Dans un article publié dans La Tribune Dimanche du 15 septembre, Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine, annonce son souhait de déposer un amendement au projet de loi de finances (PLF) 2025 pour mettre fin au commerce parallèle de tabac en imposant des quotas de livraison par pays. « Une idée à 5 milliards d’euros » titre le quotidien de Bruno Jeudy.
Débats budgétaires : l’« idée à 5 milliards d’euros » du sénateur Xavier Iacovelli
Les débats budgétaires pour 2025 s’annoncent plus que délicats. Tant pour le projet de loi de finances (PLF), que pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Bercy a ainsi fait savoir que le déficit pourrait atteindre 5,6 % en 2024, voire 6,2 % en l’absence de mesures nouvelles. Dans le même temps, La France attend sa convocation pour le moins vexante par Bruxelles pour déficit public excessif.
Hausse des impôts, du ballon d’essai au boomerang
Bercy estime à 20 milliards les économies indispensables à réaliser en 2025, voire 100 milliards sur les trois prochaines années mais il s’agit d’une tâche éminemment délicate dans le contexte politique actuel. Qui plus est, « dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui mord » rappellent justement les spécialistes de la sempiternelle réforme de l’État. Quant à une éventuelle nouvelle vague de hausse des impôts et taxes, elle se heurterait à une acceptabilité sociale toujours plus faible avec, le spectre toujours présent du retour d’un mouvement social incontrôlable, type Gilets Jaunes. Un effort fiscal demandé aux seules entreprises et aux plus grosses fortunes pourrait entraîner un recul des investissements et la perte de précieux points de croissance. Et l’idée braque une part de la toujours très probusiness macronie.
Le ballon d’essai de Michel Barnier du 17 septembre sur une éventuelle hausse des impôts s’est d’ailleurs immédiatement transformé en boomerang. À peine évoquée, cette idée a été vilipendée par les groupes politiques formant la nouvelle coalition — ou la soutenant sans participation —. De Gabriel Attal jusqu’à Marine Le Pen, en passant par Gérald Darmanin, Laurent Wauquiez ou encore Bruno Retailleau, l’annonce a entraîné une levée de boucliers. Si des coupes budgétaires ont d’ores et déjà été actées par Michel Barnier, dans la continuité du précédent gouvernement, elles pourraient ne pas suffire à répondre aux objectifs de Bruxelles. En bref, trouver de nouvelles recettes relève de l’urgence vitale.
Lors de son discours dans la cour de Matignon, à l’occasion de la passation de pouvoir, le nouveau Premier ministre a insisté sur la nécessité de voir émerger, du terrain, des idées nouvelles, pragmatiques et efficaces. C’est dans ce contexte que « l’idée à 5 milliards d’euros » de Xavier Iacovelli est sortie dans la presse. 5 milliards qui, théoriquement, représenteraient une part non-négligeable du besoin budgétaire actuel, sans contraintes particulières pour les ménages et les entreprises françaises.
La manne fiscale du commerce parallèle de tabac
L’idée de Xavier Iacovelli permettrait de mettre fin aux pratiques des quatre majors du tabac, Philip Morris International (PMI), British American Tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI) et Seita-Imperial Tobacco (IT), qui surproduisent et suralimentent pour contourner les politiques de santé publique. C’est ainsi, pour l’exemple le plus connu, que ces cigarettiers livrent chaque année plus de 3 milliards de cigarettes au Luxembourg alors que 600 millions suffiraient pour répondre aux « besoins » des seuls fumeurs luxembourgeois. Le phénomène se produit dans tous les autres pays limitrophes de la France. Si l’on ajoute les quantités de tabac qui viennent des pays à faible fiscalité sur le tabac et dans lesquels les fabricants de tabac ont leurs usines (la Bulgarie ou l’Algérie par exemple), ce sont 18 milliards de cigarettes qui alimentent les réseaux parallèles en France, soit une perte fiscale estimée à environ 5 milliards d’euros par an.
Le sénateur de la majorité présidentielle propose donc d’imposer aux fabricants de tabac des quotas de livraison par pays, fondés sur la quantité exacte de tabac fumée par leurs habitants, une mesure élaborée et exigée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ainsi, 600 millions de cigarettes seraient livrées chaque année au Luxembourg, au lieu de 3 milliards, mais 48 milliards de cigarettes seraient livrées en France, contre 30 milliards à ce jour, ce qui permettrait à Bercy d’empocher 5 milliards d’euros supplémentaires chaque année. Des députés et sénateurs de différents groupes politiques ont d’ores et déjà évoqué cette idée. Une telle évolution inciterait nécessairement Bruxelles à revoir les franchises de transport de tabac entre États membres, quatre fois supérieures à celles avec États tiers, sans que leurs frontières soient plus difficiles à passer.