Internet : quand les cookies coûtent des milliards

Il y a quelque chose de frustrant, voire d’ironique, dans le fait de devoir accepter une tonne de cookies (qu’il s’agisse des petits gâteaux ou des données) dès que l’on se connecte à un site européen.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 5 décembre 2024 à 16h30
Internet : quand les cookies coûtent des milliards
Internet : quand les cookies coûtent des milliards - © Economie Matin
85%85% des sites Internet en Europe affichent une bannière de consentement aux cookies

Pourtant, derrière cette obligation légale, se cache un phénomène économique surprenant : les bannières de consentement aux cookies ont un coût. Oui, vous avez bien lu. Ces petites fenêtres pop-up qui nous demandent si nous acceptons que notre comportement sur Internet soit scruté ont un impact économique de grande ampleur. Et ce n'est pas juste une question de "cliquer pour fermer" ou de "refuser les cookies". C'est une histoire de perte de temps, de baisse de productivité et, bien sûr, d'argent.

Les Cookies qui coûte très cher à l'Union européenne

Une étude de Legiscope révèle que l’impact économique des bannières de cookies en Europe est astronomique. Imaginez un peu : près de 11 milliards d’euros par an, rien que pour la perte de temps générée par ces pop-ups ! Oui, 11 milliards d’euros, un chiffre qui ferait rougir même les plus grands gourmands de cookies (ou de données, c’est selon).

Si l’on décompose ce qui fait ce montant, il représente environ 30 minutes par mois perdues par utilisateur européen à interagir avec ces bannières. Et si l’on considère le nombre d'internautes en Europe (plus de 500 millions), on obtient ce chiffre impressionnant :

  • Population de l'Union Européenne (2024) : environ 449,2 millions de personnes
  • Taux de pénétration d'Internet : environ 90% de la population, soit 404,28 millions d’utilisateurs.

En moyenne, un utilisateur visite environ 100 sites web par mois, soit 1 200 sites par an. Sur ces 1 200 sites, environ 85% affichent une bannière de consentement aux cookies, soit environ 1 020 bannières par an selon l’étude repérée par Numerama. Supposons qu'un utilisateur mette en moyenne 5 secondes pour interagir avec chaque bannière. Cela représente un total de 5 100 secondes (ou 1,42 heures) par an par utilisateur.

Mais attendez, ce n’est pas tout. Parce que, bien que les bannières soient un mal nécessaire, elles ne sont pas totalement inoffensives. En effet, les entreprises doivent aussi supporter des coûts considérables pour mettre en place et maintenir ces systèmes de consentement. Ces coûts incluent les technologies de collecte des préférences des utilisateurs, la gestion des consentements et, bien entendu, les mises à jour constantes pour se conformer aux régulations de l’UE. Tout cela a un prix, et ce prix n'est pas négligeable.

Le temps, c’est de l'argent… et des cookies !

Alors, pourquoi ces chiffres sont-ils aussi élevés ? Tout d’abord, parlons du temps perdu. Sur une journée, chaque utilisateur européen passe, en moyenne, 3 minutes à répondre à ces bannières de cookies. Oui, trois minutes, ça peut paraître peu, mais extrapolons : cela devient énorme à l'échelle de l'UE. Quand on additionne cela à la compétitivité des entreprises européennes par rapport à d'autres zones géographiques où les bannières de consentement sont moins fréquentes ou absentes (on pense à des régions comme la Chine ou les États-Unis), cela devient un véritable frein.

Ce temps perdu ne concerne pas seulement les utilisateurs, mais aussi les entreprises, qui doivent constamment optimiser leurs sites web et déployer des outils pour rester conformes aux régulations de l'UE, en particulier le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Cela se traduit par des coûts supplémentaires pour chaque entreprise, petites ou grandes. Au total, l'impact économique lié à ces réglementations coûte aux entreprises européennes plus de 5 milliards d’euros par an.

Voici une estimation détaillée des heures perdues et des coûts associés pour chaque pays de l’Union Européenne :

Pays Population (millions) Utilisateurs Internet (millions) Heures Annuelles (millions) Coût Total (€ milliards)
Allemagne 84 75,6 107,35 2,68
France 68 61,2 86,85 2,17
Italie 59 53,1 75,37 1,88
Espagne 47 42,3 60,04 1,50
Pologne 38 34,2 48,57 1,21
Pays-Bas 17 15,3 21,73 0,54
Belgique 12 10,8 15,34 0,38
Suède 11 9,9 14,07 0,35
Autriche 9 8,1 11,50 0,29
Autres Pays 104,2 93,78 134,18 3,35
Total 449,2 404,28 575,00 14,35

Note : "Autres pays" inclut les autres nations de l’Union Européenne.

L’ironie est dans le cookie

Voici le côté ironique de l’histoire : ces bannières ont été créées pour protéger la vie privée et garantir la sécurité des utilisateurs. Mais à force de vouloir tout contrôler, on se retrouve à créer des situations où tout le monde perd du temps et de l'argent. Si l’on se met dans la peau d'un utilisateur, l’interaction avec ces bannières est aussi agréable qu’une interruption en pleine pause café. Mais, de manière plus sérieuse, cela envoie aussi un message assez étrange : l’Europe veut protéger sa vie privée, mais au prix de son efficacité économique.

Les petites entreprises et start-ups en particulier souffrent de cette surcharge de conformité. Leur temps et leur argent sont consacrés à remplir des obligations administratives, au lieu de se concentrer sur des projets innovants. Pendant ce temps, les grandes entreprises et les géants du numérique qui disposent des ressources nécessaires pour absorber ces coûts ne sont guère affectés. Ce déséquilibre profite essentiellement aux grandes entreprises technologiques non-européennes qui, dans certaines régions du monde, sont exemptées de ces contraintes.

En conséquence, cela ralentit l'innovation et la compétitivité de l’UE dans le secteur numérique. Ce qui aurait pu être une opportunité pour l'Europe de dominer le marché technologique devient un terrain de jeu où seuls les plus grands acteurs, souvent étrangers, peuvent prospérer.

Cookies ou pas Cookies ? Telle est la question

La question qui se pose est la suivante : peut-on trouver un compromis entre la protection des données personnelles et la compétitivité économique ? Peut-on vraiment avoir des cookies et les manger aussi ? Peut-être que l’Europe devrait réévaluer la manière dont elle impose ces bannières de consentement. À défaut d'éliminer complètement ces pop-ups (on rêve un peu), il serait peut-être temps de repenser leur design et leur fonctionnement, afin qu’ils ne soient pas aussi coûteux pour l’économie. D’autant plus que les utilisateurs ne semblent pas vraiment savoir ce qu’ils acceptent. Après tout, accepter des cookies devrait être aussi simple que de manger un biscuit, non ?

En attendant, chers internautes européens, gardez à l’esprit que chaque clic "J'accepte" que vous effectuez, vous coûte… pas mal de temps et d’argent. Mais au moins, vous aurez fait votre part pour la protection des données.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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