Chômage : hausse trompeuse ou réalité masquée ?

L’augmentation du taux de chômage en ce début 2025 est-elle le signe d’une détérioration du marché du travail ou le simple effet d’une réforme administrative ?

Ade Costume Droit
Par Adélaïde Motte Publié le 26 mars 2025 à 15h00
Chômage
Chômage : hausse trompeuse ou réalité masquée ? - © Economie Matin

Le 26 mars 2025, les chiffres officiels du ministère du Travail et de la DARES révèlent une hausse de 2 % du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A au mois de février, portant leur total à 3,45 millions. Au premier regard, cette évolution pourrait être interprétée comme un nouveau coup dur pour l'économie française. Pourtant, à y regarder de plus près, cette montée du chômage n’est pas tant liée à une destruction massive d’emplois qu’à des ajustements administratifs qui faisaient jusqu’alors passer sous les radars des milliers d’inactifs.

Un bond statistique… sans véritable détérioration du marché du travail

Depuis janvier 2025, l’application de la loi pour le plein emploi a profondément modifié les critères d’inscription à France Travail (ex-Pôle emploi). En conséquence, des milliers de nouveaux bénéficiaires du RSA et d’autres publics jusque-là écartés des radars statistiques ont fait leur entrée dans la catégorie des demandeurs d’emploi.

Selon la DARES, l’augmentation observée découle principalement de trois facteurs :

  1. L’inscription automatique des bénéficiaires du RSA : auparavant, ces derniers n’étaient pas systématiquement enregistrés comme demandeurs d’emploi.

  2. L’évolution des règles d’actualisation : désormais, les nouveaux inscrits à France Travail restent en catégorie A tant qu’ils n’ont pas signé de "contrat d’engagement". Cela ralentit les sorties des listes et gonfle mécaniquement les chiffres.

  3. Une moindre radiation pour défaut d’actualisation : les bénéficiaires du RSA et d’autres publics précaires ne sont plus contraints de s’actualiser chaque mois, ce qui limite les "sorties" des listes.

En clair, cette hausse ne reflète pas nécessairement une augmentation du chômage réel, mais plutôt une mise en conformité statistique. Sans ces modifications, la catégorie A serait restée stable (-0,1 % en février).

Un marché de l’emploi qui ralentit néanmoins

Même si les chiffres sont biaisés par ces ajustements techniques, cela ne signifie pas que l’emploi en France se porte bien. L'INSEE prévoit une hausse du taux de chômage à 7,6 % à mi-2025, tandis que la Banque de France table sur 7,8 %. Plusieurs signaux négatifs viennent confirmer cette tendance :

  • Une croissance en berne : le PIB ne devrait progresser que de 0,2 % par trimestre en début d’année, selon l’INSEE.

  • Une baisse des créations d’emplois, notamment dans le secteur privé, avec la suppression de postes d’apprentis et une diminution du volume des embauches.

  • Un ralentissement général des recrutements, dans un contexte où les entreprises anticipent une conjoncture économique morose.

En somme, si les chiffres du chômage explosent artificiellement aujourd’hui, les perspectives pour l’emploi restent inquiétantes pour les mois à venir.

Le voile se lève sur une réalité longtemps occultée

L'impact des réformes administratives met en lumière une réalité que beaucoup préféraient ignorer : pendant des années, des dizaines de milliers de personnes étaient invisibilisées dans les statistiques officielles.

Avant 2025, de nombreux bénéficiaires du RSA, des jeunes en insertion ou encore des personnes en situation de handicap n'étaient pas comptabilisés dans les taux de chômage, bien qu’ils soient en réalité sans emploi. Ce tour de passe-passe statistique permettait aux gouvernements successifs de présenter des chiffres du chômage artificiellement maîtrisés.

La réforme de 2025 a mis un terme à cette opacité, et le constat est brutal :

  • 72 000 personnes supplémentaires ont été enregistrées en catégorie A en janvier.

  • 37 000 nouveaux inscrits ont rejoint les listes en février.

  • En prenant en compte toutes les catégories (A, B, C), le total atteint 5,77 millions de demandeurs d’emploi.

La situation est d’autant plus alarmante que ces nouveaux inscrits sont souvent les plus éloignés du marché du travail, avec peu de perspectives d’emploi immédiates.

Un système d’aides longtemps permissif

Derrière cette mise en conformité des chiffres, une autre réalité se dessine : pendant des années, des milliers de personnes ont pu bénéficier du système d’allocations sans réelle contrepartie en matière de recherche d’emploi.

Deux profils se dégagent :

  1. Les "oubliés" du marché du travail : ceux qui, faute d’accompagnement ou de moyens, se sont enfoncés dans une précarité sans issue.

  2. Les "profiteurs" du système : ceux qui ont bénéficié d’allocations sans réelle volonté de réintégrer le marché du travail.

La nouvelle réforme vise à remettre ces personnes dans un cadre actif, en conditionnant le RSA à 15 heures d’activité hebdomadaire et en instaurant un suivi renforcé. Mais cette approche risque d’entrer en collision avec une conjoncture économique qui ne permet déjà pas d’absorber tous les demandeurs d’emploi existants.

Une hausse du chômage qui préfigure une crise plus profonde

Le ralentissement de la croissance, les coupes budgétaires et la fin des aides exceptionnelles post-Covid laissent présager une augmentation réelle du chômage d’ici fin 2025. Selon Les Échos, le secteur privé pourrait commencer à détruire des emplois dès mi-2025, notamment chez les jeunes et les apprentis.

La hausse des chiffres du chômage en 2025 est avant tout un ajustement statistique, qui met fin à une forme d’hypocrisie sur la réalité du marché du travail. Mais derrière cette explosion des inscrits se cache un problème bien plus grave : le marché de l’emploi ralentit, et les perspectives restent sombres.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

Aucun commentaire à «Chômage : hausse trompeuse ou réalité masquée ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis