Alors que les radars économiques s’affolent, le climat devient orageux pour les ambitions de croissance. Entre projections revues à la baisse et instabilités extérieures, la France navigue à vue. Et l’ancrage budgétaire promis semble s’éloigner. Que faut-il en déduire pour la suite de l’année ?
Bercy dans le brouillard : une croissance revue à la baisse en 2025 ?

Une prévision de croissance revue à la baisse : le gouvernement revoit sa copie
Le 1er avril 2025, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a pris la parole. Et pour une fois, ce n’est pas une mauvaise blague du 1er avril, mais bien une alerte sérieuse : la prévision de croissance de la France pour 2025, initialement fixée à 0,9 %, sera révisée à la baisse.
Le mot est lâché : « Nous sommes dans une situation économique qui est délicate », a reconnu Éric Lombard dans l’hémicycle relayé par BFMTV. Cette déclaration, d’une sobriété glaçante, annonce une reconfiguration des ambitions de Bercy pour l’année en cours. La Banque de France, déjà plus prudente, a anticipé cette inflexion dès la mi-mars, en sabrant ses propres prévisions à 0,7 % du produit intérieur brut.
Croissance : Des obstacles économiques aux allures de tempête
Difficile, en effet, de soutenir une croissance robuste quand les clignotants virent à l’orange vif. Éric Lombard a dressé la liste des menaces pesant sur la trajectoire économique de la France. À commencer par un paradoxe : un taux de chômage historiquement bas – une performance – coexiste avec un taux d’épargne élevé des ménages, autour de 18 % de leur revenu disponible brut. Autrement dit, les Français consomment peu. Et quand la demande intérieure patine, l’investissement suit la même pente.
À cela s’ajoutent des taux d’intérêt à long terme en hausse, une politique monétaire plus restrictive, et une instabilité commerciale mondiale qui fait frémir les exportateurs. Le point noir ? Les droits de douane américains, que l’administration Trump doit redéfinir le 2 avril 2025. Une décision que Lombard qualifie de potentiellement lourde de conséquences : « Les décisions du gouvernement américain sur les droits de douane attendues le 2 avril risquent de peser sur la croissance dans les semaines qui viennent ».
Plus qu’un simple ajustement, c’est une véritable reconfiguration du scénario macroéconomique qu’anticipe le gouvernement. Une déclaration du ministre sur France Inter, fin mars 2025, résume bien la fébrilité ambiante : « Une incertitude importante » entoure les prochains mois, avait-il admis. Traduction : le brouillard est dense, et l’économie pourrait bien s’y perdre.
Croissance en berne : vers une redéfinition budgétaire
Si les prévisions officielles sont modifiées dans les prochaines semaines – ce qui ne fait plus aucun doute –, les implications budgétaires risquent d’être immédiates. Moins de croissance, c’est mécaniquement moins de recettes fiscales, et donc une équation plus complexe pour respecter les engagements de déficit.
Le gouvernement prévoit d’ailleurs de présenter ses nouvelles orientations autour du 15 avril, lors d’une conférence sur les finances publiques présidée par le Premier ministre François Bayrou. Un rendez-vous stratégique. Car au-delà des chiffres, c’est la crédibilité du gouvernement en matière de pilotage économique qui est en jeu.
La tentation sera grande pour l’exécutif de réorienter sa communication sur les “facteurs exogènes” pour justifier ce ralentissement : politique commerciale américaine, chocs énergétiques persistants, ralentissement allemand... mais les marchés, eux, n’achètent pas les excuses. Ce qu’ils guettent, c’est la capacité de l’État à ajuster ses dépenses, sans plomber davantage le climat social.
Or, avec un pouvoir d’achat encore contraint et des tensions latentes sur le front social, les marges de manœuvre sont minces. Le ministre de l’Économie s’avance donc sur une corde raide. Il devra convaincre, chiffres à l’appui, que cette baisse de croissance ne signe pas l’échec d’une stratégie, mais bien une réponse adaptée à un environnement mouvant.
Une trajectoire encore floue malgré les annonces
Le plus frappant, c’est sans doute le flou persistant qui entoure la nouvelle cible de croissance. Aucun chiffre officiel n’a encore été dévoilé par Bercy, hormis le consensus autour de la barre des 0,7 %, à l’image de la Banque de France. Mais ce chiffre est-il réaliste ? Ou bien est-il encore trop optimiste, à l’image de ces indicateurs peints en rose pâle avant chaque choc ?
Les semaines à venir s’annoncent décisives. Le 15 avril, la conférence sur les finances publiques sera scrutée de près. Les arbitrages attendus y feront office de signal fort : volonté de redressement ou simple opération cosmétique ? En attendant, la croissance française reste suspendue à des incertitudes internationales, à une consommation timide, et à une gestion gouvernementale qui doit faire ses preuves.