Climat : une semaine de yacht pollue autant que 585 ans de vie normale

Le 28 octobre 2024, à la veille de la COP29 de Bakou, Oxfam Belgique a jeté un pavé dans la mare avec son rapport explosif intitulé « Les inégalités carbone tuent ». Ce document, qui expose avec une précision glaciale les pratiques destructrices des élites mondiales, révèle un déséquilibre écologique qui frôle l’absurde. En effet, les yachts de luxe et jets privés de l’élite européenne émettent, en une semaine, plus de CO2 qu’une personne parmi les 1% les plus pauvres de l’humanité tout au long de sa vie.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 28 octobre 2024 à 14h30
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impôt, ifi, riches, assiette, yacht, jet, senat - © Economie Matin
6,4%Le nombre de riches en France a augmenté de 6,4% en 2023.

Les riches consomment, les pauvres paient la facture climatique

La pollution des plus riches n’est ni plus ni moins qu’un désastre pour la planète. Prenons l'exemple d'un Européen ultra-riche : ce dernier prend, en moyenne, 140 vols par an, soit 267 heures passées dans les airs. Résultat ? Il émet autant de CO2 qu’un citoyen européen ordinaire n’en produira en 112 ans.

L’injustice ne s’arrête pas là : pendant que le milliardaire se prélasse sur son yacht pendant une semaine, il déverse dans l’atmosphère une quantité de carbone équivalente à celle qu’un Européen moyen émettra en... 585 ans.

Quand les chiffres révèlent une catastrophe

Oxfam ne s’arrête pas à ces exemples accablants. Le rapport pousse l’analyse plus loin et expose des chiffres qui donnent le vertige. Si l’humanité continuait à émettre du carbone au rythme actuel, le budget carbone mondial (c’est-à-dire la quantité de dioxyde de carbone qui peut encore être rejetée dans l’atmosphère sans entraîner une hausse des températures mondiales au-delà du seuil de 1,5 °C, rappelle Oxfam) serait épuisé en environ quatre ans. Pourtant, si tout le monde se mettait à vivre comme les 1% les plus riches, ce budget serait consommé en moins de cinq mois.

Pire encore, si nous adoptions le mode de vie des milliardaires étudiés, connus pour leur utilisation effrénée de jets privés et de super-yachts, ce budget serait englouti en... deux jours. Deux jours ! C’est le temps qu’il faudrait pour que le modèle économique des plus riches détruise toute marge de manœuvre pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C, le seuil critique fixé par l’Accord de Paris. Et détruise, de fait, le capitalisme qui leur a permis de devenir riches...

Climat : les investissements toxiques des milliardaires

Ce n’est pas tout. Le rapport d’Oxfam dévoile un autre phénomène : les investissements massifs des milliardaires dans des industries polluantes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les yachts et jets privés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les véritables criminels du climat, selon Oxfam, ce sont les investissements de ces élites dans les secteurs du pétrole, de l’exploitation minière, du transport et du ciment, entre autres.

Ces investissements, que l’on qualifie de "toxiques" sur le plan climatique, représentent environ 340 fois les émissions combinées de leurs biens de luxe. En d’autres termes, leur contribution au réchauffement climatique ne se limite pas à leur mode de vie somptueux, mais s’étend à leurs décisions économiques, qui précipitent la planète vers une catastrophe.

Par exemple, près de 40% des portefeuilles d’investissement des milliardaires analysés par Oxfam concernent des secteurs responsables de la majorité des émissions mondiales. En Europe, les investissements des 36 milliardaires les plus riches émettent autant de CO2 chaque année que 4,5 millions de citoyens européens.

Quand la crise climatique nourrit la faim dans le monde

L’injustice climatique est double : non seulement les plus pauvres polluent moins, mais ils souffrent aussi davantage des conséquences de la crise climatique. Oxfam appelle cela le "paradoxe climatique". Alors que les élites accumulent les richesses en détruisant la planète, ce sont les communautés les plus vulnérables qui paient le prix fort. Les régions les plus touchées par les pénuries alimentaires, les sécheresses, les inondations et les tempêtes sont aussi celles qui ont la plus faible empreinte carbone.

À l’échelle mondiale, 1% de la population – les plus riches – est responsable de 16% des émissions de gaz à effet de serre. Pendant ce temps, les 50% les plus pauvres n’émettent qu’un maigre 7%. Et pourtant, ce sont eux qui subissent le plus les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, exacerbés par le dérèglement climatique.

Pour bien saisir l’ampleur du désastre, voici un tableau comparatif des émissions moyennes annuelles de carbone entre les riches et les pauvres :

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Groupe de population Émissions annuelles moyennes (en tonnes de CO2) Exemples d'activités principales générant ces émissions
1 % les plus riches (super-riches) 110 à 130 Utilisation de jets privés, yachts, investissements dans des industries polluantes
50 % les plus pauvres (monde) 1 à 3 Consommation de base (nourriture, logement), peu de moyens de transport motorisés
Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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