations et s'engageant dans le lobbying autour des règles à la Commission européenne à Londres. À La Rochelle, Stéphane a travaillé sur des tests de bateaux avant de les mettre sur le marché au sein d'un cabinet de conseil. Sa vie était paisible : il possèdait une maison près de la mer, il allait travailler à vélo et son bureau donnait sur l'île de Ré. Et c'est là qu'il s'est dit "C'est dans le ventre - il faut y aller".
Stéphane a donc embrassé une carrière de skipper de course, jonglant habilement entre sa vie professionnelle et son engagement sportif. Son parcours a été poursuivi chez Bureau Veritas, où il a entamé une carrière d'ingénieur. Son employeur est rapidement devenu son soutien financier, reconnaissant sa détermination et son sérieux. Ses performances sur l'eau ont été remarquables, lui permettant de remporter plusieurs courses. Ses compétences l'ont conduit à terminer le Vendée Globe à deux reprises, un exploit remarquable.
Dans son expérience en tant que sportif, Stéphane a appris l'importance de se libérer des contraintes inculquées par le système scolaire. En France, l'accent est souvent mis sur la correction des faiblesses. Le domaine du sport, l'exploitation de ses forces est la clé du succès. En consacrant du temps à cultiver ces forces, on peut trouver du plaisir, renforcer sa confiance en soi et développer une attitude positive qui propulse vers l'excellence. Stéphane a reconnu l'utilisation inconsciente d'outils de préparation mentale, des mécanismes intégrés de recherche de sensations positives qui étaient déjà en lui. Il est très attaché à ces images visuelles, telles que celle d'écrans lumineux et de sourires lors des défis de navigation, évoquant un profond sentiment de bien-être et de force dans son corps.
Le cycle du sportif, caractérisé par un équilibre délicat entre l'effort et le repos, est fondamental. Pour atteindre la performance, il est nécessaire de trouver un équilibre plus large, en s'alignant avec la nature, les autres individus et l'environnement. La reconnexion avec la nature devient un critère crucial pour le bien-être holistique, l'équilibre et la performance optimale, que ce soit dans le domaine physique ou mental.
Les marins incarnent un état d'esprit distinctif, essentiel pour naviguer dans les complexités de la mer. Une connexion profonde avec l'environnement est primordiale, et un marin ne peut exceller sans elle. Les marins partagent la capacité de ressentir les nuances du bateau et de comprendre sa dynamique. Le marin habile possède une capacité unique à ressentir les éléments, le bateau et les réglages, semblable à un pianiste aveugle ressentant l'instrument. Les marins parlent souvent d'humilité car la mer l'exige. Un paramètre, par définition, reste insaisissable, les obligeant à approcher la mer avec humilité. Se vanter ou agir présomptueusement face à la mer est futile : les marins reconnaissent leurs limites.
Le récit de Stéphane souligne que la construction d'une identité de marin n'est pas un processus linéaire : il implique des itérations et des négociations avec le cadre existant, envisageant actes et décisions constantes qui, une fois répétés, convergent pour façonner une nouvelle essence potentielle. Il permet également d’éclairer les sensations que ces athlètes de haut niveau ressentent et de mettre en relief le processus d’apprentissage et de développement personnel nécessaire à l’atteinte d’un tel niveau d’excellence.