Après des années de balbutiements et d’expérimentations à la française, la télémédecine a connu un véritable décollage grâce à un facteur exogène : la Covid-2019. La téléconsultation, en particulier, a ainsi vu son nombre d’actes bondir, passant de 80 000 en 2019 à 13,5 millions en 2020.
La consolidation du marché de la e-santé doit aboutir à la constitution de champions souverains
Si le développement de cette dernière a parfois ressemblé au “Far West”, comme évoqué par Thomas Fatôme, directeur de la CNAM, le marché arrive aujourd’hui à maturité dans un cadre réglementaire renforcé.
Le marché de la e-santé se consolide
Les barrières à l’entrée du marché de la e-santé ont fortement augmenté en France, nécessitant désormais des moyens financiers conséquents. Le récent agrément pour les sociétés de téléconsultation ne compte pas moins de 246 exigences, uniquement sur le plan technique. De même, toute solution de télésurveillance requérant le remboursement CNAM doit être certifiée Dispositif médical numérique, inscrite sur une liste nominative et obtenir le marquage CE des dispositifs médicaux.
Hormis Doctolib et quelques acteurs traditionnels de la santé comme Cegedim et CompuGroup Medical, la télémédecine demeure dans le pays très fragmentée et “orientée” logiciel. Deux tiers des start-up de la e-santé en France interrogées par l'INeS (Institute for Smarthealth) ont réalisé moins de 300 000€ de chiffre d’affaires en 2022 !
Les rapprochements sont inéluctables pour constituer des champions souverains et contrer les appétits d’acteurs étrangers, dont certains promeuvent une vision “marchande” de la santé, qui n’est pas sans conséquence sur notre modèle de soins.
Des acteurs français pour soutenir une santé à la française
Plusieurs acteurs français ont récemment annoncé des stratégies fortes dans le secteur de la e-santé. La Poste a ainsi monté la branche La Poste Santé & Autonomie, qui détient ses acquisitions dans les services de proximité pour la santé à domicile, et les services numériques de confiance pour les données de santé tels que Docaposte, Nouveal, Maela, etc. Orange a acquis Enovacom (éditeur de logiciels de santé), puis Exelus (à l'origine d’une solution de télérégulation pour le Samu), NEHS Digital (spécialisé dans le système d'information des radiologues) et Xperis (spécialiste de la sécurité et l'interopérabilité des systèmes d'information de santé). C’est aussi l’exemple du Crédit Agricole avec Omedys et ses salles de téléconsultation.
Ces mouvements ne doivent pas rester l’apanage des grands groupes : ils doivent également toucher les petites et moyennes entreprises qui ont la capacité de penser autrement et de faire preuve d’agilité dans un monde qui évolue vite. Il faut que ces entreprises s'allient entre elles pour co-construire un paysage d'acteurs complet, riche de divers atouts. Objectif : atteindre une taille critique de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires à court terme. Et rapprocher les trois dimensions que sont les outils, les services et le soin, pour répondre aux grands enjeux actuels : désertification médicale, vieillissement de la population, développement des maladies chroniques, etc.
Il ne reste pas beaucoup de temps pour créer nos champions français de la santé et la perspective d’une marketplace de téléconsultations médicales à la Amazon Clinic n’est pas réjouissante. Et pas seulement du point de vue de la souveraineté des données sensibles. Le système de santé français est une fierté nationale et la santé pour tous ne doit pas laisser place à la santé à tout prix.