Réaction de Jules Nyssen Président du Syndicat des Énergies renouvelables, à l’article paru dans Le Point jeudi 29 juin 2023.
Chauffage au bois et qualité de l’air : stop aux fake news !
La contribution du chauffage au bois à la pollution de l’air est un sujet récurrent. Il déchaîne les passions et génère des positions tranchées, binaires entre lesquelles on nous enjoint de choisir un camp, celui des « pour » ou celui des « contre », sans aucune nuance ni argument étayé !
Afin d’y voir clair, et pour que chacun puisse se faire son opinion, je tiens ici à rappeler quelques éléments factuels.
1/ Le chauffage au bois émet-il des polluants ?
La combustion parfaite du bois n’existe pas. La chimie est exigeante. Un excès ou un déficit d’oxygène aura, par exemple, des conséquences sur la production de particules fines.
Mais la majorité des émissions de polluants est le fait, soit d’équipements mal régulés comme les foyers ouverts ou les appareils les plus anciens, soit d’un bois insuffisamment séché.
2/ Le chauffage au bois contribue-t-il à la dégradation de la qualité de l’air ?
L’association indépendante CITEPA (www.citepa.org), qui évalue l’impact des activités humaines sur le climat et la pollution atmosphérique, rappelle que « les émissions nationales de particules continuent de diminuer, de façon significative, et ce depuis plusieurs années » et ajoute que « les émissions nationales liées au chauffage au bois diminuent également » alors même que le parc est en croissance continue. Toujours selon le CITEPA, le parc d’appareils de chauffage au bois émet 2,5 fois moins de particules, en masse, en 2021 qu’il n’en émettait en 1990.
Le renouvellement progressif des appareils anciens et des foyers ouverts par des technologies toujours plus modernes permet donc bien de réduire les émissions alors que le nombre de ménages équipés augmente de façon continue.
3/ Le chauffage au bois avec des appareils performants ne produit-il pas néanmoins des particules plus fines mais plus dangereuses ?
Autrement dit, la réduction de la « masse » totale des particules émises n’est-elle pas un leurre ? La question est légitime. Le très sérieux journal scientifique Journal of cleaner production a publié fin 2021 un article intitulé «Toward a cleaner domestic wood heating by the optimization of firewood stoves? »1 qui constate que les émissions de particules baissent spectaculairement entre un appareil de génération 2000 et un appareil de génération 2012, y compris les particules les plus fines. Dans les émissions, ces dernières sont plus importantes en proportion, mais la réduction du nombre de particules est tellement élevée que la baisse de l’émission des particules fines est spectaculaire.
Les appareils de dernière génération émettent donc moins de particules en masse et en nombre, et ne présentent donc aucun danger nouveau !
A l’aune de ces quelques éléments factuels aisément vérifiables, il nous semble donc que la filière du chauffage au bois qui est sur une voie d’amélioration permanente, fournit un accès sûr et durable à la chaleur domestique qui justifie pleinement le soutien actif que lui accorde l’État.
Les efforts d’investissements engagés par la filière ont permis de produire de meilleurs équipements dont la performance est garantie par les critères et les contrôles du label Flamme Verte. Associés à la généralisation des procédés de séchage qui optimisent la qualité des combustibles ainsi qu’à des installations dimensionnées et entretenues par des professionnels qualifiés, ils ont permis au parc d’appareils de chauffage au bois de réduire drastiquement les émissions de particules en 20 ans tout en chauffant plus de logements avec une consommation de bois constante.
La pression sur la ressource forestière n’est donc pas une question car la dynamique de progrès en cours permet de poursuivre le développement de l’équipement des ménages sans augmenter les prélèvements. Enfin, notons bien que la production de bûches et de granulés est soit un sous-produit de la production du bois d’œuvre (utilisé pour la construction ou l’ameublement) soit alimentée par d’autres sources, comme le bois issu de l’entretien des haies, les bois des espaces verts, ou les bois en fin de vie.
Enfin, il est important de rappeler que le chauffage individuel au bois, lorsqu’il se substitue au fioul ou au gaz, contribue non seulement à la réduction de nos émissions de CO2, mais qu’il permet à la France de réduire sa dépendance aux énergies fossiles importées et qu’il génère plus de 50 000 emplois non délocalisables. Il est important de rappeler que le chauffage au bois en complément de chauffages électriques (radiateurs ou pompes à chaleur) concourt à soulager la pointe de puissance appelée l’hiver et sécurise, en conséquence, notre système électrique sous tension. Et il est important de rappeler enfin que le chauffage au bois renvoie à des traditions bien ancrées dans nos territoires, et qu’il constitue une source d’énergie accessible en termes de pouvoir d’achat notamment lors des crises énergétiques qui risquent, malheureusement, de se répéter.
Pour toutes ces raisons, cessons d’opposer les énergies sans trouver de vertu à aucune d’entre elles. Prenons conscience que nos futurs énergétiques se dessineront sur la base de la combinaison de multiples solutions que les efforts d’innovation ne cessent de développer. Et cessons donc de stigmatiser une filière bois-énergie dynamique et innovante qui demeure à ce jour, bien peu de gens le savent, la première source d’énergie renouvelable du pays !
1https://www.sciencedirect.