Crise de la dette américaine : un avertissement à la France ?

Mickael R. Strain est directeur des études de politique économique à l’American Enterprise Institute. Pour cet économiste de renommée mondiale, la crise de la dette américaine montre que l’hégémonie du dollar touche probablement à sa fin. Et rappelle à d’autres payés endettés, comme la France, que fermer les yeux, tout le temps, est dangereux… 

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Par Michael Strain Modifié le 28 mai 2023 à 8h54
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Crise de la dette américaine : un avertissement à la France ? - © Economie Matin

Les problèmes qui agitent la politique américaine sont-ils si graves que le gouvernement américain ne peut même pas payer ses factures à temps ? C'est la question centrale derrière le dernier drame du plafond de la dette à Washington. Jusqu'à présent, les efforts pour augmenter la limite d'emprunt du pays suggèrent que la réponse pourrait très bien être oui.

La dette américaine : un problème politique ou économique

Premier signe de dysfonctionnement : les élus viennent à peine de commencer à se parler. Les États-Unis se dirigent vers un défaut de paiement catastrophique le mois prochain, mais le Président Joe Biden, le Président de la Chambre des Représentants Kevin McCarthy et d'autres dirigeants du Congrès ne se sont pas réunis pour discuter de la situation avant le 9 mai et une deuxième réunion prévue le 12 mai a été reportée.

Le refus de M. Biden de négocier est une autre source d'inquiétude. Il veut que le Congrès lève le plafond de la dette sans conditions particulières, notamment des réductions dans les dépenses fédérales. Bien que Biden ait peut-être raison sur le fond, le système du gouvernement américain ne règle pas toujours les différends en fonction de qui a raison sur le fond.

Il est clair depuis longtemps que la majorité Républicaine à la Chambre des Représentants ne voulait pas adopter une augmentation « nette » de la limite d'emprunt. Ils veulent des conditions supplémentaires. Le 6 mai, 43 sénateurs Républicains ont publié une lettre indiquant qu'ils ne voteraient pas pour augmenter le plafond de la dette « sans des réformes substantielles sur les dépenses et sur le budget ».

Les conséquences potentielles de la crise

Biden a peut-être supposé que les Républicains ne seraient pas assez organisés pour s'unir autour d'un ensemble cohérent de demandes. Certes, les Républicains de la Chambre se sont révélés chaotiques : en effet, il leur a fallu plus de quatre jours et 15 tours de scrutin pour parvenir à élire un Président de la Chambre des Représentants en janvier. Toutefois, il y a plus de deux semaines, la Chambre a adopté un projet de loi qui doit augmenter plafond de la dette, réduire la croissance des dépenses fédérales, renforcer les exigences de travail dans les programmes de protection du revenu et réformer la réglementation et les permis énergétiques, entre autres dispositions. De plus, les Républicains au Sénat ont appuyé les efforts de la Chambre et soutiennent fermement le projet de loi sur la dette, qui devrait être à la base des négociations. Biden doit adoucir sa prise de position.

L'accord d'union nationale visant à ne pas réduire les dépenses futures en matière de sécurité sociale et d'assurance-maladie est également inquiétant. Le Bureau du budget non partisan du Congrès s'attend à ce que ces deux programmes fassent augmenter les dépenses en proportion de la production économique annuelle de 0,7 point de pourcentage au cours des dix prochaines années. Mais les Républicains se concentrent sur les réductions des catégories budgétaires qui sont déjà anticipées à la baisse, comme l'éducation, l'aide au logement et le financement pour l'application de la loi fédérale. Bien que les Républicains aient raison de freiner ces catégories de dépenses fédérales, ils doivent joindre le geste à la parole, c'est-à-dire réduire les programmes qui alimentent la dette américaine.

Même si M. Biden et les leaders de la Chambre des Représentants et du Sénat peuvent se mettre d'accord sur une entente, celle-ci doit être adoptée par les deux chambres. McCarthy devra convaincre son caucus que c'est la meilleure issue possible. Il va probablement entrer dans une polémique avec la plupart des membres Républicains, mais la minorité de fauteurs de trouble à la Chambre pourrait aller jusqu'à menacer sa présidence s'ils sont insatisfaits par l'accord.

Bien sûr, des signes de dysfonctionnement politique peuvent être autant de balises sur la voie d'un compromis. Mais cette distance doit être couverte rapidement. Même si le Congrès et le Président lèvent le plafond de la dette à temps, attendre jusqu'à la onzième heure et flirter avec le défaut de paiement pourrait avoir de graves conséquences économiques et financières : un marché boursier en chute libre, une confiance des consommateurs en baisse, des hausses des taux d'intérêt, des contribuables qui doivent payer des milliards de dollars en intérêts supplémentaires et le début d'une crise financière mondiale. Les marchés financiers commencent déjà à refléter le manque actuel de progrès, en mettant en place de fortes hausses des taux d'intérêt à court terme.

Mais les enjeux actuels sont bien plus importants que cela. Si le Congrès et Biden ne parviennent pas à lever le plafond avant que les États-Unis ne manquent d'argent, ce serait une autre indication que le système politique américain manque de garde-fous adéquats. Un Président qui refuse de négocier avec le Congrès sur une question urgente et d'une importance capitale est un signe d'échec, tout comme un Président de la Chambre des Représentants dont le travail pourrait être pris en otage par une petite minorité de son caucus.

Analyse et solutions pour régler la dette américaine

La corrosion des normes et le manque de sérieux à Washington pourraient déclencher un désastre économique. Cela ferait suite à l'insurrection du 6 janvier 2021 et à tout son contexte – la première fois dans l'histoire des États-Unis qu'un Président tente d'utiliser son mandat pour empêcher le transfert pacifique du pouvoir après avoir été vaincu lors des élections.

Les dirigeants étrangers et les investisseurs mondiaux regarderaient les États-Unis et verraient un portrait accablant. Dans ce système défaillant, de nombreux élus ne respectent pas les résultats d'une élection présidentielle et permettent que des politiques et des divergences idéologiques empêchent le gouvernement d'honorer ses obligations financières. Les investisseurs hésiteraient encore plus à allouer des capitaux aux entités américaines et le rôle des États-Unis en tant que phare des valeurs libérales – notamment les marchés libres – serait gravement compromis.

Vers qui le monde se pourrait alors se tourner ? Il n'y a pas de candidat évident. Mais l'absence d'un meilleur choix est un fragile château de cartes pour garantir la grandeur nationale et le leadership économique et politique mondial. Tôt ou tard, une telle structure risque de s'écrouler.

© : Project Syndicate, 2023.

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Michael R. Strain est directeur des études de politique économique de l'Institut American Enterprise.

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