Compétitivité : la France attire de moins en moins d’investisseurs étrangers

Si l’Europe continue d’attirer les investisseurs étrangers, c’est autant par contraste avec l’instabilité ambiante que par la solidité intrinsèque de ses fondamentaux économiques et juridiques, peut-on lire dans le nouveau FDI Confidence Index® publié le 9 avril 2025 par le cabinet Kearney. La France, impactée par la dégradation accélérée de sa trajectoire budgétaire et une situation politique aux équilibres précaires depuis la dissolution de 2024, recule de 6ème à la 7ème place du classement des économies les plus attractives.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 9 avril 2025 8h12
Compétitivité : la France attire de moins en moins d'investisseurs étrangers
Compétitivité : la France attire de moins en moins d’investisseurs étrangers - © Economie Matin
69%69% des investisseurs étrangers interrogés ont une opinion positive de l'Europe.

La compétitivité, nouveau Graal des investisseurs étrangers

À l'heure où le mot d’ordre est “prudence”, les investisseurs étrangers ne cherchent plus l’eldorado du rendement maximal mais un terreau fiable pour leurs capitaux. Les deux piliers qui guident désormais leurs décisions ? La clarté du cadre réglementaire et les performances économiques domestiques. Les chiffres sont éloquents : 16% des répondants à l'enquête Kearney citent chacun de ces critères comme étant déterminants dans le choix de leur destination d’investissement, loin devant la fiscalité ou la taille du marché.

Et si la stabilité devient reine, c’est parce que l’horizon se couvre. « Le risque de guerres commerciales multilatérales causé par les récentes annonces américaines fait évidemment l’objet de tous les commentaires et nourrit de nombreuses interrogations, pour ne pas dire craintes », observe Nicolas Lioliakis, associé chez Kearney.
Europe : une compétitivité perçue comme refuge… mais relative

Sur le podium des perceptions favorables, l’Europe brille malgré elle. En effet, 69% des investisseurs étrangers interrogés ont une opinion positive de la région, et 60% affirment qu’ils préfèrent y faire des affaires plutôt qu’ailleurs. Pourtant, ce tableau flatteur s'accompagne d’une note dissonante : ce sont les Européens eux-mêmes qui doutent le plus de leur propre attractivité. « Les investisseurs européens sont ceux qui doutent du potentiel du Vieux Continent, signe des efforts restant encore à faire pour changer le regard que l’Europe porte sur elle-même », souligne le rapport de Kearney.

Malgré des défis bien identifiés — immigration (30%), stagnation économique (26%), guerre en Ukraine (24%) — l’Europe conserve des atouts structurels qui rassurent : infrastructures robustes, main-d’œuvre qualifiée, et surtout un État de droit perçu comme stable.

France : attractivité fragilisée, compétitivité en question

Dans cette fresque d’incertitudes, la France affiche une perte d'altitude : elle passe de la 6e à la 7e place du classement. En cause ? « La dégradation accélérée de sa trajectoire budgétaire et une situation politique aux équilibres précaires depuis la dissolution », indique Kearney. Une chute symbolique, certes, mais révélatrice d’une tendance plus large : les investisseurs étrangers sanctionnent le flou.

Et pourtant, la France reste compétitive sur des terrains de pointe : innovation technologique, réseaux de transport, excellence académique. Mais face à une Allemagne qui maintient son rang (5e place) en misant sur la technologie et une Italie en pleine remontée (de la 11e à la 8e place), l’Hexagone semble jouer la carte de l’attente plutôt que celle de l’initiative.

Compétitivité : la France attire de moins en moins d'investisseurs étrangers

Compétitivité et régulation : l’Europe sous tension… productive

L’Europe serait-elle trop réglementée ? Oui, répondent 46% des répondants, notamment dans les domaines technologiques et de la transition énergétique. Pourtant, 58% des investisseurs étrangers estiment que le RGPD — le règlement européen sur la protection des données — a un effet positif sur leur activité, et 56% en disent autant de la directive CS3D sur le devoir de vigilance environnemental et social. La régulation européenne ne serait donc pas un frein, mais un balisage rassurant dans une jungle mondiale de plus en plus illisible.

L’épreuve des BRICS et l’appel des marchés sûrs

La Chine chute de la 3e à la 6e place, victime d’une croissance ralentie, d’une crise immobilière persistante et de tensions commerciales avec les États-Unis. L’Inde et le Brésil, autres piliers des BRICS, reculent également. En miroir, les États-Unis conservent leur première place, signe que le désir de sécurité prime sur l’aventure. Le message est limpide : dans un monde devenu instable, ce sont les marchés développés qui récoltent la confiance — et les capitaux.
Conclusion : l’Europe à la croisée des chemins

Les investisseurs étrangers voient dans l’Europe un havre potentiel, mais aussi un champ de bataille entre ambitions réglementaires, contraintes économiques et aspirations politiques. L’Union européenne est attendue au tournant : saura-t-elle transformer sa relative stabilité en avantage stratégique ? Parviendra-t-elle à faire de la compétitivité un levier de reconquête économique à l’échelle mondiale ? Dans un monde où l’inertie devient synonyme de déclin, la réponse ne saurait tarder.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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