Sommet de l’Aviation à Bruxelles : les droits des passagers en sursis ?

Ce jeudi 27 mars à Bruxelles, les plus grandes compagnies aériennes d’Europe se réunissent à l’occasion du Sommet de l’Aviation. Officiellement consacré à la compétitivité du secteur, l’événement organisé par l’association A4E (Airlines for Europe) dissimule un objectif beaucoup moins avoué : affaiblir les droits des passagers européens au nom des intérêts économiques des transporteurs.

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Par Imane El Bouanani Publié le 28 mars 2025 à 5h00
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Sommet de l’Aviation à Bruxelles : les droits des passagers en sursis ? - © Economie Matin
45%45% des passagers des avions en France sont des jeunes de moins de 35 ans.

De Benjamin Smith (Air France-KLM) au médiatique Michael O’Leary (Ryanair), de nombreux dirigeants de compagnies aériennes seront présents au rendez-vous de l’A4E. Fondée en 2016 à l’initiative des cinq principaux groupes d’aviation (Air France-KLM, EasyJet, IAG, Lufthansa et Ryanair), l’association ne cache pas son ambition de peser sur la révision du règlement CE 261/2004, un texte fondateur qui encadre les indemnisations en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement.

Depuis plus de 20 ans, ce texte étoffé par les recours des voyageurs auprès des tribunaux, s’est imposé comme un modèle de référence à l’échelle internationale. Mais la protection des consommateurs demeure un obstacle à la compétitivité des compagnies européennes qui œuvrent à sa révision. Un lobbying renforcé depuis que la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne a remis le dossier sur la table, à partir d’une proposition vieille de 2013. Aujourd’hui, la présence remarquée au Sommet de l’A4E d’Andrey Novakov, député européen et rapporteur du projet de révision du règlement, confirme que le sujet sera bel et bien au cœur des discussions, même s’il n’apparaît pas à l’agenda.

Ce que les compagnies veulent faire passer

  • Parmi les propositions soutenues par A4E : le relèvement du seuil d’indemnisation de 3 à 5 heures de retard… voire à 12 heures – une mesure qui priverait 85 % des passagers aujourd’hui indemnisés de toute compensation.
  • L’élargissement des circonstances dites « extraordinaires », permettant aux compagnies de se soustraire plus facilement à leurs obligations.

Le tout, dans un contexte où les retards de 3 à 5 heures représentent l’écrasante majorité des perturbations, comme le reconnaît l’A4E elle-même (1).

Une attaque injustifiable... et injuste, cette stratégie de contournement intervient alors même que le secteur aérien enregistre des bénéfices historiques : 36,6 milliards $ de profits nets mondiaux attendus en 2025.[2] Selon Flightright, ces modifications réduiraient considérablement l’accès à une indemnisation pour les passagers alors même que le coût moyen réel des indemnisations pour les compagnies n’est estimé qu’à 0,50 € par billet émis.

Moderniser sans régresser

Plutôt qu’un recul, Flightright appelle à une réforme ambitieuse, qui :

  • Revalorise les indemnisations (inchangées depuis 2004),
  • Renforce la protection contre l’insolvabilité des compagnies,
  • Intègre les bagages au règlement,
  • Et impose les mêmes règles aux compagnies non européennes opérant vers l’UE.

La révision du règlement CE 261/2004 est une occasion à saisir pour consolider un cadre protecteur reconnu à l’international. Elle ne doit pas devenir le prétexte à une régression des droits des passagers européens.

[1] Le Monde, « Aérien : vers une baisse des indemnisations des passagers », 3 mars 2025.
Disponible en ligne : https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/03/aerien-vers-une-baisse-des-indemnisations-des-passagers_6575603_3234.html

[2] Association du transport aérien international (IATA) - Communiqué de presse n°58, « Rentabilité accrue prévue en 2025 même si les problèmes de chaînes d’approvisionnement persistent ».
Disponible en ligne : https://www.iata.org/en/pressroom/2024-releases/2024-12-10-01/

Ielbouanani

responsable juridique France de Flightright.

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