Carrefour rejette le Mercosur, le Brésil menace de boycott

Carrefour, géant français de la grande distribution, s’est engagé à ne pas vendre de viande en provenance des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) si l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ces pays était signé. Cette annonce, faite le 20 novembre 2024, n’a pas manqué de faire réagir dans les pays d’Amérique latine, et en particulier au Brésil, pays stratégique pour l’enseigne française.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 25 novembre 2024 à 7h00
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Carrefour rejette le Mercosur, le Brésil menace de boycott - © Economie Matin
1,5%La viande bovine issue du MErcosur représenterait 1,5% du marché européen.

Alors que la France applaudit la décision de rejeter le Mercosur, le Brésil menace de boycotter les magasins Carrefour sur son territoire. Et les risques sont loin d’être minimes !

Mercosur : Pourquoi Carrefour a-t-il pris cette décision ?

Carrefour, acteur clé de la distribution en France avec 20 % de part de marché, a fait un choix politique très engagé pour répondre aux inquiétudes croissantes des agriculteurs français. Ces derniers dénoncent depuis des années l’accord Mercosur-UE, qui ouvrirait les portes du marché européen à des produits agricoles, en particulier de la viande bovine, issus de pratiques jugées moins strictes en matière environnementale et sanitaire.

Carrefour a donc annoncé très clairement que même si l’accord venait à être signé, le distributeur ne vendrait pas de viande issue des pays concernés.

Les motivations :

  • Concurrence déloyale : Les normes appliquées aux agriculteurs européens, notamment en France, sont beaucoup plus exigeantes en termes d’environnement et de sécurité alimentaire. Permettre des importations en provenance du Mercosur reviendrait à désavantager les producteurs locaux.
  • Engagement écologique : Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a déclaré : « Nous souhaitons défendre une agriculture durable et préserver les standards européens. »
  • Conformité aux attentes des consommateurs : Une étude récente montre que 78 % des Français privilégient les produits locaux, même au prix d’un coût plus élevé.

En France, 96 % de la viande bovine et porcine vendue dans les rayons Carrefour est d’origine française, un argument de poids pour renforcer son positionnement auprès des consommateurs sensibles à l’origine des produits.

Une réaction en chaîne au Brésil : menace de boycott sur le deuxième marché de Carrefour

Cette décision, bien accueillie en France, a déclenché une tempête au Brésil, où Carrefour est également un acteur majeur. Présent depuis 1975, le Brésil représente 23 % du chiffre d’affaires mondial de Carrefour, soit environ 18 milliards d’euros en 2023. C’est le deuxième marché le plus important pour le groupe après la France, avec un réseau de 489 magasins et une forte implantation dans les grandes villes comme São Paulo et Rio de Janeiro.

La riposte brésilienne :

  • Mauro Mendes, gouverneur de l’État du Mato Grosso, une région agricole clé, a lancé un appel au boycott des magasins Carrefour au Brésil : « Si le Brésil ne peut pas vendre sa viande, pourquoi Carrefour devrait-il vendre ses produits ici ? »
  • Sur les réseaux sociaux, une campagne virale appelle les Brésiliens à éviter Carrefour, mettant en péril sa réputation locale.

Les risques pour Carrefour au Brésil :

  • Impact sur les ventes locales : Si le boycott se généralise, cela pourrait affecter la croissance de Carrefour dans un pays où la consommation alimentaire est en hausse.
  • Concurrence accrue : Des enseignes locales comme GPA (Grupo Pão de Açúcar) ou Atacadão, spécialisées dans les produits alimentaires, pourraient récupérer les parts de marché de Carrefour.

En réponse, Carrefour Brésil a publié un communiqué pour clarifier que la décision de ne pas vendre de viande du Mercosur concerne uniquement les magasins français. Toutefois, cette tentative de désamorçage de la crise a eu un succès mitigé.

Pourquoi le Brésil est-il stratégique pour Carrefour ?

  • Croissance de la classe moyenne : Le Brésil connaît une augmentation des revenus dans les zones urbaines, favorisant les ventes dans les hypermarchés.
  • Dépendance au secteur alimentaire : 70 % des ventes de Carrefour au Brésil concernent les produits alimentaires, secteur en pleine expansion.

Pourquoi l’accord Mercosur crispe les tensions dans l’agroalimentaire ?

L’accord Mercosur-UE, négocié depuis plus de 20 ans, reste une source de discorde. S’il venait à être signé, il permettrait l’importation de 99 000 tonnes de viande bovine vers l’Union européenne à des tarifs douaniers réduits.

Statistiques clés :

  • La consommation annuelle de viande bovine dans l’UE est estimée à 6,5 millions de tonnes. Les 99 000 tonnes prévues par l’accord représentent environ 1,5 % du marché.
  • En France, la filière viande génère 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie près de 200 000 personnes, un secteur directement menacé par l’accord.

Les opposants, dont la France, critiquent également le bilan environnemental désastreux des pays du Mercosur, notamment en raison de la déforestation massive en Amazonie pour la production de viande. Emmanuel Macron a récemment réaffirmé que la France ne signerait pas l’accord en l’état, soulignant son désaccord avec des pays comme l’Allemagne et l’Espagne, favorables à la conclusion rapide du traité.

Impacts de la décision de Carrefour

Aspect Avantage Inconvénient
Image de marque en France Renforce la fidélité des consommateurs Pas d’impact direct en cas de boycott
Relation avec les agriculteurs Soutien des producteurs locaux Possible friction avec les partenaires étrangers
Marché brésilien Positionnement clair Risque de pertes financières importantes
Normes environnementales Alignement avec les attentes européennes Perception négative dans les pays du Mercosur

Carrefour : vers une stratégie globale plus prudente ?

Carrefour devra gérer sa communication avec précaution dans ce contexte tendu. En France, sa position lui permet de gagner la confiance des consommateurs et des acteurs locaux. Mais au Brésil, où il domine le marché, un boycott pourrait fragiliser sa position et profiter à ses concurrents.

Le groupe pourrait envisager une communication renforcée pour expliquer ses choix tout en cherchant des solutions locales pour apaiser les tensions.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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