Le gouvernement français est face à une situation critique. Les dépenses liées aux médicaments devraient dépasser de 1,2 milliard d’euros les prévisions initiales pour 2024, un coup dur pour des finances publiques déjà mises à mal par un déficit abyssal. Alors que la Sécurité sociale devait initialement afficher un déficit de 10,5 milliards d’euros, celui-ci pourrait atteindre 18 milliards d’euros, rendant indispensable une révision budgétaire en urgence.
Budget : les dépenses de médicaments dérapent, le gouvernement forcé de revoir sa copie
Médicaments : une dépense hors de contrôle pour la Sécurité sociale
Depuis des années, les gouvernements successifs peinent à contenir la progression des dépenses en santé. Cette année, selon les informations du journal Les Echos, le dérapage budgétaire lié aux médicaments a pris tout le monde de court. La Sécurité sociale a dû faire face à des coûts imprévus, principalement liés à une diminution des remises accordées par les laboratoires pharmaceutiques.
Ces remises, qui permettent habituellement de réduire le prix des médicaments achetés par l’Assurance maladie, se sont révélées moins importantes que prévu. Ce phénomène s’explique par une baisse des ventes sur certains segments, ce qui a entraîné un « décalage de trésorerie », comme l’a défendu Thierry Hulot, président du LEEM, le principal lobby des industriels du médicament.
Par ailleurs, les innovations thérapeutiques et les nouveaux traitements de pointe, souvent très coûteux, pèsent lourd dans la balance. S’ils sont essentiels pour traiter des maladies complexes ou rares, ils creusent considérablement le budget de la Sécurité sociale, déjà fragilisé par une démographie vieillissante et des besoins en matière de soins qui ne cessent d’augmenter. À cela s’ajoutent les dépenses liées aux dispositifs médicaux, tels que les implants cardiovasculaires ou les pansements avancés, qui connaissent une demande en forte hausse.
Les laboratoires pharmaceutiques dans la ligne de mire
Face à cette situation, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. La clause de sauvegarde, un mécanisme fiscal permettant de limiter les excès de dépenses pharmaceutiques, pourrait être revue à la hausse. Cette clause oblige les laboratoires à contribuer financièrement lorsque les dépenses liées aux médicaments dépassent un certain seuil. Initialement plafonnée à 1,6 milliard d’euros, cette contribution pourrait être augmentée pour absorber une partie du déficit. Mais cette mesure, si elle venait à se confirmer, risque de provoquer une colère froide parmi les industriels.
Thierry Hulot, président du LEEM, s’est exprimé dans Les Echos sans détour sur le sujet, dénonçant une instabilité fiscale qui nuirait gravement à l’attractivité de la France. Selon lui, une telle décision porterait un coup sévère aux investissements dans la recherche et développement, un secteur pourtant essentiel pour maintenir la compétitivité du pays sur la scène internationale. « Que vaut la parole du gouvernement, qui promettait de limiter ces prélèvements, mais revient sur ses engagements au premier dérapage budgétaire ? » s’interroge-t-il avec amertume.
Les laboratoires redoutent également les répercussions sur leur image auprès de leurs sièges internationaux. La France, qui avait longtemps bénéficié d’une réputation de stabilité et d’innovation, pourrait perdre de son attractivité si de nouvelles charges fiscales venaient alourdir la pression déjà existante. Certains industriels évoquent même le risque de délocalisations ou de ralentissements dans les investissements sur le territoire français.
Une équation budgétaire insoluble ?
Alors que le Sénat entame l’examen des amendements budgétaires, la situation reste incertaine. Le gouvernement se trouve face à une équation particulièrement difficile : comment maîtriser les dépenses tout en préservant l’accès aux soins et le dynamisme d’une industrie stratégique ? Cette crise relance le débat sur la pertinence des politiques actuelles de contrôle des coûts. Si des économies doivent être réalisées, elles ne peuvent se faire au détriment des patients ni compromettre l’avenir d’une filière essentielle pour la santé publique.
Le dérapage des dépenses pharmaceutiques met en lumière les failles d’un système qui peine à s’adapter aux défis actuels. À moins d’une réforme en profondeur, le problème risque de se répéter, aggravant une situation budgétaire déjà critique. Mais la question demeure : jusqu’où le gouvernement pourra-t-il aller sans provoquer une crise sociale et industrielle majeure ?