Adoptée le 12 décembre 2024 en commission, la loi spéciale est une situation quasiment inédite dans la gestion des finances publiques en France. En particulier, elle ne peut concerner ou répondre à seulement quelques uns des problèmes que pose le rejet du Budget 2025 et la motion de censure.
Budget : la loi spéciale va-t-elle éviter une hausse d’impôts pour les ménages ?
Après avoir été adoptée en Commission, la loi spéciale va commencer sa navette parlementaire. Avec, au coeur des débats, une question : les impôts des ménages français vont-ils augmenter en 2025 ?
Budget : Qu’est-ce que la loi spéciale et pourquoi a-t-elle été adoptée ?
La loi spéciale répond à une situation exceptionnelle : l’incapacité de l’Assemblée nationale à adopter le budget 2025 à la suite de la censure du gouvernement Barnier. Conformément à l’article 47 de la Constitution et à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce texte vise à garantir une continuité minimale des services publics en l’absence d’un budget voté.
La loi comporte trois volets principaux :
- Autorisation de lever les recettes fiscales prévues dans le budget 2024.
- Permission de dépenses indispensables pour le fonctionnement des administrations publiques.
- Accès à des emprunts pour financer les besoins immédiats de l’État et de la Sécurité sociale.
L’objectif est clair : éviter une paralysie de l’État au 1er janvier 2025, le célèbre « shutdown » tant craint par les Américains chaque année. Néanmoins, ce cadre d’action strictement limité interdit toute réforme budgétaire ou fiscale de fond, mais cette restriction n’a pas empêché un vif débat sur l’indexation de l’impôt sur le revenu.
Impôt sur le revenu : des tensions à cause des augmentations annoncées
L’indexation de l’impôt sur le revenu, qui consiste à ajuster les seuils des tranches d’imposition en fonction de l’inflation, est traditionnellement inscrite dans les lois de finances annuelles. Cette mesure vise à éviter que l’inflation ne pousse artificiellement les contribuables dans des tranches d’imposition supérieures, augmentant ainsi leur charge fiscale sans gain réel de pouvoir d’achat. Avec le rejet du Budget 2025, cette indexation n’aura pas lieu. « Près de 18 millions de Français verront leur impôt sur le revenu augmenter, d’autres en paieront pour la première fois parce qu’on n’aura pas pu inscrire dans la loi de finances la réindexation qui est prévue », prévenait Michel Barnier en essayant de sauver son siège à Matignon.
Dans le cadre de la loi spéciale, plusieurs amendements ont proposé d’intégrer cette indexation. Les partisans, notamment des groupes LFI, RN et socialistes, affirment que cette mesure est essentielle pour protéger les ménages des effets de l’inflation. À l’inverse, le gouvernement et le Conseil d’État jugent cette initiative inconstitutionnelle, car elle dépasse le périmètre limité de la loi spéciale, censée se contenter de reconduire les dispositions de l’année précédente.
Selon l’exécutif démissionnaire, l’absence d’indexation pourrait rendre imposables environ 380 000 nouveaux foyers en 2025. Cette projection a alimenté les tensions, l’opposition accusant le gouvernement de vouloir alourdir la charge fiscale des ménages pour masquer son immobilisme. De son côté, le gouvernement se défend en affirmant que cette question pourra être traitée dans le cadre d’un budget classique début 2025, évitant ainsi tout effet réel sur les déclarations de revenus au printemps.
Étapes de la loi spéciale du Budget
- Adoption en commission des finances Le 12 décembre 2024, le texte a été adopté à l’unanimité en commission, malgré des débats houleux. Si certains amendements sur l’indexation ont été validés, leur recevabilité reste suspendue à la décision de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, prévue ce week-end.
- Examen en séance plénière À partir du lundi 16 décembre, les députés débattront de la loi en séance publique. Si les amendements sont jugés recevables, le gouvernement pourrait saisir le Conseil constitutionnel pour invalider ceux qu’il juge contraires à la Constitution.
- Adoption définitive et promulgation La loi devra être adoptée par l’Assemblée nationale et validée par le Sénat avant d’être promulguée par le président de la République. Ce calendrier serré vise à garantir son application au 1er janvier 2025.
Pour les contribuables, l’adoption de la loi spéciale n’aura pas d’impact immédiat sur leurs finances. Les déclarations de revenus, prévues au printemps, seront probablement ajustées en fonction d’une nouvelle loi de finances adoptée début 2025, ce qui permettra l’indexation du barème même si celle-ci venait à être censuré par le Conseil d’Etat.