Démographie on the spot

Le quotidien Les Echos a pris l’heureuse initiative de publier une série de cinq articles consacrés à la démographie, qui présentent et analysent cinq « cas » nationaux, ceux du Niger, de l’Albanie, du Japon, de l’Inde et de Malte.

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Par Jacques Bichot Publié le 28 juillet 2023 à 5h30
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Démographie on the spot - © Economie Matin
1000 EUROSEn 2023, la prime de naissance dépasse les 1.000 euros par enfant.

Leur diversité permet de se faire une idée des problèmes importants et variés que les responsables des systèmes de retraite doivent résoudre pour que les diverses populations du globe terrestre bénéficient de conditions de vie correctes. Pour certains pays pauvres, par exemple le Niger, une natalité excessive complique singulièrement le passage de la misère au développement. Mais pour quelques pays développés, par exemple le Japon, c’est l’insuffisance de la procréation qui assombrit les perspectives. Entre « trop » et « pas assez », comment trouver un « juste milieu » ?

Trop d’enfants, ou pas assez ?

Pendant plusieurs décennies, le sujet d’inquiétude, en matière démographique, a été l’augmentation très rapide de la population dans les pays du Tiers Monde. Aujourd’hui encore, ce que le quotidien Les Echos appelle « le vertige d’une natalité effrénée » rend difficile le développement de certains pays, les adultes ayant la charge d’éduquer et d’entretenir un nombre d’enfants excessif au regard de leurs ressources et capacités. Mais la situation inverse, à savoir un faible taux de natalité, pose un problème encore plus grave pour l’avenir à moyen et long terme : la rareté des naissances signifie deux décennies plus tard une insuffisance du nombre des « producteurs », les hommes et les femmes capables de travailler et d’investir. Il faudrait donc, idéalement, un taux de natalité assez constant, assurant le renouvellement des générations ou une légère croissance de la population sans constituer un « baby-boom ».

L’inquiétant recul de la fécondité française

Dans une forte proportion des cas les choses ne se passent pas comme cela : il existe des périodes de forte fécondité, qui exigent de gros efforts d’investissement, et des périodes de faible fécondité, qui peuvent être propices à la dolce vita, mais préparent un avenir moins souriant en raison de la diminution du nombre des actifs par rapport à celui des inactifs. En France, les vingt années qui ont suivi la Libération furent typiques d’un grand effort d’investissement, allant de pair avec une forte croissance à la fois économique (PIB en hausse de près de 5 % par an) et démographique : la population du pays est passée de 40,5 millions en 1946 à 47 millions en 1960 puis 56, 6 millions en 1990 et 63,7 millions en 2011. Mais la suite est moins brillante : les 68 millions atteints en 2022 l’ont été grâce en partie à une importante immigration.

Certes, la France fait mieux que l’Union européenne. Les Echos du 19 juillet 2023 indiquent pour l’Union « un effondrement du nombre de naissances, largement inférieur au nombre de décès », mais une population en croissance grâce à « une immigration en hausse ». Le spectre du « grand remplacement » ressurgit ainsi pour l’Europe et pour sa composante française.

Le danger d’être riche dans un monde où la pauvreté est majoritaire

D’autres pays développés ne font pas mieux que la France et ses voisins européens, témoin le Japon pour lequel Les Echos posent un diagnostic sévère : « impossible relance de la natalité ». Il serait grand temps de prendre au sérieux la question démographique. La partie de l’humanité qui a réussi son développement économique, procurant à ses habitants un niveau de vie en moyenne assez confortable, attire inévitablement les personnes dont la situation économique est beaucoup moins favorable. L’hybridation heureuse n’est pas forcément exclue, mais il n’est nullement évident qu’elle soit la résultante automatique de la mondialisation.

La richesse des pays développés, dont la France, ne sera préservée que si nous savons à la fois être généreux et durs. Les pays développés doivent coopérer avec les moins développés, les aider à progresser, mais en même temps, comme dirait le président de la République française, ils doivent faire le nécessaire pour ne pas devenir les dindons de la farce, ou de vieux oncles qui se font tondre la laine sur le dos. Nous devons inventer une coopération à la fois généreuse et prudente. Ne pas exploiter, mais aussi ne pas se laisser exploiter.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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