CBD : si vous en consommez, il sera compliqué d’avoir des enfants

Utilisé pour ses effets relaxants, le cannabidiol (CBD) est aujourd’hui scruté de près par les autorités sanitaires. En France, une agence propose de le classer parmi les substances potentiellement dangereuses pour la reproduction humaine.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 3 avril 2025 à 11h20
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cbd-si-consommez-complique-davoir-des-enfants - © Economie Matin

Le 21 mars 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a officiellement proposé de classer le cannabidiol (CBD) comme substance « présumée toxique pour la reproduction humaine ». Cette initiative, aujourd’hui examinée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ouvre une période de consultation publique qui s’achèvera le 16 mai. Une décision technique ? Pas uniquement. Cette demande, soutenue par des éléments scientifiques préoccupants, pourrait rebattre les cartes d’un marché en pleine croissance. À condition que les consommateurs soient prêts à entendre que ce composé, perçu comme relaxant, pourrait aussi être nocif.

Le CBD sous surveillance : ce que dit la science sur la fertilité humaine

Depuis plusieurs années, la popularité du CBD explose en France. Selon Santé publique France, 16,4 % des adultes déclaraient en 2022 avoir déjà consommé cette substance extraite du chanvre, souvent présentée comme naturelle, sans danger, voire bénéfique pour la santé. Mais à en croire l’Anses, l’histoire est loin d’être aussi limpide.

En analysant les données issues de la littérature scientifique et du dossier pharmaceutique de l’Epidyolex – un médicament contenant du CBD autorisé pour traiter certaines formes d’épilepsie chez l’enfant – l’agence française a identifié plusieurs signaux d’alerte. Chez les rongeurs, les primates et d'autres espèces animales, le cannabidiol a été associé à des troubles de la spermatogenèse, à une baisse de la fertilité, à des anomalies du développement fœtal et à une mortalité périnatale accrue.

Cécile Michel, toxicologue à l’Anses, résume ainsi le constat : « Nous avons suffisamment de données chez l’animal pour considérer que le CBD peut altérer les capacités de reproduction ». Les résultats ne sont pas extrapolables directement à l’humain, mais les experts estiment qu’ils justifient un classement en catégorie 1B – celle des substances « présumées toxiques pour la reproduction humaine ».

Un produit perçu comme inoffensif, mais aux effets complexes

En 2023, la Direction générale du travail avait demandé à l’agence une évaluation harmonisée du CBD dans le cadre du règlement européen sur la classification des substances chimiques (CLP). Cette demande a mis en lumière un fait troublant : aucun enregistrement REACH (règlement européen sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques) n’avait encore été réalisé pour le CBD, malgré sa large commercialisation.

Juliette Dochez-Arnault, chargée d’évaluation à l’Anses, souligne le flou réglementaire : « Le CBD est souvent perçu comme un produit naturel, donc forcément inoffensif. Mais cela ne repose sur aucune évaluation rigoureuse de ses effets sanitaires ou environnementaux. ». En l’absence de cadre strict, les produits à base de CBD échappent souvent à tout contrôle précis, notamment en matière de concentration.

L’agence sanitaire rappelle que l’interaction du cannabidiol avec le système endocannabinoïde – un régulateur majeur du développement neurologique et hormonal – pourrait expliquer sa capacité à perturber les fonctions reproductives. Ce système est également actif pendant la gestation, ce qui rend l’exposition fœtale particulièrement préoccupante.

Doses, variabilité et risques : une équation impossible à résoudre ?

Un autre point essentiel soulève la controverse : celui de la dose. Nombre d’experts s’accordent sur le fait que les effets du CBD sont dose-dépendants. Mais quelles sont les doses réellement absorbées par les consommateurs ?

La réponse est simple : personne ne le sait précisément. L’Anses note que les teneurs en CBD varient considérablement d’un produit à l’autre, et que les modes de consommation (huiles, tisanes, bonbons, inhalation) influencent grandement la biodisponibilité. Autrement dit, un même flacon peut être inoffensif pour un adulte et dangereux pour un adolescent, une femme enceinte, ou un fœtus en développement.

Un processus réglementaire européen en marche

La proposition française a été formellement enregistrée par l’ECHA dans le registre des intentions de classification (Registry of CLH intentions until outcome). Elle est désormais soumise à consultation publique, et un avis officiel du Comité d’évaluation des risques (RAC) est attendu après le 16 mai 2025.

Cette démarche pourrait aboutir à une obligation d’étiquetage du CBD comme substance reprotoxique, voire à des restrictions d’usage, notamment pour les produits destinés aux femmes enceintes et aux jeunes. Le marché du cannabidiol, déjà confronté à une réglementation morcelée, pourrait s’en trouver durablement affecté.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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