La règle européenne limitant le déficit public à 3% du PIB est-elle encore pertinente ? Pour Emmanuel Macron, la réponse est claire : ce cadre budgétaire est dépassé et freine le développement économique du continent. Une critique du cadre ou une simple manière de résoudre, en l’éliminant à la source, le problème du déficit français depuis des années largement supérieur à ce seuil ?
Déficit : Macron ne veut plus de la règle des 3% !
La règle des 3 % de déficit public est l’un des fondements du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) de l’Union européenne. Instaurée par le traité de Maastricht en 1992, elle impose aux États membres de ne pas dépasser 3 % de déficit public par rapport à leur produit intérieur brut (PIB). L’objectif affiché ? Garantir la stabilité budgétaire et éviter les dérapages pouvant mettre en péril l’ensemble de la zone euro.
Un principe budgétaire dépassé ? Origines et objectifs de la règle des 3%
Mais cette règle a une origine française. En 1981, alors que François Mitterrand cherche à limiter l’explosion de la dette, trois hauts fonctionnaires du ministère des Finances établissent ce seuil de manière pragmatique. L’un d’eux, Guy Abeille, expliquera plus tard que ce chiffre est issu d’un simple calcul approximatif, sans véritable fondement économique : « Nous avons pris la prévision de croissance du PIB et fixé un ratio autour de 3 %. C’était plus une commodité qu’une règle scientifique. » – Guy Abeille, entretien avec La Tribune de 2010.
Depuis, ce seuil est devenu un dogme européen, bien que plusieurs pays l’aient dépassé à de nombreuses reprises, notamment lors de crises économiques.
La France, championne européenne du déficit hors norme
La critique d’Emmanuel Macron intervient dans un contexte budgétaire tendu : en 2024, le déficit public français devrait atteindre 6 % du PIB, soit le double du seuil européen. En 2023, il s’établissait déjà à 5,5 %. Ces dépassements chroniques placent la France dans une situation délicate vis-à-vis de ses partenaires européens. L’Union européenne a ouvert une procédure pour déficit excessif contre la France et six autres pays.
Le gouvernement prévoit de ramener le déficit à 5,4 % en 2025 et sous la barre des 3 % d’ici 2029. Un objectif ambitieux, d’autant plus que les prévisions initiales tablaient sur un retour à l’équilibre dès 2027.
Une habitude française
La France est coutumière du dépassement budgétaire. Entre 2007 et 2017, elle a systématiquement franchi la barre des 3 %, souvent sous prétexte de relance économique ou de circonstances exceptionnelles.
Année | Déficit public de la France (%) |
---|---|
2007 | 3,2 % |
2010 | 7,2 % |
2013 | 4,8 % |
2017 | 2,9 % (seule année sous les 3 %) |
2020 | 9,2 % (crise du Covid-19) |
2023 | 5,5 % |
2024 (prévu) | 6 % |
La règle des 3 % est donc davantage une barrière théorique qu’une contrainte réellement appliquée en France.
Emmanuel Macron veut du déficit à l’infini
Une réforme nécessaire selon le président
Emmanuel Macron a fustigé cette règle lors d’un entretien accordé au Financial Times, la qualifiant de "caduque" et inadaptée aux défis économiques actuels. Pour lui, l’Europe doit "accélérer" et investir massivement dans des secteurs stratégiques comme la transition énergétique, l’intelligence artificielle et la défense. « L'Europe, c'est son moment d'accélération et d'exécution. Parce qu'il n'y a plus le choix. Après, c'est la sortie d'autoroute. ».
Le président français défend donc une plus grande flexibilité budgétaire, à l’image de ce qui a été fait lors de la crise du Covid-19, où l’Europe a suspendu temporairement la règle des 3 %.
Une opposition farouche de certains pays
Cette vision est loin d’être partagée par tous. L’Allemagne et les Pays-Bas restent fermement attachés à cette discipline budgétaire, jugeant que le laxisme financier pourrait mener à des crises économiques majeures. Thierry Breton, ancien commissaire européen et ex-ministre de l’Économie, est particulièrement critique sur BFMTV : « Ça devient insoutenable que la France soit incapable, seul pays d'Europe, à bâtir un budget qui ne soit pas en déficit majeur »
Selon lui, continuer à ignorer les 3 %, c’est prendre le risque d’une crise financière comparable à celle du Royaume-Uni sous Liz Truss. « Ce qui est légitime, c'est d'arrêter d'augmenter notre dette. »
Le pacte de Stabilité : une règle obsolète ou un garde-fou indispensable ?
L’opposition entre Emmanuel Macron et ses détracteurs illustre deux visions de l’Europe. D’un côté, un président français qui prône plus de souplesse budgétaire et réclame des investissements communs massifs. De l’autre, des pays soucieux de préserver la stabilité financière et d’éviter une explosion de la dette.
La question reste en suspens : l’Europe doit-elle s’émanciper de cette règle budgétaire pour investir massivement dans son avenir, ou doit-elle au contraire revenir à une rigueur budgétaire stricte pour éviter une crise de la dette ? « Les marchés financiers savent que, à la fin, si jamais il y a un problème, on ira chercher l'épargne des Français pour payer le remboursement de la dette », rappelle Thierry Breton.