Le Canada impose une surtaxe de 25 % sur les véhicules américains

Le Canada vient d’annoncer une mesure tarifaire de grande ampleur qui modifie les équilibres économiques entre les deux rives du continent nord-américain. Un nouvel épisode s’ouvre dans les relations commerciales avec Washington, sur fond de tensions géopolitiques croissantes.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 4 avril 2025 à 13h06
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10 %Cette décision touche environ 67 000 véhicules par an, soit 10 % des importations automobiles en provenance des États-Unis.

Le 3 avril 2025, le gouvernement canadien a annoncé l’instauration de droits de douane de 25 % sur une partie des véhicules automobiles importés des États-Unis. Cette décision, marquant une inflexion nette de la politique commerciale d’Ottawa, intervient dans un climat déjà alourdi par les tensions tarifaires alimentées par la présidence américaine. Le Canada choisit ainsi d’exercer une réponse ferme à ce qu’il qualifie de déséquilibres persistants.

Riposte tarifaire : le Canada contre-attaque Washington

La mesure canadienne s’inscrit dans une logique de réciprocité. Quelques heures avant l’annonce d’Ottawa, Donald Trump avait relancé une politique douanière agressive, imposant 25 % de taxe sur tous les véhicules importés aux États-Unis, sans distinction d’origine. Le Canada, visé indirectement malgré ses liens étroits avec son voisin, a immédiatement réagi.

Le Premier ministre Mark Carney, lors d’une conférence de presse tenue à Ottawa, a exprimé une position sans détour : « Le système commercial mondial ancré aux États-Unis [...] n'existe plus ». La surtaxe canadienne s’applique à tous les véhicules assemblés aux États-Unis avec moins de 75 % de composants nord-américains, seuil requis par l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC).

Selon les données officielles, cette décision touche environ 67 000 véhicules par an, soit 10 % des importations automobiles en provenance des États-Unis. Le gouvernement prévoit en retirer jusqu’à 5,7 milliards de dollars canadiens (environ 3,85 milliards d’euros) de recettes fiscales, destinées à financer un programme de soutien aux travailleurs affectés.

Canada : stratégie ciblée, impact industriel immédiat

Mark Carney a précisé que les pièces détachées automobiles, pourtant essentielles au fonctionnement des chaînes d’assemblage intégrées entre les deux pays, seraient épargnées. « Nos droits de douane n’affecteront pas les pièces d’automobiles, car nous connaissons les avantages de notre système de production intégré », a-t-il expliqué.

En revanche, le secteur automobile enregistre déjà ses premiers effets. Le constructeur Stellantis a suspendu pendant deux semaines la production de son site de Windsor, en Ontario, mettant à l’arrêt 3 600 employés. L’industrie automobile canadienne, très dépendante des échanges transfrontaliers, se retrouve ainsi en première ligne des conséquences économiques.

Des voix critiques se sont élevées. Julie White, présidente de Manufacturiers & Exportateurs du Québec, déclare : « La mise en place de contre-tarifs de 25 % sur les véhicules importés des États-Unis [...] ajoute une pression additionnelle sur les entreprises qui subissent déjà les contrecoups des droits de douane imposés par le gouvernement américain ».

Trump, AEUMC et désalignement régional

La réactivation unilatérale des droits de douane par Washington fragilise une architecture commerciale construite autour de l’AEUMC. Alors que cet accord devait garantir un cadre stable et exempt de mesures protectionnistes entre les trois signataires, le retour d’un usage offensif de la douane relance la volatilité.

Le Canada, bien qu’épargné par la taxe dite « réciproque » ciblant 185 États, n’en demeure pas moins frappé par des décisions américaines qu’Ottawa considère comme excessives. Carney a déclaré à ce sujet : « Nous avons eu le meilleur accord d’une série de mauvais accords », tout en reconnaissant les limites d’une relation commerciale désormais soumise à l’imprévisibilité présidentielle.

Dans ce contexte, les représentants de l’industrie expriment leurs inquiétudes. David Adams, président des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada (CMAC), estime que « la menace de tarifs douaniers et de perturbations de la chaîne d’approvisionnement [...] crée une incertitude importante ». Il réclame la suspension des objectifs de vente de véhicules zéro émission, jugés irréalistes dans ce nouveau contexte.

Une réorganisation commerciale en perspective ?

Au-delà de la rétorsion immédiate, le Canada semble vouloir inscrire sa démarche dans une perspective plus large. Mark Carney a ainsi lancé un appel à ses partenaires commerciaux : « [...] former un nouvel ordre commercial sans les États-Unis ». Une déclaration qui témoigne d’un désalignement stratégique assumé.

Cet appel intervient dans un contexte électoral délicat pour le Premier ministre, alors que les élections fédérales sont prévues le 28 avril 2025. Plusieurs analystes considèrent que cette manœuvre tarifaire, bien que risquée sur le plan industriel, pourrait renforcer la stature internationale de Carney auprès d’un électorat en quête de fermeté.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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