Chômage : 1 offre d’emploi sur 2 est illégale sur France Travail !

Le 30 août 2024, la CGT Chômeurs Précaires a tiré la sonnette d’alarme avec la publication d’une étude accablante pour France Travail, qui a remplacé Pôle Emploi : plus de 55 % des annonces d’emploi publiées sur le site sont jugées illégales ou frauduleuses. Cette révélation intervient alors que les services publics de l’emploi en France traversent une période de turbulences sans précédent, marquée par une privatisation galopante des missions de placement et d’accompagnement des chômeurs.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 2 septembre 2024 à 9h26
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0,8%Le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 0,8% sur un an au deuxième trimestre 2024.

Chômage : des offres illégales sur France Travail ?

L'étude réalisée par le Comité National des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires (CNTPEP) de la CGT est basée sur l'analyse minutieuse de 1844 offres d'emploi dans les secteurs de l'industrie, de la santé, et des services à la personne. Cette analyse, menée dans 11 villes dont Brest, Toulouse, Rennes, Caen, Bordeaux et Lille, a révélé que 55 % des offres, soit 1022 annonces, sont illégales au regard du Code du travail.

Les irrégularités détectées concernent principalement des annonces trompeuses, des offres déjà pourvues ou des propositions totalement fictives. Par exemple, plusieurs annonces promettaient des CDI après un CDD, ce qui est illégal si cela ne correspond pas au contrat final signé. D'autres annonces, provenant principalement d'agences d'intérim, offraient des contrats de longue durée, alors qu'en réalité, les postes n'étaient disponibles que pour quelques jours.

La privatisation du Service Public de l'emploi : un marché de 1,648 milliard d'euros

Depuis 2019, les réformes successives du marché du travail ont favorisé la délégation de missions centrales à des entreprises privées. Entre 2019 et 2023, selon la CGT, le montant total des marchés publics attribués à ces entreprises atteint 1,648 milliard d'euros. « Non seulement le patronat continue de licencier massivement mais le gouvernement, via son service public de l’emploi, fait de la privation d’emploi un marché juteux de près de 2 milliards d’euros sur cinq ans ! », dénonce la CGT dans son étude.

Parmi les principaux bénéficiaires, on retrouve des groupes comme Aksis, Mooveus, et Actual Group, spécialisés dans l'intérim et l'insertion professionnelle. Ces entreprises, qualifiées de "vautours de l'emploi" par la CGT, ont su profiter des réformes pour engranger des profits massifs, souvent au détriment des chômeurs.

Les prestations proposées par ces entreprises, telles que "Activ'Projet" et "Parcours Emploi Santé", sont particulièrement critiquées. Ces programmes, censés aider les demandeurs d'emploi à se réinsérer sur le marché du travail, sont souvent jugés inefficaces et stigmatisants. Selon la CGT, ces programmes sont une manière détournée de forcer les chômeurs à accepter des emplois précaires, sous couvert d'accompagnement.

France Travail : un site d'annonces en pleine perte de crédibilité

Le site France Travail, plateforme centralisant les offres d'emploi en France, se trouve aujourd'hui au cœur de la polémique. L'étude de la CGT révèle que 80 % des annonces sur le site proviennent de partenaires privés comme Hellowork ou Jobijoba. Ces plateformes, en partenariat avec France Travail, sont responsables de la majorité des annonces frauduleuses.

Un exemple de ce dysfonctionnement est une annonce pour un poste de professeur d'anglais à Rennes, qui mentionnait des responsabilités administratives et de nettoyage. Une fois contacté, l'employeur a confirmé qu'il s'agissait d'une erreur, mais l'annonce est restée en ligne pendant plusieurs semaines, trompant ainsi de nombreux candidats. «  Ce sont ces offre-là qui sont majoritairement inexistantes car déjà pourvues, revenant à de multiples reprises – jusqu’à 9 fois pour certaines mais sous des références différentes -, ou absurde comme cette annonce recherchant un professeur pour faire du ménage… »

En réponse à ces dysfonctionnements, la CGT a recueilli de nombreux témoignages de chômeurs ayant postulé à des dizaines d'offres sans recevoir de réponse, ou découvrant que les offres étaient fictives. Ces pratiques ont un impact dévastateur sur le moral des demandeurs d'emploi, générant frustration, désespoir et une perte de confiance en les institutions.

Fausses annonces sur France Travail : les conséquences pour les demandeurs d'emploi

Le rapport souligne l'impact psychologique profond de ces pratiques sur les chômeurs. Les témoignages collectés révèlent une détérioration de la santé mentale des demandeurs d'emploi, marquée par une augmentation des cas de dépression et de tentatives de suicide.

Selon les données de la CGT, 30 % des chômeurs interrogés ont déclaré avoir ressenti une détresse psychologique liée à leurs difficultés à trouver un emploi correspondant à leurs compétences et attentes. Le sentiment de trahison et d'inutilité est accentué par la multiplication des annonces trompeuses, qui alimentent une spirale de désespoir.

L'étude de la CGT Chômeurs Précaires critique également la manière dont les chiffres officiels du chômage sont calculés. En intégrant les offres d'emploi bidons dans leurs statistiques, les autorités publiques masquent l'ampleur réelle du chômage en France. La CGT dénonce cette manipulation des chiffres, qui crée une illusion d'efficacité des politiques publiques de l'emploi, alors qu'en réalité, la situation sur le terrain est bien plus préoccupante.

Chômage : une étude indépendante pour remettre de l’ordre ?

Face à cette situation, la CGT demande une réforme profonde du service public de l'emploi. Ils appellent à la fin de la privatisation des missions de placement et à un renforcement des moyens alloués aux services publics. La CGT exige également une étude indépendante, menée par la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), pour évaluer l'étendue réelle des annonces frauduleuses sur France Travail.

La CGT ne compte pas se contenter de cette étude. Le syndicat prévoit de porter l'affaire devant les tribunaux et de mobiliser les travailleurs autour de cette cause. Ils appellent également à une action concertée avec d'autres syndicats pour lutter contre la privatisation des services publics de l'emploi et protéger les droits des chômeurs.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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