Les Français rencontrent de plus en plus de difficultés à accéder aux soins de premier recours, avec des disparités importantes sur le territoire national. Selon un rapport de la Cour des comptes intitulé « L’Organisation territoriale des soins de premier recours », publié le 13 mai 2024, l’accès à ces soins essentiels varie considérablement d’une région à l’autre, exacerbant les inégalités existantes.
« Déserts médicaux » : la situation ne cesse de s’aggraver
Toujours moins de médecins dans les « déserts médicaux », mais toujours plus ailleurs
La densité des médecins en France présente des écarts significatifs, allant de 274 médecins pour 100.000 habitants dans les Hautes-Alpes à seulement 50,1 dans la Seine-et-Marne. Cette inégalité se confirme même parmi les médecins généralistes libéraux. Le rapport met en lumière une aggravation de ces disparités au cours des dernières années. Entre 2012 et 2022, la densité nationale des médecins généralistes a diminué de 8%, tandis que des départements déjà mieux dotés comme les Hautes-Alpes, la Savoie ou le Morbihan ont vu leurs chiffres augmenter de 17 à 20%. Pour les spécialistes, la densité a globalement augmenté de 6%, mais des baisses notables ont été enregistrées dans certains départements, avec des baisses allant jusqu'à 17% en Ariège.
Outre les médecins, l'accès à d'autres professionnels de santé tels que les sages-femmes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes est également inégal. Dans les départements les moins pourvus, il est six fois plus difficile d'accéder à ces soins essentiels. Par exemple, en Eure-et-Loir, de nombreux habitants peinent à obtenir des soins de base. Au niveau plus local, 20% des Français ont du mal à accéder à au moins un professionnel de santé, et 1,7 million de personnes sont particulièrement défavorisées, avec des difficultés d'accès simultanées à des médecins généralistes, infirmiers et kinésithérapeutes.
Au 30 septembre 2022, près de 6,7 millions de personnes en France n'avaient pas de médecin traitant, dont 714.000 patients souffrant d'affections longue durée. Les difficultés ne s'arrêtent pas là, car obtenir un rendez-vous représente un véritable défi. Obtenir un rendez-vous avec un généraliste peut être rapide pour certains, mais l'attente pour des spécialistes peut excéder deux mois : c’est le cas des ophtalmologues (80 jours en moyenne), de dermatologues (61 jours), voire plus encore pour les cardiologues, gynécologues et rhumatologues. De plus, les taux de refus de rendez-vous sont élevés, 58,7% des généralistes refusant de nouveaux patients, souvent à cause de l'engorgement de leur agenda.
Inciter les médecins des zones sous-dotées à venir exercer à temps partiel dans les « déserts médicaux »
La Cour des comptes formule plusieurs recommandations pour répondre à cette difficulté d'accès aux soins de premier recours dans les zones sous-dotées. Tout d'abord, elle propose d'encourager les médecins à établir des pratiques à temps partiel dans les départements défavorisés. À court terme, cela pourrait être facilité par l'augmentation des aides fournies par les collectivités territoriales pour l'équipement de cabinets secondaires. À plus long terme, la Cour suggère de conditionner toute nouvelle installation de médecins dans les zones déjà bien pourvues à un engagement d'exercer partiellement dans les zones manquant de professionnels. Cette mesure vise à répartir plus équitablement les ressources médicales sur le territoire.
Par ailleurs, la Cour recommande d'étendre aux médecins hospitaliers, notamment ceux exerçant dans des centres de santé hospitaliers, la possibilité de bénéficier d'une rémunération partiellement indexée sur leur activité, tout en assurant un cadre juridique sécurisé pour cette pratique. Cela pourrait inciter davantage de médecins à participer à des initiatives de soins de proximité, même au sein des structures hospitalières.
Enfin, dans les régions particulièrement touchées par une pénurie de professionnels, la Cour des comptes suggère de confier aux hôpitaux une mission d'intérêt général consistant à déployer des centres de santé polyvalents. Ces centres seraient conçus pour offrir une gamme étendue de soins de premier recours, contribuant ainsi à pallier le manque de services médicaux disponibles localement et à améliorer l'accès aux soins pour les populations de ces zones.