Conflit Israël-Hamas : peut-on faire confiance à l’appli Boycott X ?

Très populaire, l’application qui scanne les courses du quotidien n’est pas dénuée de biais et renvoie, parfois, vers de fausses informations.

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Par Rédacteur Publié le 8 juin 2024 à 15h00
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C’est la nouvelle appli qui cartonne sur les plateformes mobiles AppStore et PlayStore. TikTok ? Temu ? Snapchat ? Non : Boycott X. Rien à voir avec « X », le nouveau nom qu’Elon Musk a attribué à Twitter depuis que l’entrepreneur s’est emparé du célèbre site de microblogging. Application française, Boycott X serait plutôt à ranger du côté de ces applis orientées « conso », aux côtés des Yuka, INCI Beauty et autres QuelCosmetic. Des services qui se proposent d’aider les consommateurs à s’y retrouver dans les rayons des supermarchés, en fournissant un certain nombre d’informations relatives aux produits qu’ils s’apprêtent, ou pas, à mettre dans leurs caddies : origine, composition, respect de critères sociaux ou environnementaux, etc.

Succès fulgurant

Avec Boycott X, le principe est le même. Quand il fait ses achats, l’utilisateur scanne, via l’appli, le code-barre du produit de son choix. Boycott X lui indique alors si ce dernier est commercialisé par un fabricant qui fait l’objet, ou non, d’une campagne de boycott. Trois grandes catégories structurent le verdict prononcé par l’application : les droits humains, l’appli promouvant un commerce éthique et responsable ; les droits environnementaux (déforestation, pollution, etc.) ; les droits des animaux, enfin, Boycott X privilégiant les produits des entreprises qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes ou d’accusations de maltraitance animale.

S’il le souhaite, le consommateur est invité à cliquer sur des liens le renvoyant vers des informations plus détaillées sur les raisons invoquées pour justifier le boycott de telle ou telle marque ou entreprise. Lancée en novembre dernier par le Français Chady El Tabaa, l’application rencontre un succès fulgurant, si l’on en croit les plus de 500 000 téléchargements revendiqués par son créateur. Notée 4,8/5 sur l’AppStore, Boycott X, dont le slogan est « Consommez avec conscience », truste depuis des semaines les premières places des classements d’applications gratuites sur les stores des appareils Apple ou Android.

Les sources douteuses de Boycott X

Comment expliquer un tel intérêt de la part des consommateurs ? De l’aveu même de son créateur, le soudain succès de Boycott X serait une « conséquence de l’actualité »… au Proche-Orient. Polarisant les opinions publiques bien au-delà de la région, le conflit entre Israël et le Hamas a, en effet, réactivé les ressorts du mouvement de boycott des produits et intérêts israéliens. De plus en plus de citoyens souhaitent ainsi marquer, par leurs actes d’achat, leur désapprobation de la guerre qui fait rage à Gaza. C’est donc sans surprise que la majorité des près de 850 marques mise en avant sur l’application Boycott X dans sa catégorie « droits humains » le sont au regard de leur implication, réelle ou supposée, dans le conflit en cours.

Pour les militants pro-palestiniens, l’application s’est imposée comme une arme redoutable, bien que pacifique, dans leur combat contre la colonisation et les exactions qu’ils attribuent à Israël. Problème : comme le reconnaît à nouveau Chedy El Tabaa dans les colonnes de Libération, Boycott X demeure « un outil monosource et non collaboratif : ‘’C’est moi, seul, qui recense les boycotts dans la base de données’’ » explique le développeur. Et les liens inclus dans les résultats poussés par l’appli de renvoyer, à côté de médias mainstream tels que Les Echos ou Forbes, vers des sources à la légitimité plus questionnable : obscures pages Internet, blogs confidentiels ou encore site officiel du mouvement BDS (pour Boycott, désinvestissement, sanctions), le fer de lance de la lutte internationale contre les intérêts d’Israël à l’étranger.

Carrefour pris au piège du conflit

En passant leurs achats au crible de Boycott X, ses utilisateurs accordent donc leur confiance… au jugement d’une seule et unique personne. Par ailleurs, les informations auxquelles renvoient l’appli sont à prendre, à tout le moins, avec des pincettes. En scannant un produit de la marque distributeur Carrefour, un utilisateur de Boycott X aura ainsi la désagréable surprise de lire que « d’après BDS France, le groupe Carrefour (…) est impliqué dans les crimes de guerre commis par le régime israélien d’occupation, de colonisation et d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien ». Rien que ça. Or non seulement cette affirmation est fausse, voire diffamatoire – Carrefour ne prend évidemment part, en tant que simple entreprise, à aucun « crime de guerre » –, mais elle a été débunkée à plusieurs reprises.

Si BDS France estime, sur son site Internet, que Carrefour serait un « facilitateur de génocide », la réalité est, comme souvent, plus complexe et nuancée. Présent en Israël depuis 2022, le groupe français opère dans le pays via un franchisé, le groupe israélien Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan. En aucun cas l’enseigne « n’a de magasin en territoires occupés sous marque Carrefour », précise le PDG du groupe, Alexandre Bompard. Quant à la vidéo montrant une distribution de nourriture par un salarié aux soldats israéliens qui a, peu après le 7 octobre, circulé sur les réseaux sociaux, il s’agissait d’une « initiative individuelle » des employés du franchisé israélien, que jamais le groupe n’a autorisée et dont il a interdit toute récidive.

Carrefour « ne prend pas parti »

« Nous sommes une entreprise de commerçants, nous n’avons pas d’engagement partisan ou politique, nous ne prenons pas parti dans un contexte tel que celui-là », a rappelé Alexandre Bompard au cours de la récente assemblée générale du distributeur. Au regard du temps et de l’énergie que nécessite le débunkage d’une fausse information face à la viralité d’une fake news, cette mise au point suffira-t-elle à éteindre les suspicions qui couvent à l’égard du groupe français ? Sans doute pas auprès des militants convaincus du BDS, dont le prix Nobel de la paix Shimon Peres lui-même convenait, en son temps, qu’ils n’étaient « ni neutres, ni objectifs et (qu’ils) ne connaissaient pas les faits ».

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