La menace se précise. La France pourrait bientôt voir disparaître un autre jour férié pour pallier les déficits abyssaux de la Sécurité sociale. Cette idée n’est pas nouvelle : relancée par un rapport du Sénat en septembre 2024, elle ne manque pas de susciter une vive opposition.
Budget : le gouvernement veut supprimer un jour férié
Derrière la suppression possible d’un autre jour férié, toutefois, il y a une réalité : le gouvernement peine à boucler les comptes publics et les Ehpad, en pleine crise financière, cherchent désespérément de nouveaux moyens de financement. Mais à quel prix ? Celui de nouveaux sacrifices pour les salariés déjà éreintés par des réformes successives.
Le prétexte des Ehpad pour justifier une nouvelle journée de solidarité
Le rapport sénatorial, rédigé par plusieurs figures politiques, n'y va pas par quatre chemins : la suppression d’un jour férié pourrait générer 2,4 milliards d’euros, voire plus de 3 milliards si les retraités étaient mis à contribution. Ces fonds serviraient à financer l’autonomie des personnes âgées et handicapées, notamment via les Ehpad, ces établissements en déroute où la situation devient critique. Depuis le scandale Orpea et les révélations accablantes sur la gestion des maisons de retraite, les finances des Ehpad sont au plus mal. Selon la Direction générale de la cohésion sociale, 66% des Ehpad étaient déjà déficitaires en 2023, un chiffre qui pourrait encore augmenter à cause de la crise économique actuelle et des coûts de fonctionnement exponentiels.
Ce déficit abyssal, aggravé par une inflation galopante et la hausse des salaires, justifie-t-il de nouvelles ponctions sur les droits des travailleurs ? Vingt ans après la première journée de solidarité instaurée en 2004, le Sénat propose de renouveler cette mesure en supprimant un autre jour férié. Cette deuxième journée "de solidarité" permettrait, selon les sénateurs, de sauver un système à bout de souffle. Mais au-delà de l’aspect financier, qu’en est-il des conséquences humaines de cette décision ?
Supprimer un autre jour férié sur l’autel de l’austérité ?
Pour de nombreux salariés, l’idée de renoncer à un jour de repos supplémentaire, sans aucune compensation, est une provocation. Déjà mis à rude épreuve par la réforme des retraites, les travailleurs français ont vu leur espérance de vie active allongée, tout en se retrouvant avec des revenus souvent stagnants. Aujourd’hui, les mêmes sont invités à travailler encore plus, sous prétexte de solidarité. Mais à qui profite réellement cette mesure ?
Les syndicats montent au créneau et dénoncent une mesure injuste qui pénaliserait avant tout les salariés, alors que des solutions alternatives existent. Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à cibler les travailleurs, alors que des exonérations de cotisations profitent toujours à certaines entreprises ? C’est la question que posent les syndicats, en appelant à une remise en cause profonde des priorités fiscales de l’État.
Ce débat réveille également des craintes sur l’atteinte progressive aux acquis sociaux en France. Depuis plusieurs décennies, chaque réforme semble grignoter un peu plus les droits des salariés. La suppression d’un jour férié, acquis historique, apparaît comme une nouvelle attaque contre les droits des travailleurs. Le risque, à terme, est la normalisation de ce genre de sacrifices.
Plutôt un jour férié en moins qu’un gel temporaire des retraites ?
La suppression d’un jour férié s’inscrit dans une logique plus large de redressement des finances publiques, un objectif qui semble être devenu la priorité du gouvernement de Michel Barnier. En coulisses, plusieurs ministres ont déjà exprimé leur soutien à cette proposition. Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur, a ouvertement déclaré être favorable à la suppression d’un deuxième jour férié, aussi bien dans le public que dans le privé. « A titre personnel, j'aurais été beaucoup plus favorable à une journée de solidarité en plus », a déclaré de son côté, citée par Les Echos, la sénatrice Elisabeth Doineau en parlant de la mesure de gel temporaire des retraites prévue pour 2025. Patrick Martin, à la tête du Medef, n’est également pas contre : supprimer un jour férié ne coûtera rien aux entreprises, seuls les travailleurs seront pénalisés.
Le gouvernement tente de justifier la nouvelle journée de solidarité par l’urgence de rééquilibrer les comptes de la Sécurité sociale, largement déficitaire. Entre le gel des pensions pendant six mois, qui devrait permettre d’économiser 3 milliards d’euros, et les réductions d’exonérations de charges sociales pour les entreprises, les mesures d’austérité s’accumulent. Mais ces restrictions budgétaires ne font qu’alimenter un mécontentement croissant chez les travailleurs.
Pour les détracteurs de ce projet, c’est une erreur de penser que la suppression d’un jour férié suffira à combler les déficits abyssaux de la Sécurité sociale. Les fonds ainsi générés ne représenteront qu’une fraction des besoins réels, tandis que l’impact psychologique sur les travailleurs pourrait être bien plus profond et durable. Après les réformes des retraites, des réductions budgétaires et une inflation galopante, le ras-le-bol social est palpable.
Deuxième journée de solidarité : que va faire le gouvernement ?
La suppression d’un jour férié est loin de faire l’unanimité, même au sein du gouvernement. Si certains ministres y voient une solution pragmatique pour répondre à l’urgence budgétaire, d’autres craignent les répercussions politiques d’une telle mesure. Les syndicats, quant à eux, se préparent à une nouvelle bataille pour défendre les acquis sociaux.
Mais au-delà de la contestation syndicale, c’est l’ensemble de la population active qui pourrait se retourner contre le gouvernement. Car cette suppression d’un jour férié intervient dans un contexte déjà marqué par une grande fragilité sociale : hausse du coût de la vie, pressions sur le pouvoir d’achat, réforme des retraites... La France des travailleurs est à bout de souffle, et cette mesure pourrait bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.