Renouveler ses papiers d’identité en ligne semble aujourd’hui une formalité… en apparence. Mais derrière certains sites ultra-polissés se cachent des pièges redoutablement bien ficelés qui peuvent vous coûter cher
Papiers d’identité : trop beau pour être vrai, attention à cette arnaque !
Cette nouvelle escroquerie commence à faire du bruit. Depuis plusieurs jours, les médias tirent la sonnette d’alarme face à une arnaque numérique visant les citoyens français ayant fait une demande de renouvellement de leur pièce d’identité, en particulier de leur carte d’identité. Un site internet, parfaitement rôdé, exploite une confusion administrative bien réelle et profite ainsi d’un changement officiel de procédure pour appâter ses victimes.
Carte d’identité : un faux site pour les demandes de renouvellement
Le site cni-fra.fr reprend tous les codes d’un site institutionnel : interface épurée, vocabulaire administratif, promesse de pré-demande de renouvellement de carte d'identité simplifiée. Le scénario est toujours le même : une page sponsorisée s’affiche en tête des résultats Google, promettant un traitement en 48 heures en échange de 39 euros (ou 29 euros pour un mineur).
La plupart des victimes y voient une version express des procédures classiques. Mais en coulisses, rien ne se passe : aucun rendez-vous n’est pris, aucune mairie n’est informée, aucun service réel n’est activé. Or, comme le réaffirme 20 Minutes, « le délai moyen pour obtenir une carte d'identité est de huit semaines, pas deux jours ».
Une réforme de mars 2025 en toile de fond
Le succès de cette arnaque numérique repose sur un timing redoutablement opportun. Depuis le 31 mars 2025, les détenteurs d’une carte d’identité française ont la possibilité de demander son renouvellement pour obtenir un nouveau titre au format carte bancaire — plus compact, plus sécurisé, et également sous forme numérique — et ce, même si leur document est encore valide.
Résultat : cette réforme a provoqué une avalanche de requêtes sur les moteurs de recherche… et, dans son sillage, la prolifération de sites frauduleux.
Une escroquerie manifeste… mais pas illégale
C’est là que le bât blesse : si l’arnaque est moralement condamnable, elle ne tombe pas systématiquement sous le coup de la loi. Le vide juridique est criant. Comme l’explique en effet Ouest-France, ces plateformes précisent en petits caractères qu’elles ne sont « ni affiliées à l’ANTS, ni habilitées à délivrer un document officiel ». Autrement dit, sur le plan technique, cela signifie qu'elles facturent un service d’assistance, même s'il est inutile et sans valeur.
Le consommateur paye ainsi pour rien, mais en toute légalité. Selon Jean-Jacques Latour, expert chez cybermalveillance.gouv.fr, cité par Ouest France, ce n’est pas une fraude au sens pénal : « Ces sites se présentent comme des aides privées aux démarches. C’est légal, même si c’est abusif ». Pendant ce temps, l’usager floué perd de l’argent, ralentit sa procédure, et s’expose à un traitement administratif encore plus long, car les informations saisies sur le faux site ne sont pas transmises à l’État.
C’est là toute l’ironie du système : l’arnaque fonctionne parce qu’elle respecte les règles, tout en piégeant sciemment l’usager. Pis, tant qu’elle n’usurpe pas formellement l’identité d’une institution publique, les marges de poursuite restent minces. Un vide réglementaire que rien ne comble pour l’instant, et dont ces plateformes tirent pleinement profit, au détriment des usagers les plus vulnérables. Certains espèrent un remboursement, mais leur requête se heurte bien souvent à une impasse, étayée par l’ambiguïté juridique de ces pratiques. CQFD.
Comment éviter le piège et protéger ses démarches ?
Peu d’usagers savent que les demandes de carte d’identité, comme celles de passeport, ne passent jamais par un site internet comportant une demande de paiement en ligne. La procédure s’effectue exclusivement via le portail officiel de l’ANTS (Agence nationale des titres sécurisés), où la pré-demande est gratuite : passeport.ants.gouv.fr. En cas de perte ou de vol, le seul paiement requis s’effectue par l’achat d’un timbre fiscal d’un montant de 25 euros. En dehors de ce cadre, aucun règlement en ligne n’est justifié, et de fait, toute autre URL doit être considérée comme suspecte.
Une bonne habitude consiste à vérifier systématiquement que l’adresse contient « .gouv.fr ». En cas de doute ou si la fraude a déjà eu lieu, il faut signaler immédiatement le site sur signal.conso.gouv.fr ou cybermalveillance.gouv.fr, et alerter sa banque en urgence.