Un gouffre financier : la pauvreté coûte cher à la France

Le 9 octobre 2024, le Collectif ALERTE a dévoilé une étude qui jette une lumière crue sur l’ampleur du coût de la pauvreté en France. Près de 120 milliards d’euros. C’est le prix effarant que paie chaque année la puissance publique pour faire face à ce fléau social. Cette donnée, fruit d’une analyse approfondie menée par le cabinet Oliver Wyman pour le collectif, révèle un poids budgétaire qui ne peut plus être ignoré.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 9 octobre 2024 à 11h00
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57%57 % des habitants des campagnes ont du mal à couvrir leurs dépenses d’énergie

Ce montant vertigineux englobe des dépenses directes sous forme de prestations sociales et une perte de recettes fiscales, mais aussi des coûts cachés, souvent ignorés, liés à l’accroissement de la demande dans des secteurs comme la santé, l'éducation ou la justice. Ce sont des surcoûts qui pèsent sur l’ensemble de la société. La pauvreté, loin de se limiter à une question de justice sociale, se révèle un véritable gouffre économique, un trou noir qui absorbe des ressources publiques colossales sans qu'aucune solution pérenne n’émerge.

Lutte contre la pauvreté : un investissement vital pour enrayer l’hémorragie sociale

Face à cette situation dramatique, le Collectif ALERTE propose une voie de sortie : un investissement annuel supplémentaire de 8 milliards d’euros sur une décennie. Mais au-delà de ces chiffres, c’est une question de survie sociale et économique qui se pose. Pour Noam Leandri, le président du collectif, il est impératif de convaincre les responsables politiques de l’urgence de la situation. « Si on ne les touche pas au cœur, il faut qu’on les touche au porte-monnaie », déclare-t-il, en pointant l’inertie coupable des décideurs face à l’ampleur du défi.

Aujourd’hui, ce sont 9,1 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 216 euros par mois pour une personne seule. Derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées, des familles qui s’enfoncent dans la précarité, des enfants privés des chances de réussir, des jeunes et des seniors laissés sur le bord du chemin. La pauvreté n’est pas seulement un drame humain, elle est aussi le symptôme d’un dysfonctionnement profond de notre modèle social et économique.

La pauvreté, un mal qui gangrène les finances publiques

Les 120 milliards d’euros de coût annuel se répartissent entre divers postes, mais ce qui frappe, c’est l’effet boule de neige de la précarité. D’un côté, l’État est contraint de verser des aides pour garantir un minimum vital à des millions de personnes. De l’autre, la pauvreté entraîne une baisse des recettes fiscales : moins de consommation, moins de TVA, moins de cotisations sociales. C’est un cercle vicieux qui s’autoalimente et asphyxie les finances publiques.

Les surcoûts sont partout : dans les hôpitaux qui doivent prendre en charge une population plus exposée aux maladies liées à la précarité, dans les écoles confrontées à des élèves en grande difficulté, dans les tribunaux engorgés par les drames familiaux et sociaux qui découlent de la misère. Ce sont des milliards d’euros qui s’évaporent chaque année sans que la situation ne s’améliore. Comment peut-on accepter un tel gaspillage ?

Le rapport souligne qu’investir dans la lutte contre la pauvreté, c’est non seulement agir pour la dignité des citoyens les plus fragiles, mais aussi rétablir une forme de justice économique. Chaque euro investi pourrait permettre d’économiser à terme un euro en dépenses publiques, tout en générant des recettes supplémentaires grâce à une meilleure intégration des personnes précaires dans le tissu économique.

Laisser pourrir la situation : un risque majeur pour la société

Laisser pourrir la situation actuelle, c'est accepter de voir le nombre de personnes en situation de précarité exploser, des quartiers entiers sombrer dans la détresse et la violence, des enfants grandir sans espoir et des adultes perdre tout horizon de reconversion. C’est aussi accepter un coût humain que l’on ne saurait chiffrer, celui des vies gâchées, des talents sacrifiés et des rêves abandonnés.

Les associations réunies au sein du Collectif ALERTE en appellent à une véritable prise de conscience collective. Elles rappellent que la lutte contre la pauvreté n’est pas une charge insupportable, mais une opportunité de transformation. À l’heure où le gouvernement cherche désespérément à combler le déficit public en coupant dans les dépenses, ce rapport montre qu’un effort budgétaire ciblé pourrait, au contraire, alléger la facture globale à moyen terme. Car au-delà des chiffres, c’est la cohésion sociale de la France qui est en jeu.

Ne pas agir, c’est prendre le risque de voir les fractures s’élargir, le sentiment d’injustice se généraliser et la défiance envers les institutions croître. La pauvreté, si elle n’est pas combattue de manière résolue, devient un terreau fertile pour le désespoir, pour la colère, pour des tensions sociales qui finiront par exploser. Les gilets jaunes, la crise des banlieues, les mouvements sociaux qui se succèdent, tout cela est le reflet d’un mal-être profond auquel il devient urgent de répondre.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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