Prix des transports en commun : cet effet néfaste et inattendu de la censure

Début décembre 2024, une décision politique historique a secoué les fondements du pouvoir d’achat des salariés en France. En cause : l’échec de l’adoption du budget 2025 qui découle directement de la censure ayant été adoptée et fait tomber le gouvernement. Outre la crise politique, ce vote risque de faire fortement augmenter les dépenses des ménages.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 11 décembre 2024 à 5h59
Prix des transports en commun : cet effet néfaste et inattendu de la censure
Prix des transports en commun : cet effet néfaste et inattendu de la censure - © Economie Matin
0,4%Le salaire moyen par tête (SMPT) a augmenté de 0,4 % au deuxième trimestre 2024

La censure entraîne la fin du dispositif de remboursement des frais de transport amélioré, un acquis précieux pour de nombreux salariés depuis son instauration en 2022. Un coup dur pour les salariés : les dépenses nécessaires pour se rendre au travail vont augmenter, et leur budget mensuel baisser.

Transports en commun : le remboursement amélioré en 2022

En 2022, alors que la France subissait de plein fouet une inflation record, le gouvernement avait instauré cette mesure exceptionnelle pour soulager les ménages. Le remboursement des abonnements de transport à 75 % représentait une véritable avancée sociale, offrant une aide directe aux salariés. Objectif : redonner du pouvoir d’achat à une population étranglée par la hausse des prix. Les entreprises bénéficiaient de leur côté d’une exonération de cotisations sociales, les incitant à adopter cette prise en charge élargie.

Ce système avait également une portée symbolique, en rétablissant une certaine équité entre secteur privé et public. Les fonctionnaires, en effet, bénéficiaient déjà d’un remboursement à 75 %, ce qui avait poussé le législateur à élargir cette mesure pour éviter des disparités injustifiées entre travailleurs.

Budget rejeté, censure adoptée… la mesure annulée ?

Le projet de loi de finances pour 2025 devait prolonger cette mesure de remboursement à 75 %, mais il a été brutalement interrompu par la censure, conséquence d’un conflit politique majeur entre le Parlement et le gouvernement Barnier. Le gouvernement, fragilisé par l’utilisation répétée de l’article 49.3, a vu son projet rejeté, laissant le pays dans une situation budgétaire instable. Ce rejet a un effet immédiat : toutes les mesures non pérennes, y compris le remboursement à 75 %, ne peuvent être reconduites.

La disparition de cette mesure provoque une onde de choc. Pour les salariés, ça signifie un retour au seuil obligatoire de 50 % de remboursement dès le début de l’année 2025. Concrètement, les entreprises ne seront plus fiscalement encouragées à dépasser ce minimum, rendant le remboursement de 75 % économiquement moins viable pour elles. Et elles seront donc nombreuses à probablement revenir en arrière malgré les pertes pour leurs salariés.

Les salariés vont voir le prix de leurs transports exploser

Pour les salariés, l’impact est direct et douloureux. À Paris, par exemple, un abonné au Pass Navigo devra désormais payer 37,50 euros par mois de sa poche, contre seulement 18,75 euros auparavant. Soit pratiquement 240 euros de plus par an, soit une hausse des dépenses loin d’être négligeable et sans effets pour les ménages, particulièrement pour ceux qui dépendent quotidiennement des transports en commun.

De plus, cette suppression remet à l’ordre du jour la fracture entre les secteurs public et privé. Alors que les fonctionnaires continueront de bénéficier du remboursement à 75 %, les salariés du privé devront se contenter de la prise en charge minimale de 50 %. Cette inégalité flagrante ne manquera pas de nourrir des tensions sociales et de raviver le débat sur les privilèges des uns par rapport aux autres.

Remboursement des transports en commun : que feront les entreprises ?

Du côté des entreprises, la fin de l’exonération de cotisations sociales sur la part remboursée au-delà de 50 % change complètement la donne. Ce dispositif fiscal était un levier essentiel pour encourager les employeurs à offrir cet avantage à leurs salariés. Sans cette incitation, les entreprises devront arbitrer entre leurs contraintes budgétaires et leur volonté de rester attractives sur le marché du travail. La suppression de cette mesure pourrait également freiner les initiatives en faveur de la mobilité durable, un objectif pourtant affiché par le gouvernement dans le cadre de ses engagements climatiques.

La censure du gouvernement et ses conséquences sont largement critiquées par les acteurs économiques et politiques. Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes et principal défenseur d’un meilleur remboursement des transports, déplore sur BFMTV un "retour en arrière" qui va pénaliser des millions de travailleurs. Il insiste sur le caractère essentiel de ce dispositif pour garantir une équité entre salariés du public et du privé, tout en soulignant les effets positifs qu’il avait sur la transition écologique. « La censure a pour effet de ne pas prolonger cette action au-delà de 2024, malgré la prolongation que j’ai pu faire voter au Sénat à l’occasion du PLF 2025. »

Du côté des syndicats, la grogne monte. Les représentants des salariés dénoncent une décision injuste, prise sans concertation et sans égard pour les conséquences sur le quotidien des travailleurs. Pour eux, la disparition de cette mesure est un symbole de l’échec du gouvernement à protéger le pouvoir d’achat des Français dans un contexte de crise.

Quel avenir pour le remboursement des transports ?

La suppression du remboursement à 75 % soulève de nombreuses interrogations. Si le budget 2025 est finalement adopté dans les mois à venir, la mesure pourra-t-elle être réintroduite ? Rien n’est moins sûr. La complexité des débats budgétaires et la multiplication des priorités rendent improbable une reprise immédiate de ce dispositif. En attendant, les salariés et les entreprises devront s’adapter à cette nouvelle réalité, avec toutes les difficultés que cela implique.

Laissez un commentaire
Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Aucun commentaire à «Prix des transports en commun : cet effet néfaste et inattendu de la censure»

Laisser un commentaire

* Champs requis