Et si ce n’était plus un simple dérèglement, mais une rupture ? Ce qui s’est abattu sur l’Europe en 2024 n’a plus rien d’exceptionnel. L’année dernière a marqué un point de bascule : les inondations qui ont frappé le continent sont tout simplement la nouvelle réalité climatique avec laquelle il va falloir vivre.
Climat : Les inondations font désormais partie du quotidien des Européens

Le terme « inondations » n’a jamais été aussi courant dans les bilans météorologiques européens que durant l’année 2024. Le 15 avril 2025, le programme européen Copernicus, en partenariat avec l’Organisation météorologique mondiale (OMM), a publié un rapport d’une sévérité inédite, détaillant mois après mois l’ampleur des catastrophes climatiques sur le Vieux Continent.
Inondations, tempêtes et chaleur : le climat catastrophique de 2024
L’année 2024 débute sous des cieux déjà menaçants. En janvier et février, des précipitations extrêmes s’abattent sur le nord de l’Italie et la Croatie, saturant les nappes phréatiques et affaiblissant les sols. Puis, en mars, l’Allemagne de l’Ouest est frappée par une série de crues soudaines. En mai, c’est la Belgique et les Pays-Bas qui essuient des inondations éclairs, inondant plusieurs centaines de maisons.
Mais le tournant survient à l’automne. Du 28 octobre au 4 novembre, la région de Valence en Espagne est dévastée par des pluies diluviennes, provoquant la mort de 232 personnes, le bilan le plus lourd de l’année. La confirmation d’une intensification globale des événements hydrologiques : près de 30 % du réseau hydrographique européen a dépassé les seuils d’alerte d’inondation, et 12 % a franchi les seuils critiques, selon Copernicus.
En septembre, la tempête Boris balaye l’Europe centrale, noyant l’Autriche, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Les infrastructures sont emportées, des ponts cèdent, et des dizaines de milliers d’évacuations sont ordonnées. Au même moment, des vagues de chaleur extrêmes touchent l’Europe du Sud-Est, avec 43 jours caniculaires enregistrés entre juin et septembre. L’Italie, la Grèce et la Bulgarie battent des records de températures, atteignant jusqu’à 46 °C à Athènes.
Inondations en série : Copernicus sonne l’alerte pour toute l’Europe
L’observatoire Copernicus ne se contente pas de commenter. Il accuse, chiffres à l’appui. Selon son rapport annuel : « L’Europe est officiellement entrée dans une ère d’inondations », assène le programme dans son rapport publié le 15 avril 2025, relayé par Le Parisien.
L’analyse est sans appel : 85 % des pertes économiques de 2024 sont directement liées aux inondations. Le coût total des catastrophes climatiques atteint 18,2 milliards d’euros, avec 335 morts et 413 000 personnes affectées. « Le Vieux Continent se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale », alerte Samantha Burgess, directrice adjointe du service Copernicus pour le changement climatique, souligne Le Monde.
Cette accélération est en partie due à l’inclusion de l’Arctique européen dans les relevés, mais aussi à des bouleversements profonds de la circulation atmosphérique et une baisse des aérosols dans l’air, jusqu’alors protecteurs.
Dans le quart nord-ouest du continent, la situation est dramatique : 2024 est classée parmi les dix années les plus humides depuis 1950, avec un déficit d’ensoleillement record en France, notamment de 350 heures manquantes.
Inondations en 2024 : dégâts, chaos, et infrastructures à genoux
Des villes entières ont été partiellement englouties. En Suisse, les cantons de Berne et du Valais ont subi les pires crues depuis plus de dix ans. En Autriche, plusieurs localités ont été complètement isolées durant plusieurs jours, faute d’infrastructures de secours viables. Des routes, des voies ferrées, des réseaux électriques : tout a cédé. Le rapport Copernicus évoque une infrastructure « conçue pour le XXe siècle mais incapable de résister au XXIe ». « L’Europe n’est plus adaptée à son climat », tranche Florence Rabier, directrice du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF).
Le coût humain est tout aussi effrayant. Les 335 décès ne disent pas tout. Ils masquent la montée en flèche des pathologies respiratoires, la précarité énergétique, et la vulnérabilité sociale accrue de millions d’Européens.
Une année de tous les contrastes : sécheresse à l’Est, humidité à l’Ouest
Le rapport souligne une fracture climatique entre l’Est et l’Ouest du continent. Tandis que la France, l’Espagne et la Belgique croulent sous l’eau, la Pologne, l’Ukraine, la Roumanie et la Grèce ont été confrontées à des sécheresses prolongées, détruisant une partie des récoltes et forçant certaines localités à rationner l’eau.
L’anomalie thermique moyenne pour 2024 a été de +2,4 °C par rapport à la période préindustrielle. Le continent est devenu le plus chaud de la planète, avec des pointes au-delà des 40 °C sur les deux tiers de sa surface.
Même les glaciers n’ont pas été épargnés : -1,8 mètre de hauteur en moyenne pour ceux de Scandinavie, et jusqu’à -2,7 mètres pour ceux du Svalbard.
Réchauffement climatique : 2024 n’était pas une exception. C’était le futur
L’année 2024 n’a pas seulement été une succession de catastrophes. Elle a été un prélude. Copernicus et l’OMM ne la considèrent pas comme un accident, mais comme une « nouvelle norme climatique ». La prochaine décennie verra-t-elle l’Europe continuer à sombrer dans la passivité ?
Le continent avance les yeux ouverts vers la prochaine crue, la prochaine canicule, le prochain drame. « L’adaptation devient une urgence politique », rappelle Samantha Burgess.