Plusieurs pays pourraient prochainement franchir une étape inédite dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus. Une annonce qui, à bien des égards, pourrait transformer les politiques de santé publique à travers le monde.
Ces pays sont sur le point d’éradiquer le cancer du col de l’utérus

Le 15 avril 2025, plusieurs médias européens ont relayé une information majeure : le cancer du col de l’utérus pourrait être éliminé dans certains pays d’ici quelques années, voire d’ici 2027 pour les plus avancés. En première ligne, le Danemark et la Suède, deux États qui ont misé sur des stratégies combinant vaccination de masse contre le papillomavirus humain (HPV) et dépistage systématique.
Le cancer en ligne de mire : au Danemark, une disparition programmée d’ici 2040
Le cancer du col de l’utérus, quatrième cancer le plus courant chez les femmes à l’échelle mondiale, pourrait disparaître du paysage sanitaire danois à l’horizon 2040. C’est la prédiction rendue publique par la Ligue danoise de lutte contre le cancer. L’organisme affirme : « Même avant 2040, si peu de femmes pourraient être touchées par la maladie qu’elle pourrait être considérée comme éliminée ».
Cette perspective repose sur deux piliers : la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) et le dépistage organisé. Dès 2008/2009, les jeunes filles danoises ont été incluses dans le programme vaccinal, suivi des garçons en 2019. Aujourd’hui, 89 % des enfants de 12 ans ont reçu au moins une dose, frôlant l’objectif de 90 % fixé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Côté dépistage, environ 60 % des femmes répondent à l’invitation des autorités sanitaires. Ce taux, bien qu’encourageant, reste en dessous de l’objectif fixé à 70 %. Toutefois, les résultats sont tangibles : le taux de récurrence du cancer du col au Danemark est désormais inférieur à 10 pour 100 000 femmes, seuil déjà très bas. L’OMS considère qu’un cancer peut être éliminé comme problème de santé publique lorsque cette incidence tombe sous les 4 pour 100 000.
Suède, même combat : une victoire annoncée dès 2027 ?
La Suède suit une trajectoire similaire avec des ambitions plus rapides encore. Les Centres régionaux de cancérologie (RCC) ont fixé un objectif d’éradication pour 2027. Là aussi, la vaccination gratuite et précoce, couplée à un dépistage régulier, joue un rôle central.
Le modèle suédois serait en passe d’atteindre les critères de l’OMS. Les efforts de sensibilisation, notamment auprès des plus jeunes, et la rigueur des politiques de santé publique expliquent en grande partie cette avancée. Les autorités suédoises entendent démontrer qu’avec une couverture vaccinale massive, l’éradication du cancer du col de l’utérus n’est pas une hypothèse, mais une réalité accessible.
Le cancer du col de l’utérus en France : un retard coupable
Pendant ce temps, la France peine à suivre. Chaque année, 3 000 femmes y développent ce cancer, entraînant 1 000 décès. Malgré l’urgence, la stratégie nationale de vaccination demeure poussive. Le vaccin est pourtant recommandé dès 11 ans, mais les taux de couverture stagnent depuis plus d’une décennie.
Entre juin 2023 et juin 2024, les taux de vaccination ont certes progressé (+22 points chez les garçons, +24 points chez les filles), mais ils restent très inférieurs aux objectifs. La première campagne de vaccination scolaire en 2023 n’a couvert que 10 % des collégiens de 5e. Une seconde campagne a été lancée en septembre 2024, avec l’ambition de vacciner 30 % des élèves. Loin, très loin des niveaux scandinaves.
Le dépistage n’est pas plus glorieux : de nombreuses femmes ignorent encore à quel rythme il doit être effectué ou renoncent faute de prise en charge adaptée. Et pourtant, le dépistage reste une arme redoutable dans la prévention des cancers invasifs, comme le rappelle Santé publique France.
Une éradication mondiale possible, mais à quelles conditions ?
L’OMS fixe une feuille de route mondiale claire pour éliminer le cancer du col de l’utérus. Elle repose sur la règle du 90-70-90 : 90 % des filles vaccinées contre le HPV avant 15 ans, 70 % des femmes dépistées à 35 et 45 ans, 90 % des femmes atteintes traitées.
Cette stratégie globale, adoptée dès 2020, a pour objectif d’amener tous les pays vers une incidence inférieure à 4 cas pour 100 000 femmes. Mais dans les faits, les écarts sont criants. En 2022, près de 350 000 femmes sont mortes de ce cancer dans le monde, et 94 % de ces décès ont eu lieu dans des pays à faible ou moyen revenu.
En dépit des progrès scientifiques, le cancer du col de l’utérus reste donc un marqueur cruel des inégalités mondiales d’accès aux soins. Et si les pays riches ne parviennent pas à atteindre les seuils fixés, comment espérer une mobilisation cohérente à l’échelle planétaire ?