Que pouvons-nous espérer de la COP28 ?

Geoffrey Heal est professeur d’entrepreneuriat social à la Columbia Business School, et professeur à la School of International and Public Affairs de l’Université de Columbia. Il se demande quels résultats seront réellement obtenus par la prochain COP.

Geoffreu=y Heal
Par Geoffrey Heal Publié le 26 octobre 2023 à 4h30
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Que pouvons-nous espérer de la COP28 ? - © Economie Matin
0,03 DOLLARLe coût de l’énergie solaire est passé e 0,36 dollar par kilowattheure à 0,03 dollar en 10 ans.

La saison de la COP approche. Pour ceux qui se soucient des enjeux climatiques, la Conférence annuelle des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) constitue un événement incontournable de la fin d’année, une occasion d’évaluer nos objectifs, besoins et réalisations. Depuis deux semaines, nous attendons avec une certaine inquiétude cet événement à venir, en espérant que les négociateurs produiront des avancées significatives dans l’atténuation de la menace climatique. Or, nos espoirs doivent demeurer réalistes concernant la COP28, et nous devons pour cela comprendre ce que la COP peut accomplir et ne peut pas accomplir.

Nous décarbonons progressivement nos économies. D’ici une dizaine d’années, l’éolien et le solaire constitueront les principales sources d’électricité, et les ventes de véhicules électriques (VE) devraient dépasser celles des véhicules thermiques. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale de combustibles fossiles commencera à diminuer en 2030. Bien qu’il soit sans doute trop tard pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 2°C voire 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, cette évolution dès 2030 est plus proche que ce que l’on imaginait encore récemment.

Peu de ces avancées sont toutefois directement attribuables aux COP, y compris à la COP21 de 2015 qui a abouti à l’accord de Paris sur le climat. En effet, l’accord de Paris ne mentionne nulle part les VE, l’éolien ou le solaire. C’est davantage à Tesla que l’on doit la croissance des ventes de VE : le succès commercial de la Model S a incité d’autres constructeurs haut de gamme à développer des produits concurrents, désormais disponibles sur le marché.

Existe-t-il un lien entre les COP et le succès de Tesla ? Si tel est le cas, il ne s’agit pas d’un lien direct. Durant ses premières phases de croissance, Tesla a considérablement bénéficié des réglementations CAFE américaines (Corporate Average Fuel Economy), qui lui ont permis de vendre des crédits zéro émission à d’autres constructeurs. Les revenus de ces ventes de crédits ont parfois dépassé ceux des ventes de voitures.

Les réglementations CAFE remontent à 1975, vingt ans avant l’organisation de la première COP. Elles ont toutefois été renforcées avec le temps, en partie sans doute grâce à une plus grande prise de conscience du défi climatique, favorisée par les COP. De même, les COP ont probablement encouragé les subventions, tant aux États-Unis qu’au sein de l’Union européenne, dont Tesla a bénéficié plus récemment, après être devenue un acteur majeur de l’industrie automobile.

Quant au solaire et à l’éolien, leur croissance impressionnante s’explique par l’importante diminution de leurs coûts. Entre 2009 et 2019, le coût de l’énergie solaire est passé de 0,36 $ par kilowattheure à 0,03 $. Cette baisse est la conséquence de deux principaux facteurs : d’une part les économies d’échelle, qui ont réduit les coûts de production de chaque plaquette de silicium, et d’autres part l’apprentissage par la pratique, qui a conduit à des processus de fabrication plus efficaces et par conséquent moins coûteux. Ces deux facteurs alimentent un cercle vertueux : à mesure que l’utilisation de l’énergie solaire augmente, les coûts diminuent, accélérant encore davantage l’adoption de cette énergie.

Ce processus a été initié par l’adoption par l’Allemagne de généreux tarifs de rachat concernant l’énergie solaire en 2000. Le gouvernement chinois a par la suite massivement investi dans le solaire, qu’il a identifié comme un secteur d’importance stratégique. Encore une fois, il est possible que ces décisions politiques majeures aient été encouragées par une sensibilisation au changement climatique favorisée par les COP.

Concernant l’éolien offshore, la baisse des coûts a été largement favorisée par Ørsted et Equinor, deux sociétés scandinaves qui ont mis à profit leur expertise en matière de pétrole et de gaz offshore pour développer des parcs éoliens en mer, qui utilisent de nombreuses technologies similaires. Les subventions publiques ont contribué à rendre technologiquement viable cette technologie naissante.

En somme, les avancées en matière de décarbonation sont principalement le fruit de percées technologiques réalisées par des entreprises à but lucratif, avec le soutien et l’orientation de politiques publiques favorables. Ces politiques ont sans doute été consolidées par les discussions menées lors des COP et par la publicité qui a entouré ces événements, mais elles ne résultent pas de directives spécifiques issues de ces rassemblements ou figurant dans l’accord de Paris.

Ainsi, que pouvons-nous espérer de la COP28 ? Les COP peuvent produire deux types de résultats positifs. Les premiers sont de nature « globale », résidant par exemple dans le maintien d’une pression sur les gouvernements et les entreprises pour réduire les émissions. Il est important ici non seulement de réaffirmer l’importance de l’objectif zéro émission, mais également de souligner le chemin qu’il nous reste à parcourir, tout en reconnaissant les progrès d’ores et déjà réalisés.

Les deuxièmes sont plus spécifiques. La COP de cette année doit marquer le début d’un processus qui clarifiera la définition d’un crédit carbone valide. De nombreuses entreprises prévoient actuellement de réduire leurs émissions, pas de les éliminer, à supposer qu’elles puissent acheter des crédits carbone pour atteindre le net zéro. Le monde ne pourra toutefois évidemment pas atteindre zéro émission – l’objectif ultime – si les uns ou les autres continuent d’émettre du CO2.

Aspect tout aussi important à souligner, il devient clair que de nombreux crédits carbone volontaires sont sans valeur, car non conformes au principe d’additionalité (la garantie que les réductions d’émissions concernées n’auraient pas eu lieu sans les ventes de crédits carbone) ou parce qu’ils n’empêchent pas le déplacement des émissions ailleurs. Il est nécessaire qu’un organisme international établisse des normes précises pour la validité des crédits carbone, et qu’il impose des limites à leur utilisation. La CCNUCC fait ici figure de candidat évident.

La COP28 peut encourager à une plus grande action climatique, notamment en introduisant ou en renforçant des politiques propices à des avancées technologiques permettant de réduire les émissions. Elle peut également apporter des réponses très attendues à plusieurs questions techniques importantes, concernant par exemple l’utilisation des crédits carbone. Son succès dépendra entièrement de la manière dont la COP28 sera menée.

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Geoffreu=y Heal

Geoffrey Heal est professeur d’entrepreneuriat social à la Columbia Business School, et professeur à la School of International and Public Affairs de l’Université de Columbia.

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