Chine : Un rebond net, mais inégal, qui n’alimente pas l’inflation mondiale

L’objectif de croissance sera bientôt atteint grâce à la forte reprise, mais la faiblesse de l’inflation freine la croissance nominale.

Anindamitra
Par Aninda Mitra Publié le 8 mai 2023 à 10h20
Chine Relations Internationales Tensions
Chine : Un rebond net, mais inégal, qui n’alimente pas l’inflation mondiale - © Economie Matin
5%La Chine espère atteindre une croissance de 5% en 2023.

La croissance économique chinoise a dépassé les attentes au premier trimestre 2023, après la fin soudaine des restrictions liées à la politique « zéro Covid » à la fin de l’année 2022. Le PIB du premier trimestre a connu une hausse de 4,5% en glissement annuel, ou 2,2% (corrigé des variations saisonnières) par rapport au dernier trimestre 2022, soit une progression supérieure à 8% sur une base annualisée. À titre de comparaison, le consensus du marché (selon l'enquête Bloomberg) anticipait une croissance de 4% en glissement annuel au premier trimestre, de 2% (corrigée des valeurs saisonnières) en rythme trimestriel et de 5,3% pour l'ensemble de l'année. Les autorités chinoises ont fixé un objectif de croissance de 5% pour l'année, tandis que nos propres prévisions continuent de tabler sur une hausse de 5,5%.

Cette croissance inattendue découle de la solidité du secteur des services, tandis que l'investissement a ralenti et que l'activité industrielle s'est essoufflée. Les services ont progressé de 5,4% en glissement annuel au premier trimestre, une dynamique qui s'est intensifiée en mars si l'on en croit les chiffres étonnamment élevés des ventes au détail (+10,6% sur un an alors que les attentes tablaient sur 7,5%). Dans le même temps, les investissements et la production industrielle n'ont augmenté que de 5% et 3% respectivement, soit un niveau inférieur aux prévisions.

La demande intérieure a probablement été plus faible que le taux de croissance globalEn l'absence de comptes nationaux trimestriels basés sur les dépenses, nous supposons que la demande extérieure a pu apporter une contribution d’environ 1 à 1,5 point de pourcentage à la croissance annuelle. Les échanges nets ont en effet surpris à la hausse tout au long du premier trimestre. Les exportations mensuelles, par exemple, ont été nettement plus importantes que prévu en mars, les expéditions ayant augmenté de 15% en glissement annuel, alors que le marché anticipait une baisse de 7%. Sur le même mois, l'excédent commercial s'est envolé pour atteindre 88 milliards de dollars, tandis que les prévisions tablaient sur 40 milliards de dollars seulement.

La croissance nominale totale a été atone, à environ 5,4%. Les prix ont baissé plus que prévu dans l'ensemble de l'économie, l'inflation des prix à la consommation ayant ralenti pour atteindre seulement 0,7% en glissement annuel en mars, contre 2% en janvier. De plus, les prix à la production se sont enfoncés davantage en territoire déflationniste, passant de -1% au début de l'année à -2,5% en mars.

Le taux de croissance trimestrielle requis pour atteindre l'objectif de croissance annuelle de 5% est à portée de main. L'économie chinoise doit progresser d'environ 1% par trimestre jusqu'à la fin de l'année pour atteindre une croissance de 5%. Cet objectif est tout à fait réalisable, à moins d'un ralentissement significatif de la demande extérieure ou de nouveaux revers dans le secteur du logement.

Un coup de pouce budgétaire visant à soutenir l'emploi et les revenus demeure important pour amortir la croissance et écarter le risque de déflation ; jusqu'à présent, la réouverture de la Chine a été de nature désinflationniste.

Un effort politique pour soutenir l'emploi pourrait encore s'avérer nécessaire en cas de nette baisse de la demande extérieure, comme nous le craignons. Le rebond fortuit des exportations nettes au premier trimestre a donné un coup de pouce inattendu. Toutefois, en cas d'inversion de la tendance – un risque non négligeable – toute nouvelle perte d'emplois dans l’industrie manufacturière pourrait compromettre l'objectif de croissance.

Les transferts budgétaires visant à soutenir les revenus conservent toute leur utilité. Nous pensons que des salaires plus élevés ou des sources de revenus supplémentaires pour les ménages à faibles revenus et les petites entreprises fourniront le soutien nécessaire afin de réduire l'épargne excédentaire (environ 3% du PIB selon nos estimations) accumulée pendant les confinements en Chine, et donneront un élan durable à la consommation et aux prix à moyen terme.

Faute de soutien politique ou réglementaire, l'intensification de la tendance désinflationniste (déflation, si l'on se concentre sur les prix en amont) pourrait éroder les bénéfices des entreprises. La baisse surprenante de l'inflation est le reflet des excédents de stocks et des surcapacités qui sont en train d'être résorbés. Des reportages récents de CNBC ont par exemple mis en lumière la guerre des prix qui fait rage dans le secteur de l'automobile afin de liquider les stocks excédentaires, ce qui a donné lieu à des remises importantes.

Jusqu’à présent la réouverture de la Chine n’a pas été inflationniste pour l'économie mondiale. La réouverture a permis un allègement des pressions sur la chaîne d'approvisionnement mondiale. La baisse des prix à la production en Chine a également coïncidé avec une chute des coûts des importations américaines et la désinflation en cours des prix des biens. La hausse des prix des services aux États-Unis est un tout autre problème, que l'on ne peut en revanche pas imputer à la Chine.

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Anindamitra

responsable de la stratégie macro et d'investissement pour l'Asie chez BNY Mellon Investment Management

1 commentaire on «Chine : Un rebond net, mais inégal, qui n’alimente pas l’inflation mondiale»

  • Oublions la Chine et les chinois. Concentrons-nous sur la France et les français. Il y a fortement et beaucoup à faire de ce côté là !

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