Sous le froid glacial de l’Antarctique, une équipe internationale de chercheurs vient d’accomplir un exploit inédit et historique pour l’étude du climat.
Climat : ces chercheurs ont battu un nouveau record en Antarctique
Des scientifiques du projet européen Beyond EPICA – Oldest Ice ont réussi à prélever une carotte de glace à 2 800 mètres de profondeur en Antarctique, sur le site de Little Dome C.
Une carotte de glace datant d'1,2 million d'années
Les chercheurs du projet Beyond EPICA - financé par l'Union européenne (11 millions d'euros) - engagés dans cette aventure depuis 2019, ont enfin atteint leur objectif début janvier 2025. Après des années de préparation et 200 jours passés dans des conditions extrêmes, ils ont réussi à extraire une carotte de glace à plus de 2 800 mètres de profondeur en Antarctique, offrant un aperçu inédit de 1,2 million d’années d’histoire climatique. Ce forage a été réalisé sur le site de Little Dome C, un camp isolé situé à 35 kilomètres de la station franco-italienne Concordia, elle-même perchée à plus de 3 000 mètres d'altitude. Les échantillons seront acheminés en Europe par navires polaires, notamment le brise-glace français L’Astrolabe.
Frédéric Parrenin, directeur de recherche au CNRS, a souligné auprès de France Info l’importance de cette carotte glacière : « Il y a d’autres archives paléoclimatiques, notamment les sédiments marins mais ce que les carottes de glace apportent en plus, c’est qu’elles ont emprisonné des petites bulles d’air qui sont des échantillons de l’atmosphère passée. Il suffit d’analyser ces bulles d’air pour reconstruire la composition de l’atmosphère passée, par exemple les teneurs en CO2. Une des hypothèses c’est que le CO2 déjà à l’époque jouait un rôle sur le climat ».
Un trésor scientifique
Comme le rappelle le CNRS dans son communiqué, le projet EPICA détenait jusqu'alors le précédent record de la carotte de glace la plus ancienne : 800 000 ans. Avec ce nouveau record, et « grâce au système d'analyse isotopique préparé pour le terrain et géré par Amaëlle Landais, chercheuse du CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, nous sommes capables de voir quasiment en temps réel pendant le forage la succession des cycles glaciaires - interglaciaires enregistrés dans la glace et ainsi confirmer la datation préliminaire. » explique Frédéric Parrenin, chercheur CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement. Les données collectées vont permettre d’étudier en détail la transition du mi-Pléistocène, une période clé où les cycles glaciaires sont passés d’un rythme de 41 000 à 100 000 ans, sans que l'on sache pourquoi. Outre les cycles glaciaires, les chercheurs vont analyser les concentrations de gaz à effet de serre piégées dans la glace, comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Enfin, « les scientifiques espèrent également pouvoir extraire des roches présentes sous la glace, dont les analyses pourraient indiquer quand le continent a été déglacé pour la dernière fois. Ce projet pharaonique prendra fin en mai 2026 », conclu le CNRS.
Mais, avant toute analyse, la prochaine étape, et non des moindres, est le transport des échantillons en Europe. Ceux-ci doivent être maintenus à très basse température pour préserver leur intégrité. Depuis la station Concordia, les échantillons sont d’abord acheminés par un convoi terrestre sur 1 200 kilomètres jusqu’à la station française Dumont d’Urville, située sur la côte antarctique. Là, ils seront embarqués à bord du brise-glace français L’Astrolabe, qui les transportera jusqu’à Hobart, en Tasmanie, où ils seront finalement transférés par avion vers les laboratoires européens.