Censure du Budget : les retraités jubilent, les salariés pleurent

Le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, qui a utilisé le 2 décembre 2024 l’article 49.3 de la Constitution pour essayer de faire passer en force le Budget 2025, risque d’avoir des conséquences majeures sur la politique et l’économie françaises. Alors que le RN semble prêt à faire tomber l’exécutif et que ce dernier est plus que jamais sur la sellette, la question se pose : quelles sont les réelles conséquences d’un Budget 2025 calqué sur celui de 2024 ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 3 décembre 2024 à 5h50
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Censure du Budget : les retraités jubilent, les salariés pleurent - © Economie Matin
2%Le budget 2025 inclut une revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu de 2%.

Si le Budget n’est pas adopté, la France utilisera le Budget 2024 sans quasiment de modifications. Le « shutdown » à l’américaine est en effet exclu, la Constitution française permettant des moyens de débloquer la situation.

Maintien du Budget 2024 : pas de changements, et donc pas de réformes

En cas de rejet des lois de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), la France se verrait contrainte d'appliquer par défaut le budget 2024, en vertu de l’article 47 de la Constitution et des dispositions des lois organiques relatives aux lois de finances (LOLF). Ce mécanisme vise à assurer une continuité de l’administration publique pour éviter une paralysie totale, comme un "shutdown" à l'américaine.

Concrètement, le gouvernement pourrait utiliser des décrets pour reconduire les crédits adoptés pour 2024, mais sans possibilité d’intégrer des ajustements spécifiques aux réalités de 2025. Cela signifie que :

  • Les plafonds des dépenses seraient strictement alignés sur les montants de l'année précédente (environ 490 milliards d'euros pour le budget de l’État).
  • Les recettes fiscales prévues pour 2025 ne seraient pas mises en œuvre, neutralisant ainsi les nouvelles mesures de financement.

La rigidité de ce cadre empêche toute adaptation aux pressions économiques actuelles, comme l’inflation ou les besoins croissants liés à la dette, la transition écologique et au soutien à l’emploi.

Absence de budget : les salariés vont trinquer, les retraités sont comblés

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu, combiné à une inflation estimée à environ 2 % sur l’année 2024, se traduirait par une augmentation mécanique des prélèvements fiscaux. En effet, sans revalorisation des tranches, les ménages dont les revenus augmentent légèrement pourraient franchir des seuils d’imposition, générant un surplus de recettes estimé à 3,7 milliards d’euros pour l’État.

Dans ce contexte, les prestations sociales, régies par le code de la Sécurité sociale, continueraient à être versées sans les ajustements envisagés dans le PLFSS 2025.

Par exemple :
  • Les pensions de retraite des régimes de base seraient indexées sur l’inflation dès le 1er janvier 2025, au lieu de subir une revalorisation étalée en deux fois, et notamment un report de certaines revalorisations au 1er juillet 2025. Cette mesure entraînerait un coût supplémentaire de 3 milliards d’euros, non financé par les économies prévues dans le PLFSS.
  • Les autres allocations (chômage, RSA, APL) resteraient inchangées, sans les restrictions budgétaires initialement envisagées.
Catégories Gagnants Perdants
Contribuables Aucun gain notable. Ménages modestes devenant imposables en raison du gel des tranches fiscales ; hausse mécanique de l’impôt.
Retraités Indexation automatique des pensions sur l’inflation, offrant une protection contre la perte de pouvoir d’achat. Retraites complémentaires exclues des augmentations prévues.
Entreprises Maintien des charges sociales inchangées en l'absence de nouvelles taxes ou contributions. Perte des bénéfices attendus d'allégements de charges initialement prévus.
Finances publiques Gain temporaire via l’effet de fiscalité rampante (3,7 milliards d’euros). Manque à gagner de 20 milliards d’euros lié à l’annulation des nouvelles recettes prévues dans le PLF 2025.
Investisseurs Aucun gain direct. Hausse des spreads souverains, témoignant d’une inquiétude accrue sur la dette française et une perte de confiance.

Déficit public et réactions des marchés

Le maintien d’une structure budgétaire figée pour 2025 accentuerait le déficit public, prévu à 6,2 % du PIB selon les projections de la Direction du Trésor. Ce niveau, déjà problématique, pourrait se dégrader en raison de la hausse mécanique des dépenses (indexation des retraites et absence d’économies) et de l’annulation des nouvelles recettes fiscales.

Sur les marchés financiers, cette incertitude a provoqué une hausse notable du spread entre les taux français et allemands, indicateur clé de la confiance des investisseurs. Cette augmentation, déjà survenue après l’annonce du Rassemblement national, reflète :

  • Une dégradation de la perception du risque souverain français.
  • Une potentielle hausse du coût de la dette publique, alourdissant encore davantage les finances publiques.
  • Une possible dégradation de la note de la dette ce qui aurait pour effet d’augmenter le taux d’intérêt des emprunts français.

L'absence de budget pour 2025 engendrerait une stagnation économique et budgétaire, avec des répercussions négatives pour la majorité des acteurs. Si certains, comme les retraités, pourraient bénéficier temporairement d’une meilleure indexation, la rigidité des dépenses et l’annulation des réformes fiscales affaibliraient les perspectives de croissance et de soutenabilité budgétaire à long terme. En l’absence de réformes structurelles, cette situation risque de miner davantage la crédibilité économique de la France, tant sur le plan interne qu’international.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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