Chronologie des médias : Disney+ bouleverse les règles, Canal+ fulmine

Disney+ obtient un avantage de taille dans la chronologie des médias, réduisant considérablement son délai de diffusion des films après leur sortie en salle. Cet accord, conclu avec les instances du cinéma français, bouleverse l’équilibre en place et menace directement le rôle historique de Canal+. Derrière cette réforme se cache un affrontement stratégique où l’argent dicte les règles. Qui sortira gagnant de cette recomposition du paysage audiovisuel français ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 31 janvier 2025 à 7h00
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Chronologie des médias : Disney+ bouleverse les règles, Canal+ fulmine - © Economie Matin
5,99 EUROSL'abonnement le moins cher à Disney+ coûte 5,99 euros par mois.

Un accord signé le 29 janvier 2025 entre Disney+ et les organisations du cinéma français redéfinit les règles du jeu en matière de chronologie des médias. Jusqu’à présent, la plateforme devait patienter 17 mois après la sortie en salle avant de proposer un film à ses abonnés. Ce délai est désormais réduit à 9 mois, un privilège qui place le géant du streaming dans une position concurrentielle avantageuse par rapport à ses rivaux, notamment Netflix et Canal+. En contrepartie, Disney s’engage à accroître son investissement dans le cinéma français. Canal+, qui finance depuis des décennies une part importante du septième art hexagonal, juge cette évolution inéquitable et menace de revoir ses engagements financiers. Cette refonte de la chronologie des médias rebat-elle définitivement les cartes du financement du cinéma français ?

Une chronologie des médias sous tension après l’accord avec Disney+

La chronologie des médias est un mécanisme typiquement français conçu pour protéger l’industrie du cinéma en imposant un échelonnement des diffusions. L’objectif est d’assurer une période d’exclusivité aux salles obscures avant qu’un film ne soit exploité sur d’autres supports. Ce dispositif garantit également le financement du secteur, puisque les diffuseurs doivent investir dans la production cinématographique en échange d’une fenêtre de diffusion anticipée. Jusqu’alors, Canal+ bénéficiait du statut le plus privilégié, avec un accès aux films 6 mois après leur sortie, en échange d’un investissement annuel de 220 millions d’euros. Derrière, Netflix devait patienter 15 mois, tandis que Disney+ et Prime Video étaient relégués à 17 mois.

Le nouvel accord signé par Disney+ réduit ce délai à 9 mois, une avancée significative qui place la plateforme juste derrière Canal+, tout en devançant Netflix, Prime Video et Apple TV+. Pour obtenir ce traitement préférentiel, Disney s’engage à consacrer 25 % de son chiffre d’affaires net en France au financement de la production audiovisuelle et cinématographique. Concrètement, cela représente un minimum de 70 films financés sur trois ans.

Plateforme Ancien Délai (mois) Nouveau Délai (mois)
Canal+ 6 6
Disney+ 17 9
Netflix 15 15
Prime Video 17 17
Chaînes TV gratuites 22 22

Diffusion de films : Disney avance ses pions, Canal+ contre-attaque

Cette nouvelle donne satisfait évidemment Disney+, qui renforce ainsi sa position sur le marché du streaming. Avec cette évolution, le service pourra proposer ses blockbusters bien plus tôt qu’auparavant, rendant son offre plus attractive. À titre d’exemple, Deadpool & Wolverine, qui sortira en salle en juillet 2024, sera accessible sur Disney+ dès le 25 avril 2025, au lieu de décembre comme l’exigeait la précédente réglementation.

En revanche, cette refonte provoque la colère de Canal+, qui estime que Disney bénéficie d’un traitement de faveur au regard de ses engagements financiers bien inférieurs. La chaîne cryptée rappelle qu’elle investit 220 millions d’euros par an, alors que Disney+ ne propose que 38 millions d’euros annuels sur la même période. Cette disproportion fragilise l’équilibre du système selon Maxime Saada, président du directoire de Canal+, qui n’exclut pas de réduire drastiquement la participation de son groupe dans le financement du cinéma français. Si Canal+ diminue ses engagements, c’est toute une partie de la production cinématographique qui pourrait en pâtir.

Chronologie des médias en France : Netflix, le grand perdant ?

Si Canal+ exprime son mécontentement, un autre acteur ressort particulièrement lésé par cette évolution : Netflix. Depuis 2022, la plateforme tente de négocier une réduction de son délai de diffusion de 15 à 12 mois pour mieux rivaliser avec ses concurrents. Or, avec cet accord, Disney+ le double dans la hiérarchie, malgré un investissement moindre. En 2025, Netflix consacre 50 millions d’euros par an au cinéma français, un montant supérieur aux 38 millions d’euros investis par Disney+, tout en étant soumis à une restriction plus importante. Cette distorsion de concurrence pourrait inciter la plateforme américaine à exiger une révision immédiate des règles du jeu.

Accord de diffusion de Disney+ : Quel impact pour les spectateurs ?

Pour le grand public, cet accord représente une avancée majeure, avec une disponibilité plus rapide des films sur Disney+. La frustration liée aux délais d’attente souvent jugés excessifs par les abonnés diminue, rendant l’offre de streaming plus attractive. Toutefois, cette accélération du calendrier pourrait entraîner un effet pervers. Si Canal+ réduit son investissement, cela signifierait moins de financements pour la production française, risquant ainsi une baisse du nombre de films produits chaque année.

L’impact sur les tarifs des plateformes est également une question à surveiller. Dans le cadre de cette réforme, Disney+ a temporairement cassé ses prix en prolongeant son offre d’abonnement avec publicité à 1,99 euro par mois jusqu’au 3 février 2025, une politique agressive visant à attirer un maximum d’abonnés. Mais cette stratégie promotionnelle ne durera pas éternellement, et il n’est pas exclu que les prix augmentent une fois la nouvelle chronologie pleinement mise en place.

Une réforme de la chronologie des médias aux conséquences imprévisibles

La signature de cet accord entre Disney+ et le cinéma français marque un tournant dans le paysage audiovisuel. Si Disney+ en sort renforcé, Canal+ et Netflix doivent désormais réagir pour préserver leur place. L’avenir dira si cette refonte de la chronologie des médias constitue une avancée durable ou si elle précipitera une nouvelle redistribution des cartes dans un secteur en constante mutation. Une seule certitude demeure : cette réforme est loin d’être la dernière.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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