Le budget 2025, basé sur une stabilité à court terme

Le budget de la France pour 2025, bien qu’il apporte une certaine stabilité à court terme en évitant une nouvelle crise politique immédiate, ne résoudra pas les problèmes économiques et sociaux structurels du pays. Il repose par ailleurs sur une erreur fondamentale : l’idée que l’augmentation de la pression fiscale engendrera des rentrées suffisantes pour améliorer notre situation économique.

Pierre Marin
Par Pierre Maurin Modifié le 8 février 2025 à 7h34
Le budget 2025, basé sur une stabilité à court terme
Le budget 2025, basé sur une stabilité à court terme - © Economie Matin
57%La France consacre environ 57% de son PIB aux dépenses publiques, un record en Europe.

L'endettement, le problème budgétaire numéro un de la France

Les raisons sont connues. Tout d’abord, il y a un endettement toujours croissant, avec une dette publique qui dépasse 110% du PIB, et un déficit qui s’aggrave, atteignant 156 milliards d’euros en 2024, mais probablement 6% en 2025 en raison de perspectives de croissance trop optimistes. Malgré des annonces de réduction de certaines dépenses, la dynamique de la dette demeure insoutenable sans réformes profondes. Le service de la dette absorbe une part croissante du budget (environ 60 milliards d’euros d’intérêts en 2025), réduisant la marge de manœuvre pour des investissements structurels.

La pression fiscale est très élevée, la France ayant l'un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde (~45% du PIB). Augmenter les impôts, notamment l’IS (impôt sur les sociétés), qui sera rehaussé de 20,6% pour les entreprises réalisant entre un et trois milliards d'euros de chiffre d'affaires en France et de 41,2% pour celles dépassant trois milliards d'euros, réduira la croissance, l’investissement et l'attractivité économique du pays.

Notre système de protection sociale (retraites, santé, chômage) repose sur une démographie en déclin, une croissance économique faible et une bureaucratie excessive. Le vieillissement de la population accentue le déséquilibre entre actifs et retraités, mettant en péril la viabilité des prestations sociales. Il est urgent de mettre en place des réformes, comme la création d’une allocation unique, qui pourrait générer entre 3 et 5 milliards d’euros d’économies annuelles grâce à la simplification administrative, la réduction de la fraude et une distribution des aides plus efficace. Plutôt que de réfléchir une fois de plus au système de retraites, soumis en permanence à de nouvelles réformes sans assurer la pérennité de son financement, il serait préférable d’introduire un système collectif de capitalisation. Cela permettrait d’augmenter à terme les pensions de retraite, notamment pour les salariés modestes, et de doter la France de fonds de pension investissant dans son économie.

La productivité et la compétitivité aux oubliettes

Le budget ne résout pas non plus les problèmes de productivité et de compétitivité qui freinent l’économie française. L’industrie reste fragile : selon les chiffres de Trendéo, en 2024, il y a eu 15 fermetures d’usines de plus que d'ouvertures, avec plusieurs plans sociaux (Michelin, Valeo…). Cette tendance marque une dégradation après une amélioration depuis 2016. Le coût du travail reste élevé, et l’innovation peine à se traduire en gains économiques suffisants face à la concurrence mondiale, notamment américaine et chinoise.

La France consacre environ 57% de son PIB aux dépenses publiques, un record en Europe. Selon le Haut Conseil de Finances Publiques, le niveau de dépenses publiques (hors crédits d’impôt) sera de 1.693,8 milliards d’euros en 2025 après 1.652,3 milliards exécutés en 2024 soit une croissance en valeur de +41,5 milliards d’euros par rapport à 2024 (soit +2,5%).

Pourtant, ces dépenses ne se traduisent pas par une amélioration des services publics (éducation, santé, justice). Sans réforme structurelle, une simple augmentation des crédits ne garantit pas de meilleurs résultats. Or, ce budget n’en contient pas…

Pour un État efficace

Parmi les réformes à engager, outre l’instauration d’une allocation unique pour les aides sociales, le gouvernement devrait accélérer plusieurs chantiers. La transformation numérique des services publics, en y intégrant l’intelligence artificielle, permettrait d’importants gains de productivité en libérant les agents des tâches répétitives pour qu’ils se concentrent sur des missions à plus forte valeur ajoutée. La rationalisation des agences de l’État, via la suppression de certaines d’entre elles et/ou la réduction de leurs subventions, est nécessaire. Ce chantier pourrait générer entre 5 et 10 milliards d’euros d’économies.

La révision des normes est également cruciale : il faut identifier et abroger celles jugées excessives, notamment dans les secteurs innovants, afin de libérer le potentiel entrepreneurial. Toute création de nouvelles normes serait compensée par la suppression d’anciennes. L’autorégulation doit être privilégiée et accompagnée d’incitations à la durabilité, sans alourdir la réglementation ni imposer de pénalités excessives. On notera quelques avancées de la part du gouvernement, comme le report de l’application de la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D) et la simplification de la CSRD, qui concerne le reporting extra-financier des entreprises et avait été surtransposée en France, notamment en ce qui concerne les sanctions pénales.

Un budget acceptable dans l'immédiat, mais qui ne règle pas les problèmes structurels

Le budget actuel évite donc une crise immédiate et la chute du gouvernement Bayrou, mais il ne règle pas les problèmes structurels. Sans réformes sur la dette, la compétitivité et l’efficacité des dépenses publiques, ainsi qu’une poursuite de la décentralisation en transférant davantage de compétences aux collectivités locales pour des politiques mieux adaptées aux réalités du terrain, la France risque d’être contrainte à des ajustements brutaux dans les années à venir, sous la pression des marchés et des institutions européennes.

L’économie française dispose pourtant d’atouts : son savoir-faire industriel et énergétique, son agriculture de qualité, un secteur technologique dynamique et une attractivité touristique. Son capital humain, soutenu par un système éducatif supérieur solide — notamment ses « grandes écoles » et institutions de recherche —, constitue un levier essentiel pour l’innovation et la croissance.

Si nous voulons préserver ces atouts, il sera indispensable d’engager ces chantiers dès le prochain quinquennat, afin de réformer notre modèle social, fiscal et réglementaire. Ces évolutions sont nécessaires pour affronter les blocs économiques chinois et américain et créer un environnement propice à la croissance, afin de bâtir un avenir prometteur pour la France et pour l’Europe.

Pierre Marin

Pierre Maurin est entrepreneur, Secrétaire National Economie et Emploi Les Centristes, chercheur associé IPSE et élu du 9ème arrondissement de Paris.

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