Carlos Tavares, le patron de Stellantis, a démissionné « avec effet immédiat », provoquant une onde de choc dans le secteur automobile. Alors que la direction évoque des divergences de vues, les syndicats, eux, dénoncent sa gestion humaine destructrice et ses défaillances dans le dialogue social, malgré des résultats financiers souvent positifs.
Carlos Tavares quitte Stellantis : une démission surprenante et controversée
Une démission surprise au sommet de Stellantis
Le dimanche 1er décembre 2024, le groupe Stellantis a annoncé la démission « avec effet immédiat » de son directeur général, Carlos Tavares. Ce départ brutal, qui intervient un an avant la fin de son mandat prévu en 2026, a pris de court l'ensemble des 250 000 salariés du groupe, notamment dans les usines françaises. Le constructeur automobile a justifié cette décision par des « points de vue différents » entre le conseil d’administration et le dirigeant. « On savait qu’il y avait de fortes tensions tout en haut, mais on ne s’attendait pas à cette décision brutale », a réagi Laurent Valy, responsable CFDT de l’usine de la Janais, à Rennes.
Carlos Tavares, un manager réputé pour son exigence, quitte le groupe dix ans après sa nomination au poste de PDG de PSA, en 2014. Il a notamment supervisé des transformations majeures, notamment le rachat d'Opel en 2017 et la création de l’entité Stellantis, née en 2021 de la fusion de PSA avec Fiat Chrysler, dont il a immédiatement pris la direction générale. Sa démission est cependant perçue comme le résultat d’un climat tendu, particulièrement après une chute des ventes en Amérique du Nord et des résultats financiers décevants au premier semestre 2024.
Un « psychopathe de la performance » aux méthodes controversées
Sous la houlette de Carlos Tavares, PSA puis Stellantis ont enregistré des performances financières impressionnantes, avec une rentabilité à deux chiffres chaque année. Cette réussite s’est cependant accompagnée de décisions impopulaires auprès des salariés. Les syndicats, en particulier la CGT, dénoncent une politique de « cost-killer » ayant entraîné une réduction drastique des effectifs et une dégradation des conditions de travail. Cédric Brun, délégué CGT à l’usine de Valenciennes, accuse Tavares d’avoir « démoli le groupe » au profit des actionnaires, en sacrifiant des départements clés comme la Recherche et Développement et en négligeant la qualité des produits.
Qualifié par certains de « psychopathe de la performance », le patron de Stellantis était connu pour son management autoritaire et ses exigences extrêmes. « Après avoir pressé les salariés, il va maintenant pouvoir aller presser ses raisins dans ses vignobles au Portugal », ironise Laurent Valy, responsable CFDT. Son départ s'accompagne en effet sd'une importante indemnité de départ, un « parachute doré » estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros, qui a alimenté la polémique parmi les salariés du groupe. « Il touchait 100.000 euros par jour, c’est complètement indécent », s’indigne Cédric Brun.
Le futur incertain : un climat de doute chez les syndicats
Si la démission de Carlos Tavares est accueillie avec un certain soulagement par une partie des salariés, elle suscite également une grande inquiétude. La CGT et d’autres syndicats se montrent préoccupés par l’avenir de l’entreprise et la continuité de la politique de gestion, redoutant que son successeur n’adopte les mêmes méthodes, voire pire. Jean-Luc Ternet, délégué CFTC, souligne : « On sait ce que l’on perd mais pas ce que l’on gagne ».
Cette décision précipitée risque de plus de fragiliser Stellantis dans un contexte économique déjà difficile. La section FO du groupe estime que le départ de Tavares met l’entreprise dans une position de vulnérabilité. « Sa démission fragilise l’ensemble de l’entreprise et ses milliers de salariés », abonde Jean-Luc Ternet. En attendant la nomination d’un nouveau DG, c’est John Elkann, président exécutif, qui assurera l’intérim. Les syndicats ne s’attendent pas à des améliorations à court terme des conditions de travail. « Les objectifs seront toujours les mêmes et on va continuer à souffrir », pointe Cédric Brun.