Les émeutes de la première semaine de juillet 2023 et leurs conséquences sur les commerces ont engendré une mobilisation rapide du gouvernement. En plein week-end, un samedi soir, les organisations professionnelles, les assurances et les banques étaient convoquées à Bercy. S’en est suivi un élan de solidarité de tous ces acteurs, bientôt rejoints par les chambres consulaires.
Commerces : un soutien financier plutôt que des incantations !
Les enseignements de la période Covid ont été tirés : le gouvernement a de nouveau sorti des placards ses éléments de langages sur le soutien et l’accompagnement au plus près du terrain. Les assureurs et bancassureurs, cette fois-ci, ont très rapidement communiqué sur le même thème : aucun commerçant victime des émeutes ne sera laissé sur le bord de la route, les promesses sur les franchises et la rapidité d’indemnisation sont devenues des engagements au fil des communiqués de presse.
Encore faut-il bien lire la mention à laquelle renvoie l’astérisque qui sous-tend tout cet édifice : seront soutenus les commerces « les plus touchés ».
En termes de soutien, les assureurs et bancassureurs s’engagent à respecter leurs obligations contractuelles, ce qui est bien le moins. A défaut de souscription à l’option « émeutes », les bris de vitrines et vols ne sont pas couverts. En cas de couverture, selon les compagnies, le montant des franchises sera « annulé » ou « diminué » sans plus de précision dans cette dernière hypothèse. Quant à la perte d’exploitation, elle ne sera pas couverte dans 93% des cas faute de souscription à l’option. Et même dans l’hypothèse d’une souscription, les pertes d’exploitation ne font l’objet d’une prise en charge qu’à compter du 4ème jour de fermeture contrainte. Encore faut-il justifier de la contrainte. Ce qui s’entend en cas de sinistre incendie est plus difficile à démontrer en cas de vandalisme ou de vol.
Pour ce qui est de la rapidité d’exécution, les commerçants qui attendent encore l’indemnisation des dégradations subies à l’occasion des manifestations sur les retraites seront sans doute désolés d’apprendre qu’ils n’étaient pas dans le bon tempo entre visites d’expert, établissement de devis, discussions et négociations avant indemnisation.
En termes de soutien, l’État s’engage à creuser les dettes sociales et fiscales des entreprises par de nouveaux reports tout en mettant en avant « jusqu’à » leur effacement. Chaque praticien sait qu’un effacement n’intervient qu’en cas de situation irrémédiablement compromise, lorsqu’il est moins onéreux pour l’administration d’abandonner ses créances à l’amiable plutôt que dans le cadre d’une liquidation judiciaire.
Dans la circonstance particulière des soldes, les commerces étaient autorisés à ouvrir dimanche 9 juillet. La période des soldes sera par ailleurs prolongée d’une semaine. L’initiative mérite d’être saluée, uniquement pour celles et ceux encore en capacité d’ouvrir. Dans le textile notamment, un réassort en collection été est hautement improbable : les livraisons attendues pour fin juillet portent sur la collection hiver. Il est bien difficile sinon impossible de reconstituer un stock de vêtements d’été sur des collections initialement commandées à l’hiver 2022, sans oublier que la notion de « soldes » ne s’entend juridiquement que sur des produits mis en vente en magasin et payés depuis au moins 30 jours. Seules les grandes enseignes et franchises sont le cas échéant en capacité de mutualiser leurs stocks. Quant à l’ouverture dominicale, extrêmement encadrée, près de la moitié des préfectures n’a pas publié l’arrêté indispensable, si bien que chacun devait dans l’urgence s’interroger et s’organiser afin de savoir si une ouverture était possible ou non. En définitive, cette possibilité d’ouverture dominicale n’a que très peu été suivie, commerçants comme consommateurs étant placés dans l’ignorance de la conduite à tenir à si brève échéance.
On comprend bien la logique suivie par l’État, laquelle pourrait être considérée comme frappée au coin du bon sens. Cette logique est pour autant sans lien avec la réalité commerciale de terrain, à l’exception peut-être de celle des grandes surfaces.
La déconnexion et le déficit de présence de l’État sur le terrain sont tels que Bercy fait appel aux organisations professionnelles pour que ces dernières remontent de façon nominative les coordonnées des commerçants touchés… pour les renvoyer dans les territoires auprès des conseillers à la sortie de crise !
Car c’est en effet au niveau des territoires que, une fois de plus, la mobilisation est la plus concrète. Sous les intitulés « Fonds exceptionnel » ou « Fonds de solidarité », les chambres consulaires (Chambres de commerce ; Chambre des métiers) et les Régions débloquent des sommes qui viendront aider directement et dans l’urgence les commerces concernés.
Ainsi, à la communication du gouvernement, les territoires répondent par des actions pragmatiques bien plus à même d’aider les entreprises.
Encore est-il nécessaire que ces actions locales fassent elles-mêmes l’objet d’une communication efficace auprès des commerces de proximité concernés. De fait, lors d’une mission d’information dans le prolongement des dégradations subies lors du mouvement des gilets jaunes, l’Assemblée nationale relevait que les soutiens des chambres consulaires et collectivités avaient été largement sous-utilisés au motif, entre autres que « la plupart des entreprises touchées sont de petite taille (TPE et PME) et ne disposent ni des effectifs, ni des compétences leur permettant facilement de s’informer sur les dispositifs existants et de faire les démarches adéquates. ».