Démographie : la France doit retirer les planches de son cercueil !

Chaque année, la France bat un nouveau record de baisse de sa natalité. On dit même désormais que les Français font moins d’enfants que sous l’occupation allemande ! Cela fait plus de 70 ans que la France refuse de faire de la démographie une priorité. Qu’est-ce qu’un pays qui ne fait plus d’enfants ? Un pays qui se meurt. Sonner l’alarme ne suffit plus, il est plus que temps d’inverser cette tendance !

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Par Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot Modifié le 16 novembre 2024 à 15h06
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Démographie : la France doit retirer les planches de son cercueil ! - © Economie Matin

Notre Terre porte et nourrit actuellement environ 7,8 milliards de personnes. Un quart, soit deux milliards, ont moins de 15 ans. Deux tiers (5,1 milliards) ont entre 15 et 64 ans. Un petit dixième (environ 9 %) atteignent ou dépassent 65 ans. Cette dernière catégorie, celle des personnes âgées qui dans un nombre limité de pays est plus ou moins bien prise en charge par les systèmes de retraite, a quasiment doublé en un demi-siècle : le vieillissement, s’il n’est pas encore inquiétant au niveau mondial comme il l’est actuellement au sein des pays dit « riches » (mais surendettés), posera fatalement un très grave problème à l’humanité durant la seconde moitié de ce xxie siècle.

À ce moment-là, les êtres humains âgés de 65 ans ou plus représenteront un habitant de la planète sur six, puis, à la fin du siècle, au moins un sur cinq. Où habiteront-ils ? Comment se nourriront-ils ? De quoi vivront-ils ? Qui les soignera ? Autant de réponses auxquelles l’ensemble des systèmes d’organisation sociale existants sur la planète, du petit village au fin fond de la brousse africaine, aux inéluctables futurs ministères des personnes âgées, devront demain apporter des réponses.

En se généralisant, la baisse de la natalité va engendrer dans le monde entier des difficultés analogues à celles que connaissent actuellement les pays dit développés, où le rapport entre le nombre des retraités et celui des actifs rend déjà l’équilibre financier des systèmes de Sécurité Sociale et de retraite de plus en plus difficile à trouver – pour ne pas dire impossible. Or ces systèmes, actuellement embryonnaires dans les pays pauvres, se développeront fortement au fur et à mesure du recul de la pauvreté au niveau mondial. Dans quelques décennies, ils se heurteront comme les nôtres aujourd’hui, à un mur démographique.

Certes, il ne faut pas raisonner comme si fatalement, les pays actuellement sous-développés allaient suivre le même chemin que celui emprunté par les occidentaux depuis la fin de la guerre, mais il ne serait pas raisonnable d’écarter péremptoirement cette hypothèse. La démographie est en train de causer des difficultés aux pays riches ; elle pourrait bien, par la suite, en causer aussi aux pays actuellement en « développement », même s’ils deviennent riches à leur tour. Quand une faible natalité (par exemple 1,5 enfant par femme) succède à une très forte fécondité (par exemple quatre enfants par femme), quelques décennies plus tard, les actifs doivent se saigner aux quatre veines pour garantir à leurs « anciens » un revenu de substitution auquel ils sont persuadés d’avoir droit, puisqu’ils pensent avoir cotisé toute leur vie pour cela.

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La lourde responsabilité des législateurs

Nous touchons ici un grave problème : celui de l’amateurisme des législateurs, qui s’imaginent raisonnable d’attribuer aux actifs, des droits à pension calculés au prorata de ce qu’ils ont versé pour leurs anciens, comme si ceux-ci allaient sortir de leur tombe et se remettre à travailler pour leur verser des pensions. Alfred Sauvy, le créateur de l’INED (Institut national d’études démographiques) a pourtant bien expliqué qu’en réalité, les futures pensions ne se préparent pas en versant des cotisations destinées aux retraités, mais en mettant au monde un nombre suffisant de futurs cotisants et en les élevant correctement. Mais les législateurs, sourds et aveugles, ont persisté à faire de ces cotisations destinées aux retraités actuels, la base juridique des futures pensions, croyant sans le moindre bon sens que les retraites par répartition peuvent fonctionner selon les règles qui ont été mises en place à juste titre pour la capitalisation !

De plus, les données utilisées pour calculer le montant des cotisations ne tiennent compte ni de l’exceptionnel allongement de l’espérance de vie, en moins de trois générations, ni de l’effondrement de la natalité, les deux paramètres démographiques majeurs qui déterminent le fonctionnement des retraites dites par « répartition ».

Quand il aurait fallu tout remettre à plat lors du passage de la capitalisation à la répartition, personne n’en a eu ni la prescience, ni le courage. Tout en gardant à l’esprit le bouleversement inédit dans l’histoire de l’humanité que constitue le quasi doublement de l’espérance de vie – en 1900, elle était en France de 48 ans ; elle dépasse 83 ans aujourd’hui –, il faut également regarder ce que le monde du travail vit actuellement comme révolution.

L’utopie d’une terre peuplée d’Éloïs oisifs et de Morlocks laborieux, comme dans La Machine à explorer le temps d’Herbert George Wells (1895), ne doit plus être regardée comme de la pure science-fiction. Wells était sans nul doute un visionnaire.

Le mythe du plein emploi a vécu

La définition du travail n’incorpore malheureusement pas l’activité oh combien importante qu’est la formation initiale. C’est-à-dire ce que font les enfants, les adolescents et une partie des jeunes adultes, parfois en traînant les pieds, parfois avec plaisir, pour acquérir connaissances et savoir-faire. Connaissances, savoirs et compétences qui sont censés leur procurer plus tard, une place sur le marché du travail.

Sur environ 4,5 milliards de personnes âgées de 20 à 64 ans, on peut estimer à légèrement plus de deux milliards le nombre de celles qui sont intégrées à l’économie de marché, majoritairement en tant que travailleurs salariés.

Les autres, un peu plus nombreux, relèvent toujours de l’économie informelle ou des franges de l’économie de marché. En fait, ils reproduisent peu ou prou le schéma du monde d’avant la révolution industrielle. Une grande partie d’entre eux vit encore principalement de l’agriculture, qui subvient à leurs besoins essentiels et à ceux de leur famille. Comme depuis toujours, ils restent soumis pour leur subsistance aux aléas climatiques, politiques ou guerriers.

Il faudrait diffuser Les Sept Mercenaires (ou la version originale en noir et blanc de Kurosawa, Les Sept Samouraïs) dans tous les collèges, pour expliquer à nos jeunes de quoi dépendent encore aujourd’hui des milliards d’habitants sur notre planète : de la terre, tout simplement. Quand on leur prend tout, ils n’ont plus rien.

L’importance du travail domestique est souvent sous-estimée

Les tâches domestiques ne sont généralement pas incorporées dans la définition du travail, parce qu’elles ne font pas l’objet d’une rémunération en argent. L’importance du travail domestique est pourtant considérable même dans un pays comme la France, comme le montre  l’enquête menée sur ce sujet tous les dix ans par l’INSEE : en comparaison du travail professionnel, davantage d’heures lui sont consacrées, qu’il s’agisse du ménage, des soins prodigués aux enfants, ou du jardinage et du bricolage.

Cette importance du travail domestique est évidemment encore plus forte dans les pays moins développés, où pour beaucoup de personnes l’activité dite « informelle » n’est pas un complément de l’activité professionnelle, mais la principale ou la seule forme d’activité productive.

Quand le paysan des Andes construit de ses propres mains un abri pour sa famille, tout en cultivant sa terre pour la nourrir, il ne fait pas de distinction entre les deux activités, qui sont « sa » définition du travail.

Cependant, le nombre d’humains âgés de 20 à 64 ans qui travaillent et vivent de manière encore assez proche de celle de leurs parents, et des parents de leurs parents, est orienté à la baisse. De plus en plus nombreux sont ceux qui s’intègrent à l’économie moderne ou subsistent, hélas bien chichement, grâce aux « petits boulots » que leur concède l’économie modernisée. L’exode des paysans chinois vers les mégapoles, dans lesquelles ils assemblent presque sept jours sur sept et douze heures par jour, des ordinateurs ou des téléphones pour des clients occidentaux situés à 10 000 kilomètres de là, est évidemment un drame.

On peut estimer entre un demi et un milliard le nombre des personnes qui ont, si l’on peut dire, un pied dans l’économie marchande, mais pas les deux, selon que les critères utilisés pour les classer sont plus ou moins exigeants. Cette catégorie est probablement celle qui s’accroît le plus rapidement. Et qui préoccupe le plus les autorités chinoises.

Mais soyons clairs : le problème est identique en Europe, et en particulier en France, ou le taux d’emploi des actifs est un des plus faibles au monde. Des millions de nos compatriotes sont sortis des circuits « standards » et cumulent aides sociales, petits boulots, et autosuffisance.

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Jean-Baptiste Giraud est journaliste économique, directeur de la rédaction d'EconomieMatin et auteur d'une dizaine de livres.   Jacques Bichot est économiste, professeur émérite à l'Université Jean-Moulin-Lyon III et auteur d'une vingtaine d'ouvrages.

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