Budget quotidien : vous êtes chanceux si vous vivez dans l’un de ces départements

Le prix de l’essence vous donne des sueurs froides ? Le ticket de caisse vous arrache une grimace ? Ce n’est pas partout pareil. Et si certains départements réussissent encore à échapper à la spirale inflationniste, c’est moins un miracle qu’une mécanique bien huilée de la part de certaines enseignes.

Axelle Ker
By Axelle Ker Published on 14 avril 2025 9h40
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Budget quotidien : vous êtes chanceux si vous vivez dans l’un de ces départements - © Economie Matin
22 %Un habitant du département de la Mayenne paiera en moyenne 22 % moins cher son panier de courses (produits identiques)qu'à Paris (RTL)

Derrière son unité économique, la France est en réalité bien plus morcelée qu'elle n'y paraît. Comme l'indiquent le comparatif de RTL, publié le 11 avril 2025, et celui du Parisien (14 avril 2025), la vie quotidienne n'a pas le même prix d'un département à l'autre et la fracture est bien plus profonde qu'on ne l'imagine.

Courses : des prix qui varient selon les enseignes qui dominent le marché

Ce lundi 14 avril 2025, Le Parisien a publié un comparatif qui souligne l’ampleur des écarts territoriaux dans le coût de la vie d’un département à l’autre. Car ce n’est plus une simple opposition entre métropoles et campagnes. Non, c’est bien chaque département qui joue sa propre partition tarifaire – avec plus ou moins de bonheur pour ses habitants.

En effet, selon les chiffres du Parisien, un panier de vingt produits de grande consommation est facturé 77,54 euros dans le Finistère, 77,84 euros dans les Côtes-d’Armorcontre 82,09 euros à Paris et 81,42 euros en Corse. Autrement dit, pour un panier de produits identiques, les disparités dépassent les quatre euros. Sur une année, la différence peut rapidement se chiffrer en plusieurs centaines d’euros.

Pourquoi de tels écarts ? L’explication tient en un mot : enseigne. « Quand E.Leclerc, Intermarché et Super U détiennent plus de 40 % des parts de marché sur un territoire, le panier coûte moins de 79 euros, et inversement », affirme Grégory Caret, directeur de l’observatoire de la consommation de l’association, auprès de nos confrères. Là où Carrefour ou Monoprix dominent, les prix s’envolent. Le prix de la vie quotidienne n’est, par conséquent, pas le fruit du hasard, mais bien celui d’une stratégie commerciale bien huilée de la part des enseignes.

Jusqu'à 22 % de différence entre la Mayenne et Paris

Dans le rapport exclusif publié par RTL le 11 avril 2025, l’étude A3 Distrib fait mouche : la Mayenne se distingue comme le département le moins cher de France avec un panier moyen de 96,60 euros, contre 119 euros à Paris. C’est 22 % de plus pour les Parisiens, pour un contenu identique. Et dans ce grand écart, les zones les plus abordables tracent une diagonale économique qui va de Laval au Finistère, en passant par la Charente, les Deux-Sèvres et le Jura.

Ce sont souvent des territoires où les grandes enseignes dominent, mais aussi des zones à faible densité urbaine, avec des loyers commerciaux modestes, donc des charges moins lourdes pour les distributeurs. Une supérette en plein Paris ne jouera jamais dans la même division qu’un hypermarché à La Roche-sur-Yon.

Les « faux écarts » des prix à la pompe

Le fossé s’élargit quand on regarde le carburant. D’après les données du Parisien, le litre de gazole est à 1,59 euro en Charente, contre 1,72 euro dans les Hauts-de-Seine. Même logique pour le SP95 - E10, qui varie de 1,67 euro dans le Finistère à *1,78 euro en Seine-Saint-Denis.

Une bonne nouvelle ? Non, plutôt une illusion. Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem, explique à auprès de nos confrères : « Dans les territoires où les tarifs à la pompe sont plus bas, les automobilistes font davantage de kilomètres [...] Cela peut peser tout autant dans leur budget. »

Quid des assurances et de l'immobilier ?

Les assurances ne sont pas en reste. Le Parisien cite des chiffres d’Assurland : l’assurance auto annuelle s’élève à 531 euros en Vendée, mais grimpe à 931 euros dans les Bouches-du-Rhône. Pour l’habitation, l’écart est tout aussi parlant : 180 euros en Lozère, 184 euros dans l’Aveyron, mais 402 euros en Corse.

Le nombre de sinistres et de cambriolages influe directement sur la prime. « Plus il y a d’accidents ou de vols, plus la prime sera élevée », résume Olivier Moustacakis. Il souligne également :  « Les habitants qui paient aujourd’hui assez peu voient leur prime augmenter plus vite que la moyenne [...] en particulier ceux exposés au dérèglement climatique » (Le Parisien). Sécheresses, submersions, tempêtes : le climat ne fait pas de cadeaux aux territoires préservés.

Une forme de déclassement caché

La question que l'on pourrait se poser est la suivante : est-ce une chance d’habiter dans un département “bon marché” ? Là encore, prudence : moins de pression foncière, moins de demande, moins de vie économique. Si le logement n’est pas cher dans certains départements, c’est aussi parce que l’emploi et l’activité économique y font défaut. « Cela démontre, notamment en matière d’immobilier, une démographie décroissante et un faible dynamisme du territoire », avertit Flavien Neuvy (Le Parisien).

Oui, certains départements offrent encore un confort tarifaire. Oui, vivre dans l’Ouest rural, de la Mayenne au Loir-et-Cher, c’est pouvoir souffler un peu à la caisse. Mais ce confort peut cacher des fragilités économiques profondes, des services publics plus éloignés, et des dynamiques d’emploi en berne. Le danger, c’est celui d’une France à deux vitesses, dans laquelle le faible coût de la vie dissimule une forme de déclassement.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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