Ces examens qui tuent : 100 000 cancers causés par les scanners ?

Les machines qui sauvent peuvent-elles aussi tuer ? Derrière les promesses de détection précoce se cachent des chiffres glaçants. Une modélisation internationale révèle une estimation sidérante : 100 000 cas de cancer aux États-Unis en une seule année seraient causés par les examens par tomodensitométrie, plus connus sous le nom de CT scans.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 15 avril 2025 10h12
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30%Entre 2009 et 2023, le nombre de scanners CT a augmenté de 30 % aux États-Unis

Le scanner au cœur d’une controverse

Le 14 avril 2025, une étude publiée dans la revue JAMA Internal Medicine a dévoilé une donnée alarmante : 5 % de l’ensemble des cancers diagnostiqués en 2023 aux États-Unis pourraient être attribués à l’exposition aux radiations des scanners CT. Une statistique d’autant plus préoccupante que ces examens sont pratiqués en masse : 93 millions d’actes ont été réalisés cette année-là, touchant 62 millions de personnes, dont 2,5 millions d’enfants .

À l’origine de cette alerte, une équipe internationale réunissant l’Institute of Cancer Research (ICR) de Londres, Kaiser Permanente Washington, et l’Université de Californie à San Francisco (UCSF). Ces chercheurs ont utilisé un modèle de risque développé par la professeure Amy Berrington, spécialiste en épidémiologie clinique, pour projeter les conséquences sanitaires des radiations ionisantes.

Les rayons X, coupables silencieux d’un mal évitable

Ces CT scans – dont le rôle dans le dépistage des tumeurs ou des lésions internes est indéniable – émettent une dose de radiation ionisante, classée comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé. Si l’exposition individuelle reste faible, la fréquence excessive de ces examens transforme le bénéfice médical en risque collectif massif. La docteure Rebecca Smith-Bindman, co-autrice de l’étude et professeure à l’UCSF, alerte : « Ces futurs cancers peuvent être réduits, soit en diminuant le nombre de scanners – surtout ceux à faible valeur ajoutée – soit en réduisant les doses par examen ».

Chez les enfants, les conséquences sont particulièrement préoccupantes. Près de 9 700 cancers seraient induits par les CT scans réalisés en 2023 sur les plus jeunes, soit 2,5 millions de mineurs exposés. Le risque est maximal pour les nourrissons de moins d’un an, jusqu’à 10 fois supérieur à celui des adultes, les organes en croissance étant plus vulnérables aux radiations.

Scanners CT : un danger proportionnel à leur banalisation

Le professeur Amy Berrington met les pieds dans le plat : « Pour le patient individuel, le risque est faible, mais à l’échelle de la population, ces petits risques s’additionnent. Aux États-Unis, les cancers liés aux CT scans pourraient désormais représenter 5 % de tous les cancers. Certains pourraient être évités en limitant les examens inutiles et en ajustant correctement les doses ».

Entre 2009 et 2023, le nombre de scanners CT a augmenté de 30 % aux États-Unis, avec un taux supérieur à 250 examens pour 1 000 habitants, contre moins de 100 au Royaume-Uni, selon les chiffres publiés par l’ICR. La raison ? Une surprescription massive, notamment dans des contextes où l’examen n’apporte aucun bénéfice diagnostique, comme les infections respiratoires hautes ou des céphalées sans symptômes graves .

Pourtant, un tiers des CT scans pratiqués seraient potentiellement évitables. Pire encore : selon le professeur Stephen Duffy de la Queen Mary University of London, « cela représente une augmentation de 0,1 % du risque de cancer à vie par scanner individuel »n souligne Ars Technica.

Soins, malade, radiations : une politique de réduction s’impose

La radiologue Malini Mahendra, également coautrice, insiste : « Peu de patients et leurs familles sont informés du risque de cancer associé aux CT scans pédiatriques », explique-t-elle dans MedicalXpress. L’étude appelle à une meilleure éducation des médecins et du public, à un suivi renforcé des doses administrées, et à la mise en place de protocoles de justification médicale systématique pour chaque examen. Les auteurs réclament également l’interdiction des examens « de confort » proposés par des cliniques privées, notamment les scans corporels complets destinés à des patients sains, dont l’intérêt médical est nul mais dont le risque est réel.

Le professeur Kristian Helin, directeur général de l’ICR, résume la gravité de la situation : « Nous devons comprendre comment prévenir le cancer, et cette étude démontre que les CT scans doivent être réservés aux cas cliniques strictement justifiés ». Pendant que les systèmes de santé s’efforcent d’optimiser les traitements anticancer, ne serait-il pas temps de s’interroger sur les causes évitables qu’ils contribuent eux-mêmes à amplifier ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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